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Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de Brumepin Brumepin Mode Lecture - Citer - 17/12/2011 23:45:36

DSK, Episode 1

« - Qu’est ce que tu fais dans la vie ? »

L'homme se tenait droit sur la banquette. Dos au mur. Le plus dignement possible dans sa tenue de prisonnier. La cellule était étroite. 12 m² à tout casser. 9m², si on enlevait l’espace qu’occupait le lit à double étage qui reposait sur le mur d’en face. Les coins au plafond suintaient la moisissure, le sol du cachot avait des allures de banquise.

« - Qu’est ce que tu fais dans la vie ? »

Le cou fort tel un taureau, les yeux clairs, la bouche fine. Ces cheveux grisonnant s’éclaircissait au rayon du soleil que laissait filtrer les barreaux de la fenêtre. Tel le projecteur d’un cinéma où se joue un film de mauvais goût. La crispation sur le sourire. Les yeux se plissent douloureusement sous la lumière de ce projecteur de mauvaise compagnie.

« -Qu’est ce que tu fais dans la vie ? »

Le ventre dodu se cogne contre le pantalon de trop petite taille. Les jambes immobiles incapables de faire le moindre mouvement, comme coulée dans le béton. Un homme quelconque dans le béton d’une prison. Un homme qui ne sait plus s’évader, c’est à cela que ça sert une prison. Cela détruit les hommes, parfois les destins. Les mains puissantes tremblent. Ne savent quoi faire d’un environnement aussi insignifiant. Mécaniquement, elles recherchent les poches d’un haillon qui n’en possède pas. A la recherche d’un portable égaré dans la suite d’un hôtel new yorkais.

« - Qu’est ce que tu fais dans la vie ? »

Le compagnon de fortune était black. Biceps avantageux, des plaques de chocolat à la place du ventre dodu de son congénère, ses jambes puissantes tournaient en rond, éprises de liberté. Parfois, l’envie de courir lui venait dans ce 9m². Sa tête passait et repassait devant l’unique ouverture de la pièce, ce qui donnait l’impression que les jours et les nuits se succédaient à une vitesse fulgurante. Comme si le temps s’accélérait d’un seul coup.
De ces yeux d’amandes, le jeune prisonnier n’arrêtait pas de marteler son compagnon de regard.

« - Qu’est ce que tu fais dans la vie ? »

Un spectacle d’ombre chinoise, depuis le début. L’ombre et la lumière. La douceur d’un matin qui se lève, et l’ombre de la solitude dans la salle de bain. L’extase d’une pulsion exterminée gratuitement, puis la prise de conscience d’un acte grave. L’espoir d’une évasion à l’aéroport JFK et les manteaux noir des enquêteurs. La lumières criardes des gyrophares, le mauvais sang d’une séance de garde à vue. Le flash des photographes et les robes austères des juges. Liberté conditionnelle refusée, prison jusque vendredi pour établir si un procès aura lieu ou non. Le jeune homme continuait ses rondes de plus en plus vite, comme si la roue qui le faisait tourner avait décidé de s’accélérer.

« - Qu’est ce que tu fais dans la vie ? »

Un homme de plus de 50 ans dans une prison, ça n’arrive pas tous les jours ! Le jeune homme s’impatientait. Qui est ce type ? Il n’a rien d’un américain, il est trop fier. Pourquoi les flics lui avaient dit « de ne pas trop l’abîmer » ? Le jeune black ne connaissait pas les flics pour leur compassion envers les prisonniers. Ils les jettent au trou, sans un mot. Pourquoi celui-ci refusait-il de répondre aux questions ? Les nouveaux prisonniers ne se réfugient pas aussi facilement dans le silence, après quelques minutes, ils comprennent que la vie est foutue et sombrent dans la folie pendant plusieurs jours. Ce type était louche. Plus que les autres.

« - Hey l’affreux, je te cause ! »

L'homme tiqua et haussa le sourcil. Il se leva et avança son impressionnante carrure, avec un charisme qui déstabilisa le jeune homme au point de le faire asseoir. Un orateur assurément, en tout cas quelqu’un qui aimait dominer. Il soutint le regard, impassible ; La lumière de la fenêtre balafrait une diagonale sur son visage. La cicatrice du projecteur laissait perler quelques gouttes de sueur. L’inquiétante impression d’avoir un homme à double face devant soi. Et l’homme à moitié ombre, à moitié lumière déclara :

« Je suis le maître du monde ! »

Avatar de Wensaïlie Wensaïlie Mode Lecture - Citer - 22/12/2011 11:17:01

Critiques au fil de la lecture : dommage qu'on puisse pas voir la video. Tu pourrais supprimer les deux autres postes puisque ce sont les mêmes?
(voici mes critiques, en accord avec le conseil numéro 10Petit Sourire

« La cellule était étroite. 12 m² à tout casser. 9m², si on enlevait l’espace qu’occupait le lit à double étage qui reposait sur le mur d’en face. »
Mise à part que j’ai trouvé cette phrase longue, je me demande :
12m² - un lit une place (parce qu’on parle de surface) = 12m² - 1.4*1.9m… 2.66… Oo’ le compas dans l’œil. Mais je trouve cette phrase étrange… peut-être parce que tu dis « l’espace » et que du coup je me suis mise à penser en volume.
(non, pas de déformation professionnelle)


« le sol du cachot avait des allures de banquise. »
J’adore

« La crispation sur le sourire. Les yeux se plissent douloureusement sous la lumière de ce projecteur de mauvaise compagnie. »
J’aime moins. Je ne comprends pas « la crispation sur le sourire » et je trouve dommage la répétition avec projecteur.

« comme coulée dans le béton. Un homme quelconque dans le béton d’une prison. Un homme qui ne sait plus s’évader, c’est à cela que ça sert une prison. »
Ici j’ai tilté sur les répétitions, et en même temps, elles font un truc. Donc bon, je remarque juste ^^

« Cela détruit les hommes, parfois les destins. »
Tu as une étrange manière de mettre tes virgules (et c’est moi qui dit ça !) dans ce texte. J’aurais écrit « Cela détruit les hommes, parfois, les destins ». (encore une fois, c’est juste une remarque)

« prison jusque Vendredi pour établir si un procès »…
Pourquoi la majuscule ?

« Liberté conditionnelle refusée, prison jusque Vendredi pour établir si un procès aura lieu ou non. Le jeune homme continuait ses rondes de plus en plus vite, comme si la roue qui le faisait tourner avait décidé de s’accélérer. »
Du coup on dirait que c’est le jeune homme qui pense les phrases au dessus…

« Pourquoi les flics lui avaient « de ne pas trop l’abîmer » ? »
Il manque le mot « dit » non ? (ou autres synonymes)

« Le jeune black ne connaissait pas les flics pour leur compassion envers les prisonniers. »
Je comprends cette phrase mais est-il nécessaire que le jeune black soit le sujet ? Une vérité générale aurait peut-être plus de force…

« Il soutint le regard, impassible ; La lumière de la fenêtre balafrait une diagonale sur son visage. »
Ma position face au point virgule est connue.

« Et l’homme à moitié ombre, à moitié lumière déclara : »
Comme je suis toujours énervante sur les fins je vais entretenir ma réputation. Je mettrais « Et l’Homme (maj en option), moitié ombre, moitié lumière, déclara : »


Très bien cette fin.

Mais un truc me chagrine. Je n’ai pas tout suivit de l’affaire DSK et j’avoue que maintenant elle se fait brumeuse dans ma mémoire. (et puis je dois bien dire qu’avant ça, ce n’était qu’un nom parmi d’autre). Le truc c’est que vis-à-vis de ce que je pense de l’affaire, ton texte ne m’a pas touché sentimentalement (parce que sinon je l’aime beaucoup, très intéressant !), et j’ai eu du mal à comprendre ton point de vue. Soit tu ne veux pas le donner et juste décrire, soit tu veux donner ton avis… enfin là j’ai du mal à expliquer, mais du coup je suis un peu mitigée. (l’ombre et la lumière ? ^^)

Avatar de Wensaïlie Wensaïlie Mode Lecture - Citer - 22/12/2011 11:34:40

j'ai oublié une remarque!!
Voilà, en tant qu'amoureuse des langues, je me suis dit: il est en Amérique? Pourquoi son camarade de chambre parle français?

Spoiler - Afficher

que personne ne s'avise de demander pourquoi si j'aime tant les langues j'écorche le français avec tant d'insolence lorsque j'écris. Parce que d'abord!

Avatar de Brumepin Brumepin Mode Lecture - Citer - 22/12/2011 12:31:15

Tu n'as ici qu'un épisode d'une saga qui en compte neuf! Donc, ton impression d'inachevé à la lecture de cet extrait est normal. Ce n'est que le début de l'histoire...
J'aimerai bien supprimer les posts précédents, sauf que quand je clique dessus, je suis renvoyé directement sur le site de youtube. Faudrait en parler au webmaster.
N'empêche ce serait bien d'avoir les vidéos, cela donne une toute autre richesse au texte; et justifie pourquoi il n'est publiable que sur le net.

Pour tes critiques sur le style, je corrige les coquilles. Niveau du rythme: virgule, point virgule etc. Je te dirai que le pèse autant que les mots que j'utilise. Tu n'aimes pas les points-virgules par contre, je vois que tu abondes de virgules. Je trouve qu'à force, ça casse le texte. Il faut plus de liant pour moi. Après ce n'est qu'un point de vue.

Avatar de Lune Lune Mode Lecture - Citer - 22/12/2011 12:49:18

("Table Ronde" -> "Journal de bord" -> "Matérialisation du bugtrack" on parle justement de ce problème, et c’est là qu'il faut aller se plaindre au Grand Chef)

Avatar de Wensaïlie Wensaïlie Mode Lecture - Citer - 22/12/2011 15:04:00

Vivement de lire les suivants alors!!

Quant aux points et aux virgules, c'est en effet un point de vu (c'est autant pour toi que pour moi que je le note ^^)

Avatar de Brumepin Brumepin Mode Lecture - Citer - 25/12/2011 11:11:22

DSK, Episode 2

Le Monde, Mardi 17 mai 2011. « L’affaire DSK : un séisme pour l’euro, le FMI et la gauche ». La couverture du journal présente Dominique, les mains menottées derrière le dos, entouré de quatre policiers. Le maître du monde, avachi sur la banquette en bois vermoulu, lit incrédule la réaction de son amie Martine au sujet de son incarcération. Son front se plisse. Le regard toujours aussi insignifiant. Des soupirs à la lecture de certaines phrases.
Kilian adossé contre le mur, ne comprenait pas. Il tentait de déchiffrer la langue dans laquelle le journal était écrit, mais rien. Ce type venait d’ailleurs. Il s’arrêta sur la photo publiée en Une et émis un sifflement admiratif.

« Dis donc, tu as dû faire une sacré connerie, toi ! Pour que l’Etat de New York te fournisse quatre poulets pour t’accompagner en taule !

Il s’arrêta sur les lettres D.S.K.

- Tu es un dealer, c’est ça ?

Dominique arrêta sa lecture.

- Le « DSK », c’est une nouvelle drogue pas vraie ? –il dévisagea Dominique, de plus en plus incrédule – Et je suis prêt à parier que ça devait être de la bonne. Tu as dû te goinfrer de thunes avec ça. C’est pour ça que tu es le maître du monde.

Il y eut une seconde d’incompréhension puis Dominique lâcha son journal et partit dans un éclat de rire. Son rire se fracassait contre les murs de la cellule. Des larmes coulaient de ces pupilles ternies de fatigue. Le son de sa gorge déployée se cognait contre sa dentition parfaite. Il se leva et tambourina la porte, se plia en deux sous l’effet des spasmes d’hilarité qui envahissait son corps. L'homme sombra dans cinq minutes de folie. Kilian craignaient qu’il ne soit en face d’un drogué en manque. Il arrivait souvent que des codétenus perdent la raison quelques minutes, mais jamais en riant au point d’en pleurer des larmes de désespoir. Dominique se calma, se reprit et s’adressa à Kilian :

- Non, je ne suis pas dealer.
- Marchand d’armes ?
- Presque.
- Comment ça presque ?
- Je manie le nerf de la guerre.
- Des dollars. Tu es banquier.
- Pas vraiment non plus.
- Dommage...
- Pourquoi ?
- Je travaillais dans une banque.
- Vraiment ?
- Je faisais le ménage, je balayais le sol marbré du rez-de-chaussée et passait l’aspirateur sur les moquettes de l’étage. J’ai nettoyé cette boutique pendant 4 ans, le mieux que je pouvais. Tous les jours, je me donnais à fond. Ca paraissait bien parti. J’ai acheté les restes d’une maison dans les bas quartiers de Big Apple. J’ai été viré en 2008… Les chiens.
- Où travaillais-tu ?
- Lehman Brothers, ça te dis quelque chose?

Le visage de Dominique se figea.

- Toi aussi, ils t’en ont fait baver !
- Ils m’ont donné pas mal de travail.
- Ils venaient chercher leur drogue chez toi, les fils de putes.
- C’est plus compliqué.
- Ils m’ont fait perdre mon job et ma maison. C’était à eux que j’avais demandé un prêt. Quand ils ont mis la clef sous la porte, les autorités m’ont foutu à la rue. Je n’étais pas propriétaire de la maison et elle ne valait plus rien. Je me suis séparé de ma femme pour la protéger de dettes dont je n’étais pas responsable. Je me suis juré de tous les butter. Un par un. Avec le peu qui me restait, je me suis payé un neuf millimètres et j’ai filé mon ancien boss pendant un an. Quand j’ai senti que le moment était bon, j’ai tiré. Je l’ai touché à l’épaule et à la cuisse. Je n’ai pas eu le temps de terminer le travail. Les flics m’avaient déjà serré. Je devais me faire une raison : j’avais loupé mon coup. Quelques jours plus tard, j’étais arrivé à Riker Island. Je n’ai toujours pas bougé de cette cellule.
- Tu as déjà été jugé ?
- Mon procès aura lieu en 2012. C’est tout ce que je sais. Et toi, quand le jury rendra-t-il sa décision ?
- Vendredi.

La porte de fer vibra de trois coups secs. Un geôlier venait de frapper.

- Qu’est-ce que c’est ? demanda Dominique.
- Les gardiens. C’est pour nous dire qu’ils viendront nous chercher dans cinq minutes pour aller manger.
- Ils ont l’air aimable. plaisanta Dominique.
- Je n’aime pas ton humour. – Killian observa un silence – D’où viens-tu ? Ton accent ne me revient pas.
- Je suis français.
- Pourquoi es-tu venu vendre de la drogue ici ?
- Je ne suis pas dealer.
- Marchand d’armes ?
- Presque.
- Comment ça presque ?
- Je manie le nerf de la guerre.
- Des dollars. Tu es banquier.
- Pas vraiment non plus.
- Voleur ?
- C’est déjà un peu plus juste…

Avatar de Wensaïlie Wensaïlie Mode Lecture - Citer - 26/12/2011 01:36:49

correction au fil de lecture:

« Le regard toujours aussi insignifiant. »
Tu veux dire quoi par là ?

« Des soupirs à la lecture de certaines phrases. »
C’est étrange le « des » ou il faut un verbe, ou il faut tourner la phrase autrement, non ?

« Le maître du monde, avachi sur la banquette en bois vermoulu, lis incrédule la réaction de son amie »
Je ne suis pas une pro, bien au contraire, mais il me semble qu’il faut un T à ‘’lis’’

« Kilian adossé contre le mur, ne comprenait pas. Il tentait de déchiffrer la langue dans laquelle le journal était écrit, mais rien. »
Je suis nulle en grammaire, mais tu ne viens pas de passer au passé ici, alors que tu étais au présent ?
(ps : Kilian, ça rime avec Illian ! Attention !! ok, private joke ou presque, désolée ^^)

« L'homme sombrait dans cinq minutes de folie. »
Je trouve cette phrase étrange, parce que c’est de l’imparfait (description) mais le temps est vachement précis…

« Kilian craignaient qu’il ne soit en face d’un drogué en manque. »
Ou j’ai lu l’autre trop vite, ou tu as écris celle-ci plus vite. craignAIT. Sinon, cette phrase je la trouve étrangement tournée… la négation n’ait peut-être pas utile.


« Il arrivait souvent que des codétenus perdent la raison quelques minutes, mais jamais en riant au point d’en pleurer des larmes de rires et de désespoir. »
OUaouh == je trouve cette phrase compliquée (je suis trop méchante quand je suis fatiguée Oo’) proposition :
? il arrivait souvent que certains de ses codétenus, ou ses codétenus ou que des détenus…
? mais jamais au point d’en pleurer (de rire faire répétition avec riant).
Est-ce que Kilian peut vraiment savoir que le héro pleure de désespoir ?
En passant, bien que ce soit l’idée, je trouve ça dommage de citer directement « Dominique ». Mais c’est un choix.

« Je manie le nerf de la guerre. »
Pour le coup, s’il est désespéré, il ne devrait pas parler au passé ? (d’un autre côté il dit « Je suis le maître du monde » mais en fait, il l’était…)
… en plus il parle au passé après !


OUaouh !! Je suis perdue :
« - Je manie le nerf de la guerre. DSK
- Des dollars. Tu es banquier. Kilian
- Pas vraiment non plus. DSK
- Je travaillais dans une banque. Kilian ? mais pourquoi il sort ça comme ça ??
- Vraiment.
- Je faisais le ménage, je balayais le sol marbré du rez-de-chaussée et passait l’aspirateur sur les moquettes de l’étage. J’ai nettoyé cette boutique pendant 4 ans, le mieux que je pouvais. Tous les jours, je me donnais à fond. Ca paraissait bien parti. J’ai acheté les restes d’une maison dans les bas quartiers de Big Apple. J’ai été viré en 2008… Les chiens.
- Où travaillais-tu ? »


« -Lehman Brothers, ça te dis quelque chose?
- Le visage de Dominique se figea.
- Toi aussi, ils t’en ont fait baver ! »
Il y a un tiret en trop au milieu ^^

Il y a vraiment un truc dans le discours, peut-être qu’il manque des répliques pour expliquer comment on passe des questions de Kilian au laïus sur sa vie…

« - Ils ont l’air aimable. Plaisanta Dominique. »
Ils ont l’air aimable, plaisanta Dominique.

« - Je n’aime pas ton humour. – Killian observa un silence – D’où viens-tu ? Ton accent ne me revient pas. »
… humour, Killian observa un silence, d’où…

Si Kilian c’est un tueur habitué à la pègre, il devrait reconnaître l’accent français non ?

J’aime bien que le dialogue de la fin reprenne le début de l’autre.

Je me demande ce que tu vas faire pour finir tout ça, tu as combien de « chapitres » ?

Avatar de Brumepin Brumepin Mode Lecture - Citer - 30/12/2011 11:27:52

DSK, Episode 3

La porte grinça un hurlement de bête de givre. Le cri du froid. La banquise du béton qui coulait au sol. La chair de poule envahit les corps. Le gardien portait l’uniforme mi-militaire, mi-policier des prisons. Un képi blanc faisait office de couvre chef. Ses yeux bleus clairs, presque blanc, fusillaient son vis-à-vis avant même de tirer.

- Dehors, le négro. C’est l’heure de se bâfrer.

Killian sortit mais ne bougea pas.

- Avance si tu ne veux pas tâter ma matraque.
- Il n’a pas le droit de manger l'autre ?
- Quel autre?

Killian indiqua Dominique de la tête. Assis sur le lit, les coudes sur les cuisses, la tête dans les mains, il attendait qu’on lui dise de sortir. Surpris, le gardien regarda avec prudence à l’intérieur de la cellule. Il reconnut Dominique dès la première seconde, et le dévisagea. Il lâcha dans un murmure « Qu’est ce qu’il fout là ? ». Il approcha son Talkie-walkie de sa bouche et cracha : « Capitaine, nous avons un problème à la cellule 211. Quelqu’un a foutu le patron avec le Négro. Je répète : quelqu’un a foutu le patron avec le négro. »
L’appareil ne répondit pas. Un silence pesant s’installa, aussi lourd et froid qu’une avalanche en plein printemps. La saison des espoirs que la mort choisit de cueillir par hasard. Des bruits de pas réguliers se firent entendre. De plus en plus forts, de plus en plus pressés. Une silhouette se dégagea à travers la poussière. L’officier avançait vite, lorsqu’il arriva à hauteur du gardien, il demanda :

- C’est quoi ce bordel Walker ?
- Je ne saurai l'expliquer. Dit-il confus

L’officier entra dans la cellule, et constata effectivement que Dominique y était présent.

- Les consignes avaient été pourtant claires. C’est le gouverneur en personne qui m’a appelé. Il devrait être seul, dans une cellule anti-suicide. Qu’est ce qu’il fout là ?
- Je n’en sais rien Capitaine, c’est Moore qui l’a amené ici.
- Évidemment. Nous recevons un invité de grande classe et il a fallu qu'un nigaud le confie à ce crétin de Moore ? Moore est viré.
- Très bien, mais en attendant, que faisons-nous capitaine ?
- J’ai mon idée. – il se tourna vers la cellule – Le jury doit le délibérer Vendredi, pas vrai, le patron ?

Dominique lança un regard désinvolte au capitaine. Hagard, perdu, sonné. Sa voix avait toujours la même présence.

- Il paraîtrait que oui.
- Excellent. – il s’adressa à Walker – On le laisse là, mais je veux que vous et vous seul, surveillez cette putain de cellule jusque vendredi. D’ici là, nous en serons débarrassés.
- Vous en êtes sûr ?
- Certain. Ce chien a de quoi se payer une caution d’un million de dollars pour s’acheter une liberté conditionnelle. Je me trompe Patron ?
- Non, vous ne vous trompez pas.
- A la bonne heure ! Tu ne peux pas savoir à quel point ça me fait plaisir d’avoir à m’occuper d’un enfoiré de ton espèce.
- A votre place, je surveillerai mon vocabulaire. Je connais votre président. Vous pourriez avoir de sérieux ennuis. Opina Dominique.

Piqué au vif, l’officier pénétra dans la cellule sa main sur la matraque. Il se positionna en face du détenu. Debout, il regarda Dominique droit dans les yeux. Son adversaire restait assis sur le lit et lui rendit son regard. Leur jeu ne dura que quelques secondes, l’officier baissa les yeux, Dominique continuait de le fixer fièrement. Il souffla.

- Tu es très fort, mais écoute-moi bien le patron: ici, c’est moi le chef. Toi, tu n’es rien. Les gens qui dorment dans ces cellules ne sont rien. Tout juste des loques humaines. Quand tu sortiras de cette prison, tu ne seras qu’un moins que rien. Un demi-homme parmi les hommes, Les médias t’ont déjà jugé. Tu es coupable, infréquentable. Tu veux appeler le président des États Unis d’Amérique ? Ne te gêne pas, je sais que tu connais le numéro de son BlackBerry. Tu oublies une chose. Tu n’auras que son répondeur, parce que pour lui, tu n’es plus rien. Tu es mort.

Il quitta la cellule. Dominique resta impassible. L’officier se tourna vers Killian.

- T’as entendu le négro ? Un million de dollars, t’en as de la chance ! A ta place, j’essaierai de négocier quelque chose, mais je te préviens ce type est réputé dur en affaire !

Avatar de Brumepin Brumepin Mode Lecture - Citer - 05/01/2012 18:21:18

DSK, Episode 4

Walker marchait tranquillement. Killian et Dominique le suivait. Ils se dirigeaient vers le réfectoire. Avant d’ouvrir la porte, le gardien s’arrêta, s’adressa à Dominique :

- Il y a deux règles à Rikers Island si tu veux survivre. La majorité des détenus ici, sont des latinos. Des mexicains. Ils ont le sang chaud. Ils sont passés par les réseaux de la drogue. La plupart sont d’anciens narcos du Nord Mexique qui ont réussi à monter jusque New York. Beaucoup ont fréquenté El Kilo. – Dominique acquiesça – Ils vénèrent Santa Muerte, un autel a été mis en place dans le réfectoire. Ne touche pas à cet autel. Règle numéro un.
- La règle numéro deux ? demanda Dominique.
- « Don’t move and look ». Ne bouge pas et regarde.

La bête de givre poussa son hurlement. Le vacarme du silence laissait planer une atmosphère d’hiver dans la fournaise d’une pièce qui avait la chaleur des étés sans désirs, rythmé par le cliquetis des couverts en plastique. Des revolvers que l’on recharge. Le sang qui se glace et la lumière de l’oxygène manque. L’humain reste devant le pas de la porte, ici c’est l’enfer.
Dominique pénétra dans la pièce, il avait du mal à respirer. Le réfectoire était grand, une cathédrale carcérale qui écrase ses habitants. Le silence religieux avait des allures de piété résignées. Dans un coin, un homme s’agenouillait devant le glauque d’une icône. Un squelette drapé d’une tunique noire, sa tête de mort surveillait l’assemblée. Dans sa main droite, une grande faucille, dans l’autre main, une balance. Le couperet et le jugement. Le prisonnier priait Santa Muerte. Lorsqu’il eut finit, une autre ombre d’homme s’avança, elle déposa la douille d’une balle de revolver sur l’autel en offrande et se recueillit dans la prière.
Dominique avait pris son plateau, il s’assit à côté de Killian, commença à manger. Les autres prisonniers ne lui prêtèrent pas attention. Seul un détenu, crâne rasé s’avança. Sur son avant bras, un tatouage donnait le nom par lequel tout le monde le connaissait ici : Malamadre.

- Qui c’est ? demanda-t-il

Killian ne répondit pas. Il continua de manger en silence, il fixait Dominique avec inquiétude.

- Qui c’est ? Insista-t-il

Les autres prisonniers s’étaient rapprochés de leur table. Le ton sur lequel Malamadre s’adressait à Killian promettait une baston épique.

- Qui c’est ? C’est ta dernière chance pour répondre, auquel je crois que tu te tairas à jamais.
- Le maître du monde répliqua Killian
- Tu te moques de moi le négro ?
- Pas du tout rétorqua l’autre. Il peut se payer une caution d’un million de dollars pour sa liberté conditionnelle. Il faut bien qu’il soit le maître du monde pour faire ça !

Malamadre se tourna vers Dominique.

- Un million de dollars, c’est bien ça mon cochon ?
- C’est bien ça. Répondit Dominique.
- Tu dois être un sacré chef de gangsters pour pouvoir te payer ça ?
- C’est le cas.
- Il s’appelle comment ton gang ?
- Le « Bilderberg» rétorqua Dominique avec calme.
- Le « Bilderberg » ? Joli nom de code. Vous étiez combien dans ce joyeux bordel ?
- Environ 130.
- Pas mal !
- On pillait toute la planète avec ça !
- Avec 130 bonshommes ?
- En Afrique surtout. En Grèce et en Irlande aussi.
- Et tu dirigeais tout ce petit monde ?
- Plus ou moins.
- Tu as dû en faire des coups ! Être à 130 bonhommes et avoir un butin tellement pharaonique pour qu’un million de dollars, ne pèsent rien. Sans que personne ne parle de toi ! A moins que tu sois quelqu'un d'important d'intouchable. Raconte ton histoire. Juste pour voir si ce que tu dis, est vrai. Je sais reconnaître les hommes qui mentent. Les politiciens surtout.
- Tu ne me croirais pas.
- Essaie, nous verrons bien.

Les autres détenus continuaient de s’attrouper autour de Dominique, persuadés qu’ils étaient face à un grand nom du crime. Beaucoup de grands gangster étaient passés à Rikers Island, peut-être étaient-ils de ceux-là. Surpris de l’intérêt qu’il suscitait si soudainement, Dominique ne résista pas. Il se leva sur sa chaise afin de voir toute l’assemblée. L’ouverture de ses bras laissait paraître un homme qui avait des allures de père, avec une fermeté virile. Alors qu’il n’avait toujours pas prononçait un seul mot, Dominique fascinait. Il transgressait cette loi de la jungle carcérale : « Don’t move and look ». Même Santa Muerte faisait pâle figure face à lui. Tous étaient conscients qu’il lui suffisait de quelques minutes pour prendre le pouvoir sur eux. Les gardiens étaient prisonniers de son aura. Une fois, qu’il s’était assuré que tout le monde l’écoutait, il commença à raconter : « Dans mon groupe de gangster, il y avait le président des Etats Unis… »

Avatar de Brumepin Brumepin Mode Lecture - Citer - 10/01/2012 19:48:10

DSK, Episode 5
La plume sur la page de papier crisse. Les mots hésitant tremblent. L’encre tarde à couler. Les larmes longent les joues, presque creuses. Les lèvres ont l’expression des jours graves, les jours d’enterrement semblent moins douloureux, plus vivables, moins tragiques. Ecrire sur page blanche sa propre mort à l’encre noire n’est pas une chose que l’on fait tout les jours. Encore moins dans une cellule de 12m², avec pour seul compagnie un jeune homme penché contre le mur qui a décidé de figer son regard sur vous-même afin d’y lire les blessures de votre âme. Killian était parti à l’assaut de l’âme de Dominique et n’y arrivait pas. Il lança un soupir, il repensait à ce qu’il s’était passé dans le réfectoire.

- C'est quoi ce cirque ? Ce midi, tu as coupé le souffle de tout le monde au point d'obtenir le respect de Malamadre et ce soir, tu chiales comme une mauviette. Tu dérailles complètement mec !

Dominique garda le silence.

- A qui écris-tu ? A ta femme ?
- A mes collaborateurs.

Kilian resta coi durant plusieurs secondes.

- Rassure-moi. Tu as une femme ?
- Oui, j’en ai une.
- Comment s’appelle-t-elle ?
- Anne.
- Elle est jolie ?
- Elle a pris de l’âge, comme moi.
- Elle a un job ?
- Journaliste.
- Journaliste ! Tu t’es marié avec l’une de ces salopes !
- Je t’interdis d’insulter ma femme. Asséna Dominique.

C’était la première fois que Dominique provoquait clairement Killian. Les deux codétenus se lancèrent des regards de défis. Le pouvoir contre la révolte. Dominique avait peur. De son côté, la force de l’esprit. De l’autre côté, la force du corps. Killian avait confiance. Il sentait grandir en lui, une pulsion haineuse contre son co-détenu. De quel crime était-il le responsable ? Il était de plus en plus louche, cet homme n’était pas ici pour une affaire bénigne. Il semblait avoir agi durant des années en toute impunité, certainement contre les siens. Le sort avait l’air de se retourner contre lui. Peut-être fallait-il en profiter. Il focalisa son regard sur la lettre. Dominique était furieux.

- Ne lis pas au dessus de mon épaule... de toute manière, je parierai que tu ne sais pas lire.

Killian eut un brusque mouvement de tête, il se dirigea à pas rapide et saisit Dominique par le col de la chemise prêt à lui donner une leçon. Il se ravisa en croisant le regard impérieux de son adversaire.

- Ecoute-moi, gros lard ! Tu ne m’interdis rien du tout. Tu n’es au dessus de personne. Je ne sais pas qui tu es, mais si je décide de te faire la peau, je te tuerai. Je ne sais pas ce que tu as fait à mes frères et mes soeurs mais je suppose que cela vaut la peine que je les venge. Je ne sais pas quel crime tu as commis, mais j’ai conscience qu’avec un million de dollars, on sait acheter la justice. Je ne sais qu'une chose : Tu n’as le dessus sur personne. Ici, tu n’es pas sur Terre. Tu es plus bas qu’à terre. Une vermine, un lombric. Je me demande bien qui serait assez con pour vouloir diriger de la vermine. Toi peut-être… avec tes discours.

Il reposa Dominique sur sa chaise et alla se calmer sur le lit. Il soufflait de haine. Il émit un cri sauvage pour extérioriser la violence qui sommeillait en lui mais cela ne suffisait pas. Il se leva et se mit à cogner de toutes ses forces, la porte de la prison. De plus en plus fort, à des rythmes de plus en plus rapides. Il s’y cogna même la tête, puis les poings à nouveau. L’ensemble de son corps expulsa sa colère soudaine. Ses cris de rage se transformèrent en cris de douleur. Au bout d’un quart d’heure, il s’arrêta. Dominique observait compatissant. Il avait écrit sa lettre pendant que Killian pétait les plombs.

- Il faut être con.

Dominique ne répondit pas. Il se relisait.

- Il faut vraiment être con, hein Dominique.

L'homme se retourna et chercha à entrer en contact avec son congénère ivre de douleur.

- Il faut vraiment être con, pour ne pas écrire à sa femme en premier ! Tes collaborateurs ! Tu parles ! Des salauds, des enfoirés, des lèche-culs!
- A ta place, je me calmerai. Assura Dominique.
- Garde les pour toi tes conseils ! T’en a combien ?
- Je te demande pardon ?
- Des femmes, tu en as combien ? Un type comme toi, maître du monde, tu as dû t’en taper un bon paquet !
- Je n’aime pas ton humour.
- Arrête, tu ne vas pas me faire croire que tu n’as connu qu’Anne dans ta vie.
- J’ai connu plusieurs femmes dans ma vie. C’est tout ce que je peux te dire.
- Et tu ne veux pas discuter ?
- Non

Le refus était tellement clair et limpide qu'il plana de toute son autorité dans la cellule. Killian observa un silence. Son combat de titan contre la porte en acier l’avait épuisé. Killian s’endormit d’un sommeil profond. Dominique qui ne l’avait pas remarqué, profita du calme pour relire sa lettre une dernière fois, puis alla s’installer dans le lit. Le journal était à côté. Il ne le lut pas, et préféra se dédier à plusieurs minutes de méditation.

Sur la table de la cellule, la lettre de Dominique traînait. Prête à être envoyée.

« Mesdames, et messieurs du bureau,

C’est avec une infinie tristesse que je me vois aujourd’hui de proposer au conseil d’administration ma démission de mon poste de directeur général du FMI.

Je pense d’abord en ce moment à ma femme – que j’aime plus que tout – à mes enfants, à ma famille, à mes amis.

Je pense aussi aux collaborateurs du FMI avec lesquels nous avons accompli de si grandes choses depuis plus de trois ans.

A tous, je veux dire que je réfute avec la plus extrême fermeté tout ce que m’est reproché.
Je veux préserver cette institution que j’ai servie avec honneur et dévouement, et surtout, surtout, je veux consacrer toutes mes forces, tout mon temps et toute mon énergie à démontrer mon innocence.

DSK »