Le Temps des Rêves

Un petit texte en référence aux attentats de Janvier dernier. Non, je ne suis pas à la bourre. Il a été composé pendant les jours qui ont suivi et je ne me suis inscrit sur ce forum que le week end dernier^^. Néanmoins je veux vous le faire lire car je trouve important le devoir de mémoire que nous devons nous imposer, par respect aux familles et à la liberté qui ont toutes les deux été meurtries.

Dessine-moi un mouton

S'il te plaît, toi le monsieur au crayon,
S'il te plaît, dessine-moi un mouton.
Fais qu'il soit drôle, qu'il ait l'air innocent.
Rions un peu, ça n'a rien de méchant.
Que ses traits soient grossiers, ses yeux perdus
Là où l'on sombre quand on a trop bu.
Qu'il ait le sourire d'un simple d'esprit,
Un turban pour cacher ses cheveux gris.
Que les causes qu'il sert semblent bornées,
Oublions la peur qu'il veut nous donner.

Qui aurait pu voir, monsieur au crayon,
Plonger sur nous la colère des moutons,
Si fragiles face à quelques dessins
Qu'ils tirent les balles et nous le fusain.
S'il te plaît, toi le monsieur au crayon,
S'il te plaît, dessine-moi un mouton.
Que ceux qui le suivront aveuglément
Aient à leur tour le même châtiment ;
En mémoire à tous ceux qui sont tombés
Au nom de notre chère liberté.

Je n'accroche pas, et plus pour des raisons de fond que de forme.

D'une part (cette réflexion m'est venue en lisant ton poème, mais elle est générale), je ne suis pas sûr que la poésie soit adaptée sur ce sujet. Ou alors pas comme ça. Je m'explique. Sur un sujet aux implications aussi importantes que la religion et ce qu'on peut en dire (ou pas), ou que la liberté d'expression et ses éventuelles limites, ou encore que les trop nombreux amalgames entre arabes, musulmans, extrêmistes, j'en passe et des meilleurs, sur un sujet aussi sensible donc, on peut je pense ou bien exprimer une opinion, ou bien chercher à interpeller, interroger. Et je pense que la poésie ne peut pas se permettre ici d'exprimer une opinion. Parce que la poésie est sujette à interprétation, qu'elle fait la part belle aux sentiments et aux émotions, et donc qu'elle est à l'opposée du discours explicite, clair, et rationnel qui est demandé (par moi, du moins). En revanche, elle peut (doit?) interroger, interpeller (choquer ?) comme l'avait fait, si ne me trompe pas, Dahij, sur ce forum (Pouri(r)e ta mère).

D'autre part, et ça rejoint ce que j'ai dit plus haut, je ne suis pas sûr de toujours comprendre tes images. le simplet alcoolique enturbanné que tu décris, qui est-ce ? Mahomet, ou un djihadiste, ou seulement un musulman ?
je ne suis pas sûr d'avoir compris (et encore moins d'aimer) "Que ceux qui le suivent aveuglément/ Aient à leur tour le même châtiment".

Enfin, "au nom de notre chère liberté" me gêne, parce que ça fait cliché mais aussi parce cette liberté, avant le 07/01, on en parlait peu (voire pas).

P.S : c'est hors-sujet, mais tu ne voudrais pas mettre un avatar ? ce serait plus sympa...

Décidément^^

Je comprends parfaitement ce que tu dis, mais je ne peux pas me ranger derrière cet avis pour la seule raison que tu condamnes ainsi toute poésie engagée. Bien sûr il est question d'interprétation, mais c'est le cas pour n'importe quel texte, peu importe la forme, le genre etc... De plus je ne parle pas de religion du moins pas directement, et j'aurais honte de tenir des propos insultant ce qui réunit des milliards de personnes dans le monde (toutes religions confondues) quand bien même je suis agnostique. Le terme "mouton" qui fait lien avec Rabelais et les mouton de Panurges, et renvoie à un groupe de personnes dont on parle suffisamment en ce moment (et que je ne mélange pas avec les autres croyants). Je ne suis pas du tout d'accord que la poésie n'a de rôle que chanter l'amour et la douleur.

J'ai choisi des images ridicules, comme le faisaient les caricaturistes. Bien sûr je ne raille pas Mahomet, ni un musulman (j'ai des amis et de la famille convertis à cette religion et ça ne me pose aucun soucis). Donc oui, il s'agit d'un djihadiste. J'ai voulu créer une distanciation de la terreur qu'il veut imposer avec ces images ; avoir l'air simplet, ivre (donc pas intelligent ou conscient, maître de ce qu'il fait...)

"Que ceux qui le suivent......" ces deux vers renvoient également à Rabelais avec l'idée d'un troupeau de mouton qui avance et se jette de la falaise. Je pense que ces personnes qui ne prônent que la violence au nom d'une religion qu'ils interprètent mal (ou alors tous les musulmans du monde se sont gourés...) ne méritent pas de partager ce monde.

C'est vrai qu'avant les attentats on n'en parlait pas beaucoup. Simplement parce qu'elle n'avait pas été attaquée.

PS : chaque fois que j'essaie le site ne coopère pas... Je dois être trop moche pour être acceptable :p

J'ai du mal m'exprimer. Je ne condamne pas toute poésie engagée. Je pense que la poésie, par la force qu'elle peut donner aux mots, peut être parfaitement adéquate pour l'engagement. Ma remarque s'attache à ce sujet (le djihad) en particulier, et je pense aux sujets où les confusions de termes sont légion en général. Parce que la poésie est suggestive suggestive, qu'elle se prête à plusieurs interprétations (ce qui fait partie de son charme, naturellement), etc. Mais loin de moi l'idée de dire qu'elle ne doit chanter que mon coeur brisé ou les petits oiseaux des matinées printanières !
Ce que je pense de "ces personnes qui (...) ne méritent pas de partager ce monde" mériterait un développement plus long (en 27 points ^^) que je n'ai pas le temps d'écrire ici, si jamais c'est bien l'endroit.

Pour l'avatar, tu as vérifié les normes de taille de l'image ? Parce que le site se retient de faire de la discrimination et du délit de sale gueule, en général...

(j'essaie de ne critiquer que le texte sans entrer dans un débat sur le fond)
Moi j'avais interprété "le même châtiment" en pensant que eux aussi seraient dessinés, et du coup j'aimais bien.
Le dernier vers est effectivement assez cliché je trouve.
Même si j'ai eu du mal à comprendre moi aussi le sens que tu voulais donner à certaines images (c'est qui qu'on dessine ? Pourquoi lui donner un sourire de simple d'esprit -- tu as répondu mais avec ma seule lecture j'avais du mal à voir ce que tu proposais), j'ai beaucoup aimé la manière dont tu réinterprètes "dessine-moi un mouton". pour le pouvoir de la caricature, transformer un djihadiste en mouton ça le vide tout à coup de toute sa violence, en fait ça me fait penser au sort "ridiculus" dans Harry Potter. Par contre j'ai regretté du coup l'agressivité qu'on sent aussi derrière ton texte (les traits "grossiers" (je connais le sens de ce mot mais il peut avoir aussi une connotation négative), l'image de l'alcool, c'est facilement interprétable comme un portrait péjoratif, à mon avis), notamment dans les derniers vers de chaque strophe. "Dessine-moi un mouton" dans toute sa douceur et son ironie et sans aucune violence en réponse à toute ces horreurs, j'aurais trouvé ça magnifique.

D'accord !



PS : désolé ^^

Faël, je n'ai pas connaissance des normes de taille dont tu parles, je vais vérifier cela le plus vite possible.

Naniquolas, comment veux tu parler du texte sans parler du fond ? Le fond fait partie du poème autant que sa forme. Si tu as des choses à dire dessus, je serais ravi de les recevoir. Comme nous l'avons dit dans d'autres commentaire, chacun fait son interprétation d'un poème et des images qu'il véhicule. J'étais loin de penser à ce "chatiment" là, d'être caricaturé, raillé, parodié etc...
Pour ce qui est du dernier vers, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il est "cliché", que ça fait trop "patriote" ou épitaphe héroïque. Mais pour une raison que je ne saurai expliquer, ces mots sont et seront les seuls qui sauront rendre à ces personnes le monument qu'ils méritent. J'en fais peut être trop, mais la liberté de s'exprimer me tient vraiment à coeur, surtout en tant qu'auteur. Je sais que je ne serai rien sans ce pouvoir d'écrire et de partager. Je ne peux pas concevoir un monde où être libre de donner vie à ses pensées serait banni.
Toutes les images à connotation négative que j'utilise dans le poème sont là pour décrédibiliser ce djihad et cette guerre menée par des moutons, de la même manière que les dessinateurs de Charlie Hebdo ont détruit le symbole de violence et de peur qu'ils incarnaient en quelques coups de crayon.

Unautrelapin, dis moi que je me trompe, mais ton mouton n'aurait pas une... euh... montée d'appendice masculin ? Ou alors c'est sa patte arrière...

(je crois que c'est la patte arrière^^)

En fait j'ai déjà critiqué le fond, je ne voulais juste pas rentrer dans le débat du rôle de la poésie sur le sujet (pas parce qu'il n'a pas lieu d'être mais parce que je n'ai pas vraiment d'opinion construit à proposer). Sur le fond, je trouve que la violence, la colère qui ressort parfois de ton texte est légitime mais que ce texte se porterait mieux sans elle pour ne garder que l'effet ridiculisant et presque tendre (dans mon interprétation) du mouton.
Quant au fait que ces terroristes "ne méritent pas de partager ce monde", ça me semble dangereusement proche de la haine et la haine n'a jamais mené à grand-chose de bien (oui, je suis un adepte de maître Yoda).

(dans le doute, on va dire que c'est une patte^^)

La violence du texte ne ressort pas beaucoup. Elle est plutôt suggérée. Il y a un décalage entre le langage enfantin et le sujet abordé, et il écrit pour être lu avec la voix d'un enfant.

Pour ce genre de personnes, je ne réserve aucun pardon ni aucune tendresse. Certes Yoda dit que la haine mène au côté obscure, mais l'amour et les arcs en ciel ne vont pas leur faire déposer les armes.

De la même manière que naniquolas, je ne vais pas rentrer dans une analyse profonde (rôle de la poésie par rapport à la liberté d'expression, prise de positions) J'ai presque épuisé mon quota de discussion là dessus, je pense que ce n'est plus vraiment à débattre. Chacun a pris sa position. Ainsi soit-il. Et maintenant le texte.

J'ai beaucoup aimé, l'image du mouton est délicate, à l'image du "riddiculus" de Harry Potter comme disait nani. C'est exactement l'intention de la caricature. Mais moi aussi j'ai un problème avec "la violence" du poème. Je crois que la poésie (désolé j'analyse un peu le rôle de la poésie, je peux pas m'en empêcher ><, je crois que la poésie, surtout la poésie engagée, doit dépolariser l'attention générale. A la manière de "Barbara", de Jacques Prévert. (Je ne juge pas ta manière d'écrire, loin de là, ni ta manière de penser la poésie engagée, c'est strictement personnel.) Le but n'est pas d'accuser, de pointer du doigt mais d'observer un résultat afin de provoquer une prise de conscience, au moins une réaction chez le lecteur (un réaction indépendante). Sinon la poésie devient médiatique.
Bon après, j'ai écris un poème sur le site il n'y a pas longtemps, Pourrir(e) ta mère. J'aurais pour ambition de dire qu'il interroge seulement et qu'il n'est pas médiatique, qu'il n'accuse pas mais bon, ce serait peut être prétentieux ><

Sinon je suis assez d'accord avec nani, j'aime ce ridicule tendre. Ton poème pourrait faire plus d'effet en insistant plus là dessus !