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Arbre

Le Temps des Rêves

ohoho ! C'est fort intéressant tout ça. Je ressens un peu les choses comme Naniquolas quant à la pluralité des manières dont tout peut se "former".

Personnellement, ce n'est même pas une question de genre littéraire puisque les mécanismes peuvent parfois être les mêmes.
Lorsque j'écrivais des nouvelles, je pouvais tout aussi bien savoir ce qui se passait du début à la fin et donc, griffonner un plan (très succin) sur un bout de papier. Puis, les mots venaient pour exprimer l'intrigue. Parfois, des éléments venaient s'ajouter, des éléments qui n'étaient pas prévus. Je crois que dans ce cas là, plus que se "former", l'écriture permettait "d'ajouter", d'"étoffer", de "réorienter".
Le mouvement était donc d'une intrigue prédéfinie vers un texte qui prend forme par les mots (donc lors de l'écriture) et qui peut subir des modifications d'intrigue au fil du temps.

Parfois, c'est l'inverse. J'entends une phrase qui me touche et elle appelle les mots et l'histoire. Elle porte en elle l'ambiance, le germe de la pensée qui va se développer. C'est donc bien lors de l'écriture que le texte lui-même va se former ainsi que les émotions car la phrase n'est qu'une parcelle infime de ce qui va ensuite croître.
Je parle ici d'une phrase mais, comme Lune, ce peut-être une musique, une parole, une lumière, une œuvre... quelque chose qui est "entré en résonance" avec moi-même. Ce peut aussi être une idée, une image. Par exemple, je n'avais pas du tout prévu d'écrire "Orpheline" comme une nouvelle avec des personnages, une histoire, une dimension temporelle. J'avais juste envie (âmes sensibles, s'abstenir) de tenter la description d'un cadavre écorché. J'avais essayé et je n'avais pas réussi parce que ce cadavre nécessitait en quelque sorte une histoire. Je ne pouvais pas faire une simple description, quelque chose de statique. J'ai donc écrit quelque chose autour pour réussir à faire cette description morbide (n'ayez pas peur). C'est donc par l'échec que tout s'est formé. Par la tentative de surmonter une difficulté. La nouvelle n'était, au début, pas là en tant que nouvelle mais en tant qu'"aide". Elle était censée disparaître une fois que j'aurais réussi à écrire ma description. Mais tout s'est tellement bien formé que j'ai ensuite été aspirée dans la nouvelle. Tout se formait devant mes yeux et la nouvelle s'enrichissait toujours au fil des jours.

Cela m'amène d'ailleurs à dire que, pour moi, parfois, c'est pendant la vie quotidienne (non reliée au moment de l'écriture) que tout se forme. Je m'explique. Admettons que je prenne une semaine à écrire un texte. Dans cette semaine, je vais voir des choses, entendre des paroles, avoir des pensées et celles-ci vont venir s'"incruster" dans la nouvelle en cours. Ma nouvelle Orpheline a d'ailleurs été en partie le fruit de se processus. Par exemple, l'épisode de la balançoire (pour ceux qui l'ont lu ou le liront) est le résultat d'une image aperçue en Suède. C'est donc lors de la vie que l'écriture se transforme.

En bref, pour moi, un texte est plus un palimpseste que quelque chose qui se formerait à un moment précis. Il y a une origine, un germe. Ce germe peut être un magma informe, une ambiance, un épisode, une phrase, une image, une idée, une action ou juste un mot. En d'autres mots, l'origine peut être n'importe quoi : du plus précis au plus flou. Ensuite, soit la majeure partie est déjà formée dans mon esprit, soit la plupart se forme au fil de la plume. Sur les textes de longue durée, la vie, ce qui m'arrive et ce que je vois tiennent une place très importante. Puis il y a le temps qui passe, la relecture, les éventuelles modifications...
En quelque sorte, je pense que le texte ne cesse jamais vraiment de se former. pourquoi ? Parce que chaque lecture (qu'elle soit de l'auteur ou du lecteur) le reforme, le transforme. Je lis parfois dans mes textes des symboles que je n'y avais pas mis, des échos que je n'avais pas pensé (ni avant ni lors de l'écriture). Notre cher Montaigne le disais bien : "Un suffisant lecteur découvre souvent dans les écrits d'autrui des perfections autres que celles que l'auteur y a mises et aperçues, et y prête des sens et des visages plus riches. »
Mais ceci est un autre débat...

TOUT ne se forme pas (pour moi) à un moment UNIQUE. C'est un processus évolutif.

P.S : perso, j'aimerai bien savoir ce qu'il en est des autres arts pour vous. Le dessin, la peinture, la musique... (et le code informatique ^^)