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Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de Contraste Contraste Mode Lecture - Citer - 04/02/2012 18:18:13

C'était quoi, grandir ? La fumée de cigarette peut-être. Ils croyaient que ça les faisait grandir. Ou alors l'ivresse ? Les alcools, les amours, les soirées, les départs un sac sur l'épaule et les adieux traduits par le claquement de la porte d'entrée ? Ils aimaient se sentir pousser des ailes, c'était des ailes fragiles mais ils n'en avaient pas conscience alors ils volaient haut, ils volaient sans penser. Sur la route. Dans le désert, une vodka dans une main, les lunettes de soleil, la jolie Aphrodite au bras ? C'était si intense, les caresses qui découvrent pour la première fois cette peau si douce, la courbe des seins, le galbe parfait de ses lèvres si féminines... C'est plus doux que tout ce qu'il pouvait penser. La réalité prends un autre sens : il ne veut vivre que pour ses lèvres !
C'était quoi, grandir ?

Entendre ses gémissements au creux de l'oreille, connaître la jouissance des âmes et des corps ? C'était peut-être quand on prenait encore le temps des caresses lentes, quand on ne connaissait pas le corps de l'autre, quand les mains étaient timides et hésitantes. C'était peut-être avant que ça ne devienne une habitude. C'était sans doute avant que les corps nous semble tous les mêmes !

C'était quoi, grandir ?
Quand elle pleurait, quand vous aviez mal, quand les nuits n'étaient pas assez noires pour cacher ta honte et ta douleur ?

C'était quoi, grandir ?
La fin des mystères, lorsqu'ils savaient pourquoi la pluie tombe, pourquoi les oiseaux chantent, pourquoi l'herbe danse, pourquoi les corbeaux ont la voix trop rauque pour parler, pourquoi les filles ont peur, pourquoi elles pleurent certaines nuits solitaires, au cœur des angoisses, pourquoi certains ne parleront plus jamais, pourquoi tout le monde ne sait plus rire, pourquoi certains sont lâches, pourquoi il faut, pourquoi on doit ?

C'était quoi, grandir ?!
Tes lèvres dégoulinantes de larmes, entre sel et fièvre, quand nous faisions l'amour après nos cauchemars ? Nos caresses comme seul rempart contre le monde violent, en horde, et nous faisions de l'amour, de l'union des âmes et des corps, la plus imprenable forteresse.

C'était quoi, grandir ?

Les coups, injustes, des mains de leurs pères ? Peut-être les gifles au goût d'alcool, les corps aux soubresauts, aux sanglots muets, enchaînés dans ta douleur ? Lorsque tu déchaînait ta haine contre les oiseaux dans leurs nids, pour te venger de ton géniteur ?
Ces petits corps pleins de plumes que tu as brisé à coups de bâton. Combien de fois as-tu pleuré comme un chien en y repensant ? En t'en voulant ?

C'était quoi, grandir ?

Être coupable, peut-être. Le poste de police, les fiches, la honte et la rancune.

C'était quoi, grandir ?

Les heures à déclamer des vers, lorsque tu marchais, seul, en forêt, pour le plaisir des arbres ? Lorsque ceux-ci ne voulaient pas de toi et que tu t’effondrais dans la boue, ce jour là, au milieu de nul part dans le froid. Tes propres mains sur tes épaules, recroquevillé en croix comme pour une prière à jamais ignorée ?

C'était quoi, grandir ?

Cette nuit où tu as pris pour la première fois, pour toi seul, une feuille et une encre, et que tu as tracé ton premier poème ? Plus tard, le jour où tu l'as brûlé sous la rage qui te démange encore.
C'était quoi, grandir ?

Accepter la souffrance, peut-être. La côtoyer comme une maladie incurable, s'y faire, t'habituer à ses paroles dans ton sommeil ? Entendre les corbeaux te parler, perdre la raison ?

C'était quoi, grandir ?
T'occuper de toi, toi-même, sans doute. La joie de se sentir libre dans sa nouvelle solitude ?

C'était quoi, grandir ?

Lorsque tu défiais la mort en marchant sur le toit des immeubles, au bord du port, et que tu n'attendais qu'un coup de vent ?

C'était quoi, grandir ?

Te sentir exister, sans doute. Voir ton reflet dans une glace sans vouloir la briser, aller de l'avant sans avis, suivre ta propre voie.

C'était quoi, grandir ?

C'était la pluie.

Ils s'embrassaient passionnément, le dos déjà sous le supplice des frissons électriques. Édictés par les gouttelettes.

C'était le vent.


~


C'est quoi, grandir ?

Prendre son sac sur ses épaules et partir

Abandonner sa famille un moment
La retrouver plus tard.

Essayer de percevoir, avec sa vision endurcie

Par les vérités physiques et maintes fois démontrées,

Quelque chose de plus simple et plus beau

Que ces fades papiers sur un bureau.
Et cette quête de l'innocence perdue est plus forte encore,

Que l'innocence elle-même,parce qu'elle exige de vaincre,

Ses certitudes de courbes et de chiffres, ses théories

Oublier

Ce que nous savons,
Pour le redécouvrir
Grâce à la pulsion créatrice,
Sous l'angle du beau et de l'invisible.
*

C'est quoi grandir ?

Réclamer qu'on nous arrache la peau

A coups d'ongles

Que l'on nous morde

Jusqu'au sang

Supplier, dans un murmure fou :

"Détruis-moi"

Hurler sous la colère

Vouloir détruire le monde

A son image

Boire tout ce qui n'est pas eau

En quête d'ivresse

Pour oublier tous ces maux !

C'est quoi grandir ?

Ces migraines intolérantes

Ces douleurs dans le ventre

Les nuits, longues et blanches

Désir de vengeance

Contraste des pensées
Chaos tout emmêlé

Volonté d'amour

[C'est l'Amnésie,
le Néant

La Folie]

~

Ce sera quoi grandir ?

La paix

reviendra

Ou le chaos

me noiera



Avatar de Séquoïa Séquoïa Mode Lecture - Citer - 08/02/2012 20:52:30

Magnifique ! On prend beaucoup de plaisir à le lire, même si c'est peut-être un petit peu long.
J'ai pu m'identifier à de nombreux passages, moins à d'autres qui étaient plus extrêmes.
Pour moi il a manqué quelque chose qui m'a plutôt marquée dans le fait de grandir: la responsabilité des autres, toutes les conséquences de nos actes qui changent et doivent être prises en compte... (Cela dit c'est peut-être plus ardu à intégrer à ce genre de poème, et ça dépend du ressenti de tout un chacun alors<...)
En tout cas c'est très bien écrit, continue

Avatar de Contraste Contraste Mode Lecture - Citer - 08/02/2012 22:37:17

Je n'avais pas envie de faire quelque chose de court. Grandir, c'est long... En fait, je rajouterai peut-être même des bouts de texte au fur et à mesure de ce que je ressens et vois.
Ça me fait sacrément plaisir que tu aies pu t'identifier. Quant à l'extrême, c'est ma marque, j'ai du mal avec les demi-mesures.


Pour moi il a manqué quelque chose qui m'a plutôt marquée dans le fait de grandir: la responsabilité des autres, toutes les conséquences de nos actes qui changent et doivent être prises en compte... (Cela dit c'est peut-être plus ardu à intégrer à ce genre de poème, et ça dépend du ressenti de tout un chacun alors<...)


... J'ai un problème tenace avec la notion de responsabilité. Parce qu'il n'y a jamais de responsabilité unique. Tout est toujours emmêlé. Tout le monde est responsable.
Le meurtrier est-il coupable ou est-ce ceux qui le martyrisaient quand il était gosse, eux-mêmes traumatisés par leurs parents eux-mêmes traumatisés par... Etc. En allant plus loin, la victime est-elle responsable de son propre meurtre ? ... Après tout elle n'a pas pu le prévoir, le contrer.
Quelqu'un de responsable est quelqu'un de suffisamment intelligent pour pouvoir contrer, modifier en partie son déterminisme, il ne pourra jamais le faire sur tout. Il a juste un pouvoir plus grand sur lui-même, mais ça ne change rien à l'idée qu'on est tous inter-responsable et incapables de se maîtriser absolument vis-à-vis de nos antécédents. Par conséquent la responsabilité n'a pas à mes yeux raison d'exister, il faudrait trouver autre chose de beaucoup plus complexe et utile, et réformer notre justice si simpliste, inefficace et tellement illusoire ; réformer l'éducation, la politique, la culture et les idéologies de manière à offrir le plus de libre-arbitre possible aux individus, là, on pourra peut-être parler de responsabilité individuelle.
Comment même parler de liberté, donc de choix, donc de responsabilité quand on n'est pas absolument maître de soi-même ? L'être humain est une chose tellement influençable...

Tout cela pour dire que je ne me sens pas concerné par ma "responsabilité " au-delà de mes capacités de libre-arbitre et de modification de ma personnalité, que je considère déjà au dessus de la moyenne. Quant à celle des autres envers moi, je fais ce que je peux pour repousser le plus loin les limites du gigantesque carcan qui nous prend tous à la gorge ~

Merci pour tes encouragements et ton appréciation Séquoïa.

Avatar de Séquoïa Séquoïa Mode Lecture - Citer - 20/02/2012 10:16:35

Je vois ce que tu veux dire, mais deux choses:

D'une part, même si on ne se sent pas soi-même responsable de tous nos actes; nos parents, notre entourage et la société en général nous font bien comprendre que eux nous tiennent responsable, qu'on le veuille ou non.
Ce qui a forcément des conséquences sur notre vie à nous, et nous pousse à augmenter notre "champ de libre arbitre" si j'ose dire, auquel on ne faisait pas attention jusque là. C'est ce poids-là qu'on ressent en premier en grandissant, à mon avis, et qui nous interroge ensuite sur nos réelles responsabilités.

D'autre part, tu sembles dire que tu sais exactement où s'arrêtent ton libre-arbitre et ta possibilité de modifier ta personnalité, et qu'au-delà de celles-ci tu ne prends pas sur toi de responsabilité au vu de ton expérience, ton caractère... Malheureusement chez moi ces limites ne sont pas si nettes et ne se meuvent pas de manière si prévisible et contrôlée... Mes possibilités de progression me semblent à la fois trop larges et difficiles à atteindre. C'est pourquoi je dois encore réfléchir, à chaque faux pas que je fais, à mon degré de responsabilité. Confus M'enfin, c'est mon problème ! Clin d'oeil Simplement ta confiance en toi me surprend sur ce coup-là.

Je suis d'accord qu'on peut reconnaître un décalage entre la responsabilité qu'on nous met sur les épaules, et celle qu'on devrait plus justement assumer au vu de notre "champ de libre-arbitre" (ou plus juridiquement nos circonstances atténuantes), cela dit à cause du champ de progression dont je parlais plus haut, il me paraît difficile de repousser une responsabilité avec une juste certitude (en dehors d'une volonté d'auto-préservation j'entends).

Voilà, de rien pour mon appréciation bien sûr !

Avatar de Contraste Contraste Mode Lecture - Citer - 20/02/2012 19:29:29

D'une part, même si on ne se sent pas soi-même responsable de tous nos actes; nos parents, notre entourage et la société en général nous font bien comprendre que eux nous tiennent responsable, qu'on le veuille ou non.
Ce qui a forcément des conséquences sur notre vie à nous, et nous pousse à augmenter notre "champ de libre arbitre" si j'ose dire, auquel on ne faisait pas attention jusque là. C'est ce poids-là qu'on ressent en premier en grandissant, à mon avis, et qui nous interroge ensuite sur nos réelles responsabilités.

Depuis que je suis bébé j'ai la notion de responsabilité ancrée dans le sang, du coup c'est... naturel et personne n'a eu à me l'apprendre. Le truc c'est que pour moi grandir a plutôt été désapprendre cette notion de responsabilité envahissante : je me sentais responsable de TOUT et tout le monde, de manière vraiment exagérée. Je suis tombé dans l'autre extrême, et finalement après l'épisode du poste de police j'ai réussi à trouver à peu près un équilibre.
Ah mais c'est tellement intéressant de voir comme les chemins de chacun sont différents ! Chez toi ça a l'air d'avoir été un sacré poids imposé par le monde extérieur...


Malheureusement chez moi ces limites ne sont pas si nettes et ne se meuvent pas de manière si prévisible et contrôlée... Mes possibilités de progression me semblent à la fois trop larges et difficiles à atteindre. C'est pourquoi je dois encore réfléchir, à chaque faux pas que je fais, à mon degré de responsabilité. Confus M'enfin, c'est mon problème ! Clin d'Oeil

Je ne pense pas pouvoir te donner de conseils en ce qui concerne la découverte de soi, si je suis capable de me connaître dans certains domaines, d'autres demeurent parfaitement insondables. Mais le fait de te pousser à faire des choses dont tu n'as pas l'habitude, ou te retrouver dans des situations délicates * si possible, pas dangereuses* est un bon moyen de te connaître et de savoir comment tu réagis selon les situations, où sont tes limites de self-control, et après coup jusqu'à quel point tu es capable de modifier ton comportement en fonction de la leçon. Par exemple, dans des situations "extrêmes" très tendues ou dangereuses, il est bien de savoir jusqu'où on est responsable, ce qu'on doit faire, ce qu'on ne doit surtout pas se reprocher... Car il est facile de tomber sous la coupe d'une culpabilité irrationnelle.
J'ai des amis assez stupides parfois dans leur désir d'ivresse et qui font souvent des choses dangereuses - remarque, je fais aussi parti du lot... - et il faut savoir, à force, ne pas prendre sur soi ce que nous n'avons pas à porter.

cela dit à cause du champ de progression dont je parlais plus haut, il me paraît difficile de repousser une responsabilité avec une juste certitude

On peut mentir aux autres ou à soi-même mais je crois qu'on le "sent" quand on est "coupable".

Avatar de Séquoïa Séquoïa Mode Lecture - Citer - 27/02/2012 10:28:23

Bien, merci pour tes éclairages... Effectivement c'est curieux de voir avec quelle différence chacun a évolué Petit Sourire Un jour je n'hésiterai plus, en attendant je te souhaite une bonne continuation ! A bientôt.

Avatar de Wensaïlie Wensaïlie Mode Lecture - Citer - 04/04/2012 09:08:25

J'aime cette question qui se répète, et ce passé est effrayant, mais du coup me touche moins aussi car pour moi j'en suis encore au présent... (c'est pas claire)
j'ai beaucoup aimé le début et après tu arrivais à donner des réponses sur l'amour et les rapports entre deux personnes et là GRRRRRRRRR > < je me suis énervée toute seule. Je suis d'accord que c'est une réponse importante, mais j'ai l'impression qu'il n'y a que ça, et alors qu'au début tu es ouvert, ensuite ta vision se "rétrécit" pour se concentrer sur ça. J'aurais préféré soit que ça (mais dans ce cas je n'aurais pas "aimé"Clin d'oeil soit un balayage de plus de sujets comme le relation avec les autres, le boulot, la société, les activités... (je ne me sens pas très claire encore ==).
Arrivée là :"C'était la pluie.

Ils s'embrassaient passionnément, le dos déjà sous le supplice des frissons électriques. Édictés par les gouttelettes.

C'était le vent.
" finalement ça me va comme histoire, c'est un peu comme le récit d'un être, un passé sombre.
Je ne comprends pas/ je trouve peu utile ces derniers vers que je cite, pourquoi d'un seul coup changer? Est-ce que ça apporte vraiment quelque chose?

Par contre, je suis complètement hermétique aux deux parties finales ^^ (ajoutées ensuite, non? je trouve ça intéressant comme idée!)