Retour à la conversation
Arbre

Le Temps des Rêves

DSK, Episode 3

La porte grinça un hurlement de bête de givre. Le cri du froid. La banquise du béton qui coulait au sol. La chair de poule envahit les corps. Le gardien portait l’uniforme mi-militaire, mi-policier des prisons. Un képi blanc faisait office de couvre chef. Ses yeux bleus clairs, presque blanc, fusillaient son vis-à-vis avant même de tirer.

- Dehors, le négro. C’est l’heure de se bâfrer.

Killian sortit mais ne bougea pas.

- Avance si tu ne veux pas tâter ma matraque.
- Il n’a pas le droit de manger l'autre ?
- Quel autre?

Killian indiqua Dominique de la tête. Assis sur le lit, les coudes sur les cuisses, la tête dans les mains, il attendait qu’on lui dise de sortir. Surpris, le gardien regarda avec prudence à l’intérieur de la cellule. Il reconnut Dominique dès la première seconde, et le dévisagea. Il lâcha dans un murmure « Qu’est ce qu’il fout là ? ». Il approcha son Talkie-walkie de sa bouche et cracha : « Capitaine, nous avons un problème à la cellule 211. Quelqu’un a foutu le patron avec le Négro. Je répète : quelqu’un a foutu le patron avec le négro. »
L’appareil ne répondit pas. Un silence pesant s’installa, aussi lourd et froid qu’une avalanche en plein printemps. La saison des espoirs que la mort choisit de cueillir par hasard. Des bruits de pas réguliers se firent entendre. De plus en plus forts, de plus en plus pressés. Une silhouette se dégagea à travers la poussière. L’officier avançait vite, lorsqu’il arriva à hauteur du gardien, il demanda :

- C’est quoi ce bordel Walker ?
- Je ne saurai l'expliquer. Dit-il confus

L’officier entra dans la cellule, et constata effectivement que Dominique y était présent.

- Les consignes avaient été pourtant claires. C’est le gouverneur en personne qui m’a appelé. Il devrait être seul, dans une cellule anti-suicide. Qu’est ce qu’il fout là ?
- Je n’en sais rien Capitaine, c’est Moore qui l’a amené ici.
- Évidemment. Nous recevons un invité de grande classe et il a fallu qu'un nigaud le confie à ce crétin de Moore ? Moore est viré.
- Très bien, mais en attendant, que faisons-nous capitaine ?
- J’ai mon idée. – il se tourna vers la cellule – Le jury doit le délibérer Vendredi, pas vrai, le patron ?

Dominique lança un regard désinvolte au capitaine. Hagard, perdu, sonné. Sa voix avait toujours la même présence.

- Il paraîtrait que oui.
- Excellent. – il s’adressa à Walker – On le laisse là, mais je veux que vous et vous seul, surveillez cette putain de cellule jusque vendredi. D’ici là, nous en serons débarrassés.
- Vous en êtes sûr ?
- Certain. Ce chien a de quoi se payer une caution d’un million de dollars pour s’acheter une liberté conditionnelle. Je me trompe Patron ?
- Non, vous ne vous trompez pas.
- A la bonne heure ! Tu ne peux pas savoir à quel point ça me fait plaisir d’avoir à m’occuper d’un enfoiré de ton espèce.
- A votre place, je surveillerai mon vocabulaire. Je connais votre président. Vous pourriez avoir de sérieux ennuis. Opina Dominique.

Piqué au vif, l’officier pénétra dans la cellule sa main sur la matraque. Il se positionna en face du détenu. Debout, il regarda Dominique droit dans les yeux. Son adversaire restait assis sur le lit et lui rendit son regard. Leur jeu ne dura que quelques secondes, l’officier baissa les yeux, Dominique continuait de le fixer fièrement. Il souffla.

- Tu es très fort, mais écoute-moi bien le patron: ici, c’est moi le chef. Toi, tu n’es rien. Les gens qui dorment dans ces cellules ne sont rien. Tout juste des loques humaines. Quand tu sortiras de cette prison, tu ne seras qu’un moins que rien. Un demi-homme parmi les hommes, Les médias t’ont déjà jugé. Tu es coupable, infréquentable. Tu veux appeler le président des États Unis d’Amérique ? Ne te gêne pas, je sais que tu connais le numéro de son BlackBerry. Tu oublies une chose. Tu n’auras que son répondeur, parce que pour lui, tu n’es plus rien. Tu es mort.

Il quitta la cellule. Dominique resta impassible. L’officier se tourna vers Killian.

- T’as entendu le négro ? Un million de dollars, t’en as de la chance ! A ta place, j’essaierai de négocier quelque chose, mais je te préviens ce type est réputé dur en affaire !