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Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de bleuzwenn bleuzwenn Mode Lecture - Citer - 13/10/2016 21:22:49

Au marqueur sur les quatre murs
Le chant de l’alcool comme celui des sirènes
et toi, debout, déjà bercé par l’harmonie funeste.

Tous les soirs plongent dans le verre —
De loin la bouteille se vide — je vois
Tes lèvres happées et tes mains comme des serres.

Autant de pèlerines cheminèrent dans les vallées
Entre les collines frémissant au toucher
Appelant le matin sous mes lourdes paupières.


Sous le plomb de cent nuits voleuses
Les mots ne valent plus — j’attends
Qu’elles s’effacent, lentes, salées et silencieuses.

Ces larmes insoumises — devant le tableau noir
Et les verres pleins qui toujours se vident —
Comme paroles muettes ne t’atteignent pas.

Hier encore brillait d’éclats de rire —
Echos éternisés dans le cœur des vallons
Qui remplissaient d’amour tous les jours hors-saison.


Ton corps penché sur le balcon
Vers l’astre qui brûle à l’aplomb d’un puits d’encre
S’apprête à voler au plus près du soleil.

Les heures étreintes s’ouvraient sur un monde —
Toile à peine peinte par nos mains fébriles
Dans ce doux repaire des hauts de la ville.

Mais tu voles à tire-d’aile
Aveugle aux vautours qui guettent les chutes
Devant les chiens hagards, dans les débris de l’ambre.

Ancienne version :



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Tous les soirs plongent dans le verre –
De loin la bouteille se vide – je vois
Tes lèvres happées et tes mains comme des serres.

Autant de pèlerines cheminèrent dans les vallées
Entre les collines frémissant au toucher
Appelant le matin sous mes lourdes paupières.

Sous le plomb de cent nuits voleuses
Les mots ne valent plus – j’attends
Qu’elles s’effacent, lentes, salées et silencieuses.

Hier encore brillait d’éclats de rire –
Echos éternisés dans le cœur des vallons
Qui remplissaient d’amour tous les jours hors-saison.

Ton corps penché sur le balcon
Vers l’astre qui brûle à l’aplomb d’un puits d’encre
S’apprête à voler au plus près du soleil.

Les heures étreintes s’ouvraient sur un monde –
Toile à peine peinte par nos mains fébriles
Dans ce doux repaire des hauts de la ville.

Comme Icare tu voles à tire-d’aile
Aveugle aux vautours qui guettent les chutes
Devant les chiens hagards, dans les débris de l’ambre.

Avatar de naniquolas naniquolas Mode Lecture - Citer - 14/10/2016 08:31:00

Tiens, ça faisait longtemps !

J'ai beaucoup aimé l'atmosphère du poème. A la première lecture j'ai eu vraiment du mal à suivre, j'ai recollé quelques morceaux à la deuxième (les mains de "tu" seraient des pèlerines qui se promènent sur les vallées du corps ? J'ai interprété comme ça), mais c'est encore un peu trop décousu pour moi, qui aime bien suivre un fil rouge qui se déroule le long du texte de manière plus évidente. Ceci dit on retrouve un peu partout les thèmes de la nuit, de l'amour, du corps, des oiseaux, et ça permet de ne pas être complètement perdu.

Quelques passages qui m'ont paru un peu plus maladroits :

"Qui remplissaient d’amour tous les jours hors-saison." : je trouve que ça sonne un peu cucu, "qui remplissait d'amour tous les jours", et je ne comprends pas le "hors-saison"

"Les heures étreintes s’ouvraient sur un monde – " : je n'ai pas compris que tu repasses à l'imparfait, et j'aurais aimé quelque chose pour préciser "un monde", qui nous oriente pour imaginer de quel genre de monde il s'agit ("toile à peine peinte" ne peut pas vraiment jouer ce rôle, ça reste complètement flou), sinon ça me donne l'impression que la phrase est coupée avant la fin.

Niveau ponctuation, je me demande si tu n'as pas tout de même abusé un peu des tirets ?


Sinon, j'adore la dernière strophe ! Et particulièrement le dernier vers.

Avatar de bleuzwenn bleuzwenn Mode Lecture - Citer - 14/10/2016 21:33:49

Merci Nani pour ta réaction Petit Sourire

En vérité, ce texte, s'il peut être à raison perçu comme flou donc peu évident, n'est pas décousu. La structure est binaire : je ne suis pas repassée à l'imparfait, il y a une alternance, du début à la fin, de strophes au présent et de strophes au passé, deux thématiques s'entrelaçant. Tu en as trouvé une, celle de l'amour, l'amour inquiet en l'occurrence. La deuxième est celle de l'alcoolisme, qui est suggéré.

Ensuite, le fait que tu aies le sentiment d'un flou ou que la phrase soit coupée avant la fin...est loin d'être un problème si c'est le ressenti qu'espérait l'auteur. Mais tu peux te demander pourquoi choisir de créer ce ressenti chez le lecteur. "Toile à peine peinte" reprend "un monde", et précise sans préciser. Tu as raison quand tu dis que cela reste complètement flou, ou que la phrase semble coupée avant la fin, mais c'est le but, et cela tient au sens du texte.
Tu as bien interprété les pèlerines. Les "collines" étaient déjà présentes dans un ancien poème, d'ailleurs publié dans un recueil du temps des rêves : tu sais, "l'Encenseur d'Ebène", la métaphore de la carte géographique. Les collines faisaient partie du relief du corps.

Pour les maladresses, moi je ne trouve pas que le vers que tu cites fasse "cucu", mais ça c'est subjectif.
En revanche, c'est vrai qu'on utilise le terme hors-saison pour parler de la période hors de la période touristique, ce à quoi je n'avais pas pensé. Cabrel l'utilise pour insister sur l'abandon d'une ville, le hors-saison évoquant la désertion, le ralenti, la solitude, etc.
Je ne sais pas, donc, si j'ai le droit d'utiliser le terme comme je le fais, selon une acception littérale. Partout, il y a des saisons, une, deux, quatre, la saison étant l'un des marqueurs du temps qui passe, ou du changement, en tout cas pour moi et dans nombreux de mes poèmes. Quelque chose hors-saison, cela pourrait donc être quelque chose qui existe hors du temps qui passe, qui ne change pas, qui ne s'altère pas, voire qui a sa propre temporalité. Donc l'amour existait tous les jours, sans changement, sans être touché par le passage des saisons, ne relevant que de sa temporalité. Bref, c'est une façon de comprendre le hors-saison ; elle prend sens par contraste avec d'autres poèmes que j'ai pu écrire. Mais c'est peut-être une acception qu'on ne peut pas avoir et il faudrait que je vérifie.

Bon, à te lire, je me dis qu'une ou deux strophes supplémentaires développant la thématique de l'inquiétude de la perte de l'ami alcoolique seraient peut-être utiles et faciliteraient la compréhension.

Avatar de naniquolas naniquolas Mode Lecture - Citer - 14/10/2016 22:40:05

Avec le thème de l'alcool en plus, pas mal de choses s'éclairent ! Et je comprends mieux la profondeur du texte. La première strophe est pourtant assez évocatrice, mais j'avais interprété "verre" comme le matériau général (une bouteille en verre), ce qui n'aide pas à la compréhension...
Et je vois maintenant l'alternance passé/présent. La strophe dans laquelle j'ai remarqué l'imparfait m'avait parue plus "déconnectée" du reste, mais avec tes explications j'arrive à l'y rattacher.
Bref, je suis content d'avoir eu ton regard pour me permettre d'accéder vraiment à ce poème !^^

PS : en fait je pense qu'avoir déjà lu l’encenseur d'ébène m'a aidé inconsciemment à comprendre

Avatar de bleuzwenn bleuzwenn Mode Lecture - Citer - 15/10/2016 14:30:07

Cela dit, même selon la façon dont Cabrel utilise le terme "hors-saison", en référence à l'abandon, cela fait sens ici.
"tous les jours abandonnés", aujourd'hui abandonnés, justement parce que la fuite dans l'alcoolisme crée une fracture au sein de la vie de couple.

Avatar de Zinzolin Zinzolin Mode Lecture - Citer - 16/10/2016 19:59:35

Ravie de te revoir parmi nous, tes poèmes m'avaient manqué !

J'avoue n'avoir pas tout compris (pour ne pas dire rien) au fil directeur du texte lors de ma première lecture. Mais il y a dans ton texte une sorte de puissance évocatoire qui nous balance plein d'images sans qu'on éprouve le besoin qu'elle fasse sens, si bien que je suis arrivée à la fin sans problème et avec des bribes du thème. Ton explication éclaire pas mal de choses, notamment l'alternance des strophes, du coup, merci d'avoir donné la clef.
Je n'ai pas buté sur "hors-saison" qui évoque plus Cabrel que les stations de ski pour moi, par contre, détail sans doute idiot, j'étais un peu déçue que tu explicites la métaphore d'Icare par une comparaison dans la dernière strophe. Vu que tu entretiens le royaume du flou et de l'allusion dans tout le poème, j'ai trouvé ça dommage et un peu bateau que tu nous "expliques" la référence.

Avatar de bleuzwenn bleuzwenn Mode Lecture - Citer - 22/10/2016 10:15:55

Merci pour ta remarque Zinzolin. Je te rejoins assez là-dessus, mais tu serais pour une suppression totale de la référence à Icare ou simplement pour une reformulation du premier vers, avec suppression du "comme" qui explicites la comparaison ?

Avatar de Zinzolin Zinzolin Mode Lecture - Citer - 28/10/2016 09:34:18

J'aime bien le nouvelle version sans le nom d'Icare. La référence est toujours visible mais plus discrète, je trouve ça plus en phase avec le ton de ton texte.