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Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de Brumepin Brumepin Mode Lecture - Citer - 05/07/2015 14:14:35

Ils l'ont emmené dans un bureau clair.
Le cube était d'un blanc clinique
Et les travées ceintes de menuiseries en métal.
Un néon jetait de la poussière froide sur l'ordinateur.

Les trois hommes étaient vêtus de noir,
Mais ne portaient pas le deuil.
Ils l'ont scanné longuement sous leurs chapeaux sombres,
Et leur bouche sans sourire.

Ils lui ont parlé avec des chiffres,
Les rares mots qu'ils prononçaient,
Personne ne les comprenait.

Ca a duré le temps d'une mise à mort.
Puis ils ont ouvert la porte,
Et lui ont demandé de partir.

Avatar de Lumen Lumen Mode Lecture - Citer - 15/07/2015 22:32:20

Salut Brumepin!


Habituellement je n'aime pas me prononcer sur les œuvres de mes amis poètes parce que j'ai peur de sembler trop dure, il est donc possible que mon commentaire te paraisses rude. Cependant sache que je te juge avec autant d'âpreté que je le ferais pour moi.Grand Sourire

-Alors, dans un premier temps, j'aimerais te dire que j'apprécie l'ambiance mystérieuse que tu installes dans ton texte. La surabondance du pronom personnelle "ils" et l'absence de toponymie précise installent définitivement un caractère énigmatique à ton texte. Cependant je pense que tu joues bien trop sur cette aspect-ci, et que tu prends donc le risque de perdre le lecteur en lui proposant un univers bien trop hermétique. Je suis peut être un idiot fini mais j'ai du relire ton texte plusieurs fois avant d'en comprendre simplement le contexte. J'ai par conséquent l'impression que tu as eu la volonté de tout misé sur l'aspect mystérieux du texte, c'est pourquoi je te conseille de le retravailler en essayant de parsemer un peu plus d'indices à l'attention de ton lecteur.

-Voilà en ce qui concerne le sens du texte. Toutefois il est possible que tu n'aies pas voulu mettre en avant le sens du poème, et qu'en conséquence tu aies voulus privilégier son esthétique. Aussi en ce qui concerne sa forme j'ai quelques recommandations à te proposer. En effet, il y a un point majeur qui me gène dans ton texte. C'est vraiment personnelle mais j'abhorre l'impression de facilité que véhicule l'emploi de la forme écrasée de "cela": "ça"! Personnellement je trouve que ce mot constitue le fer de lance des termes passe-partout. C'est pourquoi l'utiliser en poésie m'horripile, d'autant plus que je considère le poète comme le gardien des lettres, et je trouve vraiment dommage qu'un poète comme toi use de cette facilité pour ajouter un peu de rythme à son poème. Sache enfin que ce genre de mollesse littéraire participe a faire disparaître l'expression riche et disert que nous offre la langue françaiseDiable. Voilà c'était mon petit passage énervéGrand Sourire. Ce n'est pas si grave d'utiliser ce mot à l'oral, mais à l'écrit je pense qu'il est à proscrire, surtout dans la poésie. Mais comme je le dis plus haut c'est une vision très personnelle et tu n'es nullement contraint d'en tenir compte. (Mais essayes quand même). Je ne te demande pas d'écrire comme Ronsard, seulement essaie au mieux d'éviter la facilitéClin d'oeil. (Comme tu peux le voir je te critique comme je me critiquerais)

-En ce qui concerne le rythme du poème... A vrai dire je ne suis pas parvenu à le trouver. Mis à part l'effet de sécheresse que tu as voulu procuré à ta dernière strophe (très réussi en passant) je n'ai pas réellement repéré sa cadence. Peut être est-ce un effet voulu, seulement c'est un peu déconcertant...

Bon voilà je n'aimerais pas faire trop long, donc je m'arrête là. Mais sache que si tu veux plus de précision je suis prêt à te les donner!

PS: Je n'ai pas compris ton vers 7:

Ils l'ont scanné longuement sous leurs chapeaux sombres,



Dans quel sens utilises tu le mot "scanné"?

Avatar de MKL MKL Mode Lecture - Citer - 17/07/2015 09:26:23

Je n'ai pas autant de choses à redire que Lumen...

Je trouve ce texte oppressant avec une pointe d'angoisse et le faire en si peu de mots... chapeau.

Maintenant pour rebondir sur le commentaire de Lumen:
Pas besoin d'avoir des tonnes d'indices, la lecture c'est aussi être capable d'imaginer. Pour certains ces lignes peuvent se passer dans un bureau de banque, pour d'autres dans un hôpital psychiatrique ou encore ailleurs.
On ne peut pas mettre "cela" à la place de "ça" au vers
Ca a duré le temps d'une mise à mort.
:
En effet cela (là il faut le mettre) casserait le rythme et n'aurait pas l'effet douche froide associé à la mise à mort.
Donc avant de se lancer comme ça, il faut prendre un peu de recul, et ne pas faire de belles et grandes phrases ronflantes de mots savants, tout en ne sachant pas accorder l'adjectif avec le nom ou en ne sachant pas conjuguer un participe passé.

Merci Brumepin pour ce texte!

Avatar de Zinzolin Zinzolin Mode Lecture - Citer - 17/07/2015 10:24:42

(Je ne rentrerai pas dans le débat.)

A première lecture, j'ai eu une seule vision qui s'est imposée puis j'ai diversifié à partir des suggestions de MKL et des autres interprétations que je voyais. Je trouve ce côté très abstrait et constat clinique intéressant parce qu'il est le support de toutes les expériences traumatisantes qu'on veut bien y mettre.
Quelques suggestions pour accentuer la froideur insupportable de la première strophe : passer de l'article défini à l'article indéfini, quitte à supprimer le verbe. Genre : "un cube d'un blanc clinique"/"des travées ceintes de menuiserie en métal". Mais c'est juste une idée et il est déjà très efficace comme ça, décrit comme une expérience ponctuelle.

Avatar de naniquolas naniquolas Mode Lecture - Citer - 17/07/2015 10:32:19

Pour le texte : je suis d'accord avec les deux commentaires précédents, tu arrives à instaurer une ambiance de manière rapide et efficace, et du coup ton poème parvient à me marquer. En revanche la fin ne me paraît pas vraiment à la hauteur du reste, parce que "les rares mots qu'ils prononçaient / personne ne les comprenait" je trouve que ça n'apporte pas grand chose car cette incompréhension est déjà contenue dans "ils lui ont parlé avec des chiffres" et la formulation n'est pas très heureuse je trouve.
J'allais dire que je ne comprenais pas le dernière strophe, mais finalement j'ai compris (un licenciement ?) et je la trouve très bien, même si j'avoue que le "ça" ne me plaît pas trop non plus à cause des sonorités de "ça-a" qui manquent de dynamisme, et je pense qu'avec "cela" on pourrait avoir un rythme intéressant quand même.

Pour ce qui est des commentaires, j'ai trouvé le tien effectivement assez grandiloquent, Lumen. Etre dur dans un commentaire, c'est possible tout en restant convaincant et constructif, mais j'ai toujours du mal à apprécier quand on s'arc-boute à ce point sur des principes tels que "ce mot est le terreau de la mollesse littéraire" ou je ne sais quoi. Tu dis "Je ne te demande pas d'écrire comme Ronsard, seulement essaie d'éviter au mieux la facilité" : si l'emploi de "ça" est un choix réfléchi, ce n'est pas une facilité. En poésie tout est une histoire de choix et Ronsard pas plus qu'aucun autre auteur ne mérite le titre de modèle universel (c'est l'impression que me laisse ta phrase). Raymond Queneau a fait pire que "ça" :

Si tu crois petite
Xa va xa va xa
Va durer toujours
Ce que tu te goures
Fillette fillette
Ce que tu te goures

Je ne dis pas qu'il faut écrire comme lui, mais je suis persuadé qu'ériger de telles règles en écriture est dangereux pour la poésie et qu'elles peuvent empêcher d'explorer d'autres horizons, de sortir de sa zone de confort.

Cependant, tu prends soin de souligner que ce n'est que ton avis, et malgré certaines formulations assez agressives et grandiloquentes ("Sache enfin que ce genre de mollesse littéraire participe a faire disparaître l'expression riche et disert que nous offre la langue française" me paraît quand même un peu excessif) je trouve donc que ton commentaire, MKL, est lui aussi excessif et agressif (d'ailleurs la quantité de fautes d'orthographe dans un message n'est pas forcément liée à la pertinence de l'avis donné). Donc les amis, débattons mais restons calme et essayons d'éviter les attaques personnelles ! C'était un message du grand chef Bisounours.

Avatar de Lumen Lumen Mode Lecture - Citer - 17/07/2015 21:16:24

Quel superbe déchaînement!

Néanmoins afin de calmer les ardeurs laissez moi vous indiquer que, comme je dus très certainement le dire dans mon message précédent, vous n'êtes en aucun cas contraint de suivre mes recommandations. Car en ce qui concerne la poésie je suis un extravagant, un poisson qui prend plaisir à nager à contre courant!

"Mais qu'entends-je? Le poème en prose est en vogue je me ferais, dans ce cas là, un plaisir d'écrire en alexandrins (aussi mauvais soient ils!)Clin d'oeil".

Avatar de Brumepin Brumepin Mode Lecture - Citer - 18/07/2015 21:30:00

Salut Lumen,

Je crois que tu n'as pas compris l'intérêt du texte, ni l'intention que j'avais en l'écrivant. Ce texte utilise avec abondance des formules impersonnelles dans le but de convoquer un imaginaire chez le lecteur. Je l'ai principalement composé dans cette idée-là. Il s'agissait aussi de déshumaniser une scène d'ores et déjà inhumaine en elle-même : un licenciement. D'où le choix du mot « scanné » au septième vers. L'idée était de faire de ces hommes des machines vides de tout sentiment.
Voilà pour répondre à ta première interrogation. Et le sens global du texte, sur le fond.

Pour la forme, le « ça » a été très bien expliqué par MKL. « En effet cela (là il faut le mettre) casserait le rythme et n'aurait pas l'effet douche froide associé à la mise à mort. » Je n'ai rien à dire de plus.

Pour le reste, je ne sais pas trop quoi te dire. Juste quelques conseils peut-être pour t'éviter les réactions que tu as reçu ci-dessus.

Quand tu critiques un texte, essaie de définir l'intention de l'auteur avant de te réfugier dans tes cours de français. Tu verras, ça passe mieux et surtout, surtout, tu assèneras beaucoup moins de certitudes qui en définitive, n'en sont pas. J'ajoute à cela le fait que ce texte est un sonnet en vers libre. Si tu es un amoureux de la forme classique, je pense que mon poème était largement plus attaquable sur ce point. Les détails que tu as soulevé ont, à mon avis, davantage révélé une volonté de faire tes preuves ou de nous « réciter » ton cours de littérature qu'autre chose.

Ca aurait surtout éviter ce genre de phrase.

« Sache enfin que ce genre de mollesse littéraire participe a faire disparaître l'expression riche et disert que nous offre la langue française. »

J'oublie aussi le passage sur Ronsard et les fautes d'accord qui décrédibilisent ton propos.

En définitive, tu as de la chance d'être tombé sur moi. Je prends une certaine distance vis-à-vis des critiques que je reçois. Les tons cinglants ou professoraux ne m'atteignent pas ou peu. Par contre, fais attention ça peut affecter d'autres personnes plus sensibles quant à leur création.

Je tiens à préciser que ce n'est pas du mépris, c'est un fait. Je suis difficilement affecté par une critique. La maladresse que tu as faite sur mon texte, je l'ai faite aussi. Ca arrive. Le tout serait de ne pas recommencer la même erreur.

Voilà, tout ça pour te dire que je ne t'en veux pas mais que hélas, je ne peux pas prendre ta critique en compte. D'abord pour les raisons que j'ai citées plus haut, et ensuite parce que je n'inscris ma création littéraire que dans l'idée de savoir si je participe à « l'expression riche et disert que nous offre la langue française. » Enfin, tu l'auras compris ce n'est pas la philosophie de ce forum. Ici, un lecteur juge un texte bon ou mauvais en fonction du fait d'un texte l'ait fait rire, pleurer, émerveiller. Bref, qu'il ait provoqué quelconque émotions chez le lecteur. La technique vient bien après...

Ici, une critique constructive vient du cœur l'ami, pas du cerveau. J'espère que ces quelques lignes t'auront permis de le comprendre.

Bien @ toi

Brumepin

Avatar de naniquolas naniquolas Mode Lecture - Citer - 18/07/2015 23:46:16

Ici, une critique constructive vient du cœur l'ami, pas du cerveau.


Enfin, elle vient du cœur ou du cerveau c'est comme on veut, l'idée est juste d'éviter de donner l'impression qu'on se pose en professeur (et même si tu soulignes que ce n'est que ton avis le ton que tu utilises est assez professoral je trouve).

Avatar de Faël Faël Mode Lecture - Citer - 15/08/2015 12:35:36

Woah ! Une ambiance très réussie ! je n'avais au début pas pensé au licenciement (je pensais plutôt à l'annonce d'une mauvaise nouvelle, du type, "M., vous avez une maladie incurable, bon courage, au revoir"Clin d'oeil, mais ça ne change pas grand chose aux sentiments éprouvés.
L'acte (inhumain ?) qui se réfugie derrière les chiffres, la logique et l'écran d'ordinateur nous est bien montré ici.

Merci ! Clin d'oeil