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Arbre

Le Temps des Rêves

DSK, Episode 4

Walker marchait tranquillement. Killian et Dominique le suivait. Ils se dirigeaient vers le réfectoire. Avant d’ouvrir la porte, le gardien s’arrêta, s’adressa à Dominique :

- Il y a deux règles à Rikers Island si tu veux survivre. La majorité des détenus ici, sont des latinos. Des mexicains. Ils ont le sang chaud. Ils sont passés par les réseaux de la drogue. La plupart sont d’anciens narcos du Nord Mexique qui ont réussi à monter jusque New York. Beaucoup ont fréquenté El Kilo. – Dominique acquiesça – Ils vénèrent Santa Muerte, un autel a été mis en place dans le réfectoire. Ne touche pas à cet autel. Règle numéro un.
- La règle numéro deux ? demanda Dominique.
- « Don’t move and look ». Ne bouge pas et regarde.

La bête de givre poussa son hurlement. Le vacarme du silence laissait planer une atmosphère d’hiver dans la fournaise d’une pièce qui avait la chaleur des étés sans désirs, rythmé par le cliquetis des couverts en plastique. Des revolvers que l’on recharge. Le sang qui se glace et la lumière de l’oxygène manque. L’humain reste devant le pas de la porte, ici c’est l’enfer.
Dominique pénétra dans la pièce, il avait du mal à respirer. Le réfectoire était grand, une cathédrale carcérale qui écrase ses habitants. Le silence religieux avait des allures de piété résignées. Dans un coin, un homme s’agenouillait devant le glauque d’une icône. Un squelette drapé d’une tunique noire, sa tête de mort surveillait l’assemblée. Dans sa main droite, une grande faucille, dans l’autre main, une balance. Le couperet et le jugement. Le prisonnier priait Santa Muerte. Lorsqu’il eut finit, une autre ombre d’homme s’avança, elle déposa la douille d’une balle de revolver sur l’autel en offrande et se recueillit dans la prière.
Dominique avait pris son plateau, il s’assit à côté de Killian, commença à manger. Les autres prisonniers ne lui prêtèrent pas attention. Seul un détenu, crâne rasé s’avança. Sur son avant bras, un tatouage donnait le nom par lequel tout le monde le connaissait ici : Malamadre.

- Qui c’est ? demanda-t-il

Killian ne répondit pas. Il continua de manger en silence, il fixait Dominique avec inquiétude.

- Qui c’est ? Insista-t-il

Les autres prisonniers s’étaient rapprochés de leur table. Le ton sur lequel Malamadre s’adressait à Killian promettait une baston épique.

- Qui c’est ? C’est ta dernière chance pour répondre, auquel je crois que tu te tairas à jamais.
- Le maître du monde répliqua Killian
- Tu te moques de moi le négro ?
- Pas du tout rétorqua l’autre. Il peut se payer une caution d’un million de dollars pour sa liberté conditionnelle. Il faut bien qu’il soit le maître du monde pour faire ça !

Malamadre se tourna vers Dominique.

- Un million de dollars, c’est bien ça mon cochon ?
- C’est bien ça. Répondit Dominique.
- Tu dois être un sacré chef de gangsters pour pouvoir te payer ça ?
- C’est le cas.
- Il s’appelle comment ton gang ?
- Le « Bilderberg» rétorqua Dominique avec calme.
- Le « Bilderberg » ? Joli nom de code. Vous étiez combien dans ce joyeux bordel ?
- Environ 130.
- Pas mal !
- On pillait toute la planète avec ça !
- Avec 130 bonshommes ?
- En Afrique surtout. En Grèce et en Irlande aussi.
- Et tu dirigeais tout ce petit monde ?
- Plus ou moins.
- Tu as dû en faire des coups ! Être à 130 bonhommes et avoir un butin tellement pharaonique pour qu’un million de dollars, ne pèsent rien. Sans que personne ne parle de toi ! A moins que tu sois quelqu'un d'important d'intouchable. Raconte ton histoire. Juste pour voir si ce que tu dis, est vrai. Je sais reconnaître les hommes qui mentent. Les politiciens surtout.
- Tu ne me croirais pas.
- Essaie, nous verrons bien.

Les autres détenus continuaient de s’attrouper autour de Dominique, persuadés qu’ils étaient face à un grand nom du crime. Beaucoup de grands gangster étaient passés à Rikers Island, peut-être étaient-ils de ceux-là. Surpris de l’intérêt qu’il suscitait si soudainement, Dominique ne résista pas. Il se leva sur sa chaise afin de voir toute l’assemblée. L’ouverture de ses bras laissait paraître un homme qui avait des allures de père, avec une fermeté virile. Alors qu’il n’avait toujours pas prononçait un seul mot, Dominique fascinait. Il transgressait cette loi de la jungle carcérale : « Don’t move and look ». Même Santa Muerte faisait pâle figure face à lui. Tous étaient conscients qu’il lui suffisait de quelques minutes pour prendre le pouvoir sur eux. Les gardiens étaient prisonniers de son aura. Une fois, qu’il s’était assuré que tout le monde l’écoutait, il commença à raconter : « Dans mon groupe de gangster, il y avait le président des Etats Unis… »