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Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de poulix poulix Mode Lecture - Citer - 03/05/2011 21:37:40

Je suis en train de faire mes révisions de français (youhouhou) et je lis une phrase dans "préface à Orion aveugle" de Claude Simon. Il dit :
"Avant que je me mette à tracer des mots sur le papier, il n'y a rien à part un magma informe"
"C'est au moment de l'écriture que tout se forme"

Alors je me suis demandée : est-ce la même chose pour vous (que ce soit des mots, des notes ou des traits).
(oui, poulix aime tester les grandes théories littéraires ^^)

Avatar de Lune Lune Mode Lecture - Citer - 03/05/2011 22:49:56

Et bien...Je ne fonctionne pas vraiment comme Claude Simon ^^
J'écris lorsqu'une émotion, un évènement, une musique, une rencontre, une oeuvre d'art me marque si profondément que je dois faire sortir l'énergie qui me prend. Donc, je n'écris pas vraiment à partir de rien...
Par contre, les mots qui viennent me semble venir de rien. Je ne réfléchis pas. L'émotion arrive sans mots pour la décrire, je prends un stylo et les mots se jettent sur le papier sans que je réfléchisse. Ensuite je reprends en main ma raison et je regarde les associations qui se sont formées, celles qui marchent, celles qui ne fonctionnent pas. J'opère une construction, je mets de l'ordre. Et j'observe ce qui est sorti de moi, un peu comme une étrangère.
Parfois l'émotion s'éteint ou je ne peux pas écrire sur le moment. Alors je dois ensuite la faire revenir. Parfois j'y arrive d'autres fois non.
Parfois aussi les mots refusent de venir. Ils avouent leur incapacité à décrire l'indicible. Alors je danse.

Avatar de Eraneon Eraneon Mode Lecture - Citer - 04/05/2011 09:35:20

Personnellement je n'ai jamais aucune idée de ce qui va "sortir" d'une pulsion littéraire (puisque je n'écris que lorsqu'il m'en prend l'envie, jamais autrement). Seulement, j'ai une très haute conscience de l'univers que je vais décrire. Guillaume Musso a écrit quelque part qu'il faisait des biographies de plusieurs dizaines de pages des personnages de ses romans, même en étant conscient que 95% de ce qu'il y écrit n'apparaît pas dans le roman en question. Je suis un peu comme ça, sauf que je me contente d'être hautement conscient de l'univers dans lequel je place mon scénario, sans jamais le décrire par l'écriture, sans jamais le poser sur le papier.

Donc je me nuancerais sans doute par rapport à Claude Simon : au moment de l'écriture, il n'y a de magma informe que ce qui constituera vraiment la matière littéraire, les mots, les phrases et les paragraphes. L'immédiateté de l'action narrée. Mais ce n'est vrai (et encore...) que pour le roman je crois...

Avatar de naniquolas naniquolas Mode Lecture - Citer - 09/05/2011 22:00:39

Eh bien moi ça dépend des fois. Pour les poèmes, je pars en général d'une émotion ou d'un premier vers qui m'est venu à l'esprit, (et je considère une émotion comme un magma informe). Sauf que tout ne prend pas forme au moment de l'écriture ; après l'avoir écrit ça reste parfois un magma à peine moins informe. C'est après l'avoir relu plusieurs fois qu'il prend vraiment une forme dans mon esprit. Certains poèmes sont juste des magmas d'une nature, d'une saveur un peu particulière qu'on a réussi à créer, mais c'est chacun, quand il le lit, qui lui donne réellement un forme et qui l'achève.
Après, pour les romans, je suis plutôt d'accord avec Eraneon : je connais l'histoire, et même assez précisément les différentes émotions qu'éprouveront les personnages, le seul magma reste celui de l'expression en elle même, je n'ai aucune idée de comment je vais m'y prendre pour traduire ces émotion et ces actions.Dans certains poèmes aussi je sais déja où je veux arriver.
Mais il y a encore d'autres cas : mes premiers poèmes, je me les récitais dans ma tête et je leur faisais subir toutes les modifications possibles jusqu'à avoir une version satisfaisante à rentenir par coeur. Et je ne l'écrivais que pour ne pas l'oublier. A ce moment là, rien ne prenait forme au moment de l'écriture, tout se jouait avant.
Et enfin il y a l'écriture au fil de la plume, que j'aime beaucoup, où effectivement tout n'est qu'un magma informe qui prend forme sous mes yeux et à ma grande surprise, sans jamais que je sache comment cette forme va évoluer. Et dans ce genre d'écriture, je ressens à peu près ce que décrit Claude Simon.

bilan : finalement tout peut se former avant, tout peut se former après, tout peut se former pendant, ou bien un peu des trois. Pour moi, tous les cas sont possibles, ça donne juste des résultats qui n'ont pas tout à fait la même texture à la fin.

Avatar de poulix poulix Mode Lecture - Citer - 13/05/2011 18:38:46

ohoho ! C'est fort intéressant tout ça. Je ressens un peu les choses comme Naniquolas quant à la pluralité des manières dont tout peut se "former".

Personnellement, ce n'est même pas une question de genre littéraire puisque les mécanismes peuvent parfois être les mêmes.
Lorsque j'écrivais des nouvelles, je pouvais tout aussi bien savoir ce qui se passait du début à la fin et donc, griffonner un plan (très succin) sur un bout de papier. Puis, les mots venaient pour exprimer l'intrigue. Parfois, des éléments venaient s'ajouter, des éléments qui n'étaient pas prévus. Je crois que dans ce cas là, plus que se "former", l'écriture permettait "d'ajouter", d'"étoffer", de "réorienter".
Le mouvement était donc d'une intrigue prédéfinie vers un texte qui prend forme par les mots (donc lors de l'écriture) et qui peut subir des modifications d'intrigue au fil du temps.

Parfois, c'est l'inverse. J'entends une phrase qui me touche et elle appelle les mots et l'histoire. Elle porte en elle l'ambiance, le germe de la pensée qui va se développer. C'est donc bien lors de l'écriture que le texte lui-même va se former ainsi que les émotions car la phrase n'est qu'une parcelle infime de ce qui va ensuite croître.
Je parle ici d'une phrase mais, comme Lune, ce peut-être une musique, une parole, une lumière, une œuvre... quelque chose qui est "entré en résonance" avec moi-même. Ce peut aussi être une idée, une image. Par exemple, je n'avais pas du tout prévu d'écrire "Orpheline" comme une nouvelle avec des personnages, une histoire, une dimension temporelle. J'avais juste envie (âmes sensibles, s'abstenir) de tenter la description d'un cadavre écorché. J'avais essayé et je n'avais pas réussi parce que ce cadavre nécessitait en quelque sorte une histoire. Je ne pouvais pas faire une simple description, quelque chose de statique. J'ai donc écrit quelque chose autour pour réussir à faire cette description morbide (n'ayez pas peur). C'est donc par l'échec que tout s'est formé. Par la tentative de surmonter une difficulté. La nouvelle n'était, au début, pas là en tant que nouvelle mais en tant qu'"aide". Elle était censée disparaître une fois que j'aurais réussi à écrire ma description. Mais tout s'est tellement bien formé que j'ai ensuite été aspirée dans la nouvelle. Tout se formait devant mes yeux et la nouvelle s'enrichissait toujours au fil des jours.

Cela m'amène d'ailleurs à dire que, pour moi, parfois, c'est pendant la vie quotidienne (non reliée au moment de l'écriture) que tout se forme. Je m'explique. Admettons que je prenne une semaine à écrire un texte. Dans cette semaine, je vais voir des choses, entendre des paroles, avoir des pensées et celles-ci vont venir s'"incruster" dans la nouvelle en cours. Ma nouvelle Orpheline a d'ailleurs été en partie le fruit de se processus. Par exemple, l'épisode de la balançoire (pour ceux qui l'ont lu ou le liront) est le résultat d'une image aperçue en Suède. C'est donc lors de la vie que l'écriture se transforme.

En bref, pour moi, un texte est plus un palimpseste que quelque chose qui se formerait à un moment précis. Il y a une origine, un germe. Ce germe peut être un magma informe, une ambiance, un épisode, une phrase, une image, une idée, une action ou juste un mot. En d'autres mots, l'origine peut être n'importe quoi : du plus précis au plus flou. Ensuite, soit la majeure partie est déjà formée dans mon esprit, soit la plupart se forme au fil de la plume. Sur les textes de longue durée, la vie, ce qui m'arrive et ce que je vois tiennent une place très importante. Puis il y a le temps qui passe, la relecture, les éventuelles modifications...
En quelque sorte, je pense que le texte ne cesse jamais vraiment de se former. pourquoi ? Parce que chaque lecture (qu'elle soit de l'auteur ou du lecteur) le reforme, le transforme. Je lis parfois dans mes textes des symboles que je n'y avais pas mis, des échos que je n'avais pas pensé (ni avant ni lors de l'écriture). Notre cher Montaigne le disais bien : "Un suffisant lecteur découvre souvent dans les écrits d'autrui des perfections autres que celles que l'auteur y a mises et aperçues, et y prête des sens et des visages plus riches. »
Mais ceci est un autre débat...

TOUT ne se forme pas (pour moi) à un moment UNIQUE. C'est un processus évolutif.

P.S : perso, j'aimerai bien savoir ce qu'il en est des autres arts pour vous. Le dessin, la peinture, la musique... (et le code informatique ^^)

Avatar de Eraneon Eraneon Mode Lecture - Citer - 13/05/2011 19:44:27

(On m'appelle ? ^^)

Personnellement, même si j'aimerais beaucoup faire autre chose avec la musique que l'écouter, je n'ai jamais pratiqué d'autre art que l'écriture. Mais puisqu'on en parle, la programmation ne sera jamais un art. Les puristes en feraient des crises cardiaques.

Le code qui fait fonctionner cette plateforme n'est pas sujet à interprétation, et sa rédaction obéit à des règles beaucoup plus strictes que celles qui régissent les langues qui nous permettent d'écrire nos poèmes, nos nouvelles et nos romans. Donc en plus de ne pas pouvoir évoluer en fonction de celui (en l'occurrence soit l'ordinateur, soit un autre développeur) qui le lit, le code n'autorise aucune erreur, aucune approximation, aucune originalité dans sa rédaction.

C'est en tous les cas vrai pour le code qui fait fonctionner la plateforme. Car (et poulix le sait bien... ^^) le code qui permet à tout ceci de s'afficher correctement est lui soumis à l'interprétation... du navigateur Web, et autorise l'erreur. Résultat : la plateforme s'affiche différemment en fonction du navigateur (cela dépend en fait de ce qu'on appelle le "moteur de rendu HTML"Clin d'oeil, et s'il y a erreur dans le code c'est l'affichage qui est détraqué, pas le fonctionnement de la plateforme.

J'ai fini pour les explications techniques. Pour ce qui est de l'acte lui-même, le fait même de coder, je l'ai dit, il s'agit d'adapter une idée aux contraintes du langage de programmation. Et la principale différence se trouve dans le fait que même le plus génial des développeurs ne peut pas coder spontanément, au sens propre du terme : il faut structurer, re-structurer, respecter scrupuleusement la logique établie par le langage de programmation. L'originalité n'est pas permise, ou elle ne l'est que dans certaines circonstances précises qui sont trop techniques pour que j'en parle là. Lorsque je code, j'ai toujours avec moi un bloc-notes, un stylo, mais aussi un tableau blanc et des marqueurs. En ce moment, alors que je code la nouvelle version de cette plateforme, je reprends point par point les procédures que j'ai établies pour cette version que vous utilisez : je les améliore, je les raccourcis, mais je suis obligé de le faire en gardant en tête les règles du langage de programmation.

L'idée est presque toujours à la base. Pourquoi presque toujours ? Parce que parfois, c'est le langage de programmation et les possibilités qu'il offre qui font naître l'idée. Immédiatement après l'idée vient la procédure qui permet de réaliser cette idée, dans les grandes lignes. Ces grandes lignes n'étant pas suffisantes, il faut les poser (pour moi, sur le papier ou sur mon tableau) et les schématiser ; puis préciser le schéma, encore et encore, pour arriver à quelque chose qui soit techniquement "codable". Viens le temps de la rédaction du code, puis de son test, puis de sa correction éventuelle. Et puis, viens la phase de l'optimisation : regarder le code et se dire "Comment est-ce que je peux l'améliorer, et dans quelle mesure cette amélioration sera-t-elle utile ?" Car ce qui différencie l'acte de reprise d'un bout de code de celui de la reprise d'un paragraphe ou d'un chapitre d'un roman (par exemple hein ^^), c'est que l'amélioration du code n'a de sens que si elle est utile, alors que cette notion d'utilité n'existe pas dans l'écriture.

Ceci dit, et c'est plus vrai pour moi encore depuis que je me suis lancé dans la programmation de la nouvelle version, pour moi un site Internet bien codé est toujours plus agréable à utiliser, même si l'utilisateur lambda ne se rend pas compte. La perfection en informatique n'existe pas. Mais je reste persuadé que ce qui fait la qualité d'un site Internet, quelque soit sa complexité, réside dans le code qui l'anime, et pas dans son aspect graphique, même si souvent, les deux vont ensemble. C'est là à mon sens que réside une des plus grandes différences entre la programmation et l'écriture : un roman peut être mal écrit ; pourvu qu'il transmette à celui qui le lit les émotions que l'auteur a voulu véhiculer.

Avatar de poulix poulix Mode Lecture - Citer - 13/05/2011 20:00:08

Ahahaha Era : t'es trop fort ! *poulix rigole toute seule*
Je ne pourrais pas répondre sur le code parce que je suis complètement larguée ^^ mais ton exposé était très intéressant !
Par contre... la dernière phrase... je ne suis pas tout à fait d'accord quand tu dis : "un roman peut être mal écrit ; pourvu qu'il transmette à celui qui le lit les émotions que l'auteur a voulu véhiculer."
Personnellement, si un roman est mal écrit ; je ne ressens rien. Je ne fais que comprendre l'histoire sans pouvoir l'apprécier entièrement. Genre : Twilight (et encore, ai-je apprécié l'histoire ?)...
Lors de la lecture, il y a toujours la pensée "mais qu'est-ce que c'est mal écrit" qui me poursuit.

Avatar de Wensaïlie Wensaïlie Mode Lecture - Citer - 14/05/2011 12:07:12

Twilight c'est le nom du film, à moins que tu es lu le livre en anglais?
En anglais, l'écriture est beaucoup mieux qu'en français, et le premier tome et (largement) potable.

Lorsqu'un roman est mal écrit, (ou un film, ou un poème) je pense qu'on arrive quand même à en tirer les informations qui, même si on n'aime pas, nous intéressent. Par exemple: un poème de trois pages (plus?) mal lu, long et ennuyeux (?), peut-être un peu trop décousu (?), bref, on peut y trouver le paragraphe, la phrase qui est intéressante et qui du coup fait que, même si on aime pas l'oeuvre, et bien on en garde un souvenir. Ce n'est peut-être pas les émotions que l'auteur voulait véhiculer, mais c'est celles qu'il a fait véhiculer....

(je retourne à ma socio)

Avatar de poulix poulix Mode Lecture - Citer - 14/05/2011 14:19:49

oui; j'ai lu les trois premiers livres de Twilight parce qu'on m'a assuré que c'était super. J'ai essayé de m'en convaincre mais j'ai échoué ! Ceci dit, il est vrai que je l'ai lu en français... du coup, c'est sur le/la traducteur (ice) qu'il faudrait que je tape pour m'avoir empêché d'apprécierGrand Sourire

Avatar de Wensaïlie Wensaïlie Mode Lecture - Citer - 15/05/2011 10:47:55

Pour ma part, avant d'écrire j'ai souvent quelques idées bien précises, que je décide d'ordonner au fur et à mesure de l'écriture. Ce n'est pas un magma informe, c'est plus comme si dans une grande pièce je mettais des images et que je faisais un fil de mots pour toutes les relier et les décrire.

Avatar de MKL MKL Mode Lecture - Citer - 16/02/2017 15:25:37

Les origines sont variées: un exutoire sur un sentiment que l'on ne peut saisir, un jeu de mot que l'on veut mettre en valeur, un coup de gueule pour un billet d'humeur, juste une envie d'écrire, la passion de partager un agréable moment, dire j(e t)'aime...