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Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de Thaumiel Thaumiel Mode Lecture - Citer - 02/03/2013 07:15:24

Mes démons m’ont rattrapée. Enfin... cette nuit. Nuit-chaos. Il faisait froid mais je n’avais pas froid, j’avais même chaud. Étonnamment chaud. Chaud à l’intérieur de moi. Mes pensées avaient un poids sur mes épaules, des pensées de béton brut. Je me suis allongée vers 23H00 dans le noir. Je ne savais pas si j’allais dormir. Il y a eu un moment de calme. Puis, des images se sont pressées dans ma tête, à une vitesse folle. Des images de tout, des images de rien, des images du Monde. J’ai vu des visages, de gens que je ne connaissais pas, j’ai entendu des bribes de conversations anodines. Mais c’était cette vitesse folle qui était éreintante, des images, des images, des images, vertige de la vitesse. Je ne savais pas où j’allais, j’étais entraînée dans le flux. Comme si toute l’humanité défilait dans ma tête.
Pas de sang, pas de violence, pas de drame, pas d’horreur, juste la folie du bruit du monde.

La folie du bruit du monde.

Je me suis levée, j’avais les membres lourds. Je suis sortie torse nu et nu-pieds devant la hutte. J’ai fait trois pas dans la neige, pétrifiée par le silence. J’ai passé de la neige sur mon visage. Terreur nocturne. Le ciel était gris comme l’acier de la lame au-dessus des grands arbres. Je suis restée là, longtemps, j’ai passé encore de la neige sur mes bras et ma poitrine. Ma poitrine était encore pleine de la folie du bruit du monde.
Le bruit de l’humanité, le monde en son entier m’avait traversée. Des visages, des corps, ces mots.
Si les démons se mettent à ressembler à Monsieur-tout-le-monde…

J'ai mis mes chaussures, pris ma veste, j'ai quitté le groupe de hutte. Je suis sortie et j'ai marché sur la route noire, vers le néant. J'ai marché, marché et marché, longtemps. Une partie de la nuit, sans doute... Cette nuit qui, ici, dure tout le temps.
J’étais peu couvert, juste cette veste sur ma peau nue. Il devait faire près de -15°C. Mes pensées m’avaient réchauffée un temps, mais elles m’avaient abandonnée. Je reprenais un corps et il avait froid. J’ai vu des phares dans l’autre sens, loin. J’ai traversé. Faire du stop pour rentrer à la hutte ?
Un camion est arrivé, il s’est arrêté loin devant moi. Je l’ai rejoint et je suis montée. La portière passager était déjà ouverte.

Il faisait chaud dans la cabine, un grand type en débardeur jaune était là, un grand type massif, bodybuilder, probablement. C’était un finlandais, Aki. Il venait de Turku, dans le Sud de la Finlande, et il se rendait aux Lofoten. Puis il irait chercher une cargaison à Hammerfest. Il avait un accent épouvantable et un rire franc. Il parlait peu puis, soudainement, beaucoup. Puis plus rien…
Il devait aimer son métier.

Il m’a déposée.

Bonne nuit Aki.

Avatar de Zinzolin Zinzolin Mode Lecture - Citer - 05/03/2013 16:15:53

Pour une fois, j'ai eu un peu de mal à entrer dans ton texte, je me battais avec les premières phrases jusqu'au bout du premier paragraphe... Et ensuite, ça a coulé tout seul. Et j'ai adoré sans trop savoir comment expliquer pourquoi. Arrivée à la fin, je me suis dit que je ne pouvais pas t'en vouloir de nous rendre pénible la lecture de ce qui oppresse le personnage...c'est même très bien joué !
Je crois vraiment que ce qui me happe tant dans tes textes, c'est de ne rien savoir de l'avant, de l'après, de prendre le train des pensées en route sans me poser de questions et de me laisser déposer à la fin en remerciant simplement pour la découverte d'une parenthèse d'existence. Ton personnage est simple et mystérieux à la fois, j'ai aimé cette façon de clore le texte sur un retour à la case départ comme si rien ne s'était passé, un peu blasé...
Et j'adore la cascade de sons que forme le titre (et du coup la phrase dans le texte : mais peut-être aurait-il fallu ne la prononcer qu'une fois, comme quelque chose de précieux ?) ...ainsi que cette phrase : "Si les démons se mettent à ressembler à Monsieur-tout-le-monde…"


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Une petite faute : "J'étais peu couverte"

Avatar de naniquolas naniquolas Mode Lecture - Citer - 19/03/2013 15:12:05

Pour ma part, je suis rentré dedans tout de suite et j'ai beaucoup aimé, ce cauchemar étrange et l'ambiance, les personnages dont on ne sait presque rien mais dont on sait tout ce qu'on a à savoir...
Par contre deux passages ne m'ont pas trop plu :

"Le bruit de l’humanité, le monde en son entier m’avait traversée. Des visages, des corps, ces mots.
Si les démons se mettent à ressembler à Monsieur-tout-le-monde…"

Ici j'ai trouvé ça un peur répétitif, et la dernière phrase un peu décalée, un peu trop enfantine et râleuse par rapport à la force de l'oppression qu'il subit.

Et la fin, la toute fin, les deux dernières phrases. Bon, la toute dernière. Voilà, le "Bonne nui Aki" ne m'a pas vraiment paru coller avec le reste du texte, et il m'a sorti de l'ambiance précédente de mystère, d'étrange, dans laquelle j'aurais bien aimé rester. C'est peut-être fait exprès...
Comme conclusion je pense que j'aurais adoré "Il devait aimer son métier". Je ne sais pas trop pourquoi, mais cette phrase est d'une simplicité et d'une évidence (comme "bonne nuit", d'ailleurs), sans avoir le côté enfantin/vie de tous les jours de "bonne nuit" et je la trouve parfaite ici.

Avatar de Wensaïlie Wensaïlie Mode Lecture - Citer - 27/04/2015 18:39:28

Au fil des mots (même si l'auteur reviendra pas ^^):

"Mes pensées avaient un poids sur mes épaules, des pensées de béton brut." excellente cette phrase
"Comme si toute l’humanité défilait dans ma tête." l'idée est belle mais je trouve la formulation dommage (un peu pauvre?)

les froids et chaud du début paraissent maladroits mais en fait je les trouves géniaux

"J’étais peu couvert, juste cette veste sur ma peau nue. Il devait faire près de -15°C. Mes pensées m’avaient réchauffée un temps, mais elles m’avaient abandonnée. Je reprenais un corps et il avait froid. J’ai vu des phares dans l’autre sens, loin. J’ai traversé. Faire du stop pour rentrer à la hutte ?" là j'étais complètement paumée

je trouve la fin complètement inattendue vue le début (et néanmoins logique) , j'avoue qu'elle me déçoit un peu.

J'ai bien aimé tes recherches sur les répétitions pour donner de l'effet au texte. un effet un peu "je dors debout" qui allait bien je trouve