Le Temps des Rêves

La muse perdue

Par delà le temps et la nuit,
Au lointain de nos vents contraires,
Sur nos sables catilinaires,
Là, tu t'élances, tu t'enfuis.

Au lointain de nos vents contraires,
Tes ailes ploient l'ombre funeste,
Haine noire, indicible peste,
Messager de tristes enfers.

Sur nos sables catilinaires,
Sur les ruines de nos discordes
Où les mots et douleurs s'accordent,
Où ne pousse ni fleur ni lierre,

Là, tu t'élances, tu t'enfuis.
Muse perdue aux ailes d'or
Dont mes doigts désirent encore
Caresser la plume meurtrie.

Sur les ruines de nos discordes
J'ai bâti un temple de pleurs.
J'ai statufié nos malheurs
Dans ces flammes qui dansent et mordent.

Où les mots et douleurs s'accordent,
Oh, toi ! assassine mémoire
Tu emportes avec toi l'espoir
Agrippé au noeud d'une corde.

Où ne pousse ni fleur ni lierre,
Un Eden de cendre et de sang,
Car tu n'as pur trône indécent
Qu'une cage dans le désert.

Muse perdue aux ailes d'or
Dont le deuil ne sera comblé
Qu'à la nuit et le jour tombé
Dans les abysses de la mort.

Merci Jeff pour ce texte !

Je vais commencer par quelques remarques factuelles :
- au niveau de la métrique, écris-tu selon les règles classiques ou t'es-tu laissé porté par le rythme ? Dans le vers "Dans ces flammes qui dansent et mordent." il y a un pied de trop si tu fais attention... Mais ce n'est qu'un point de détail, et si on sort un peu des carcans classiques ça passe tout à fait.
- "Car tu n'as pur trône indécent" = pour trône indécent ? Est-ce une faute de frappe ou le mot est-il volontaire ?

Sinon, en vrac, mes avis et émotions en lisant ton texte :
- J'ai apprécié la structure de ton poème, avec ces vers qui reviennent sans cesse et créent une litanie.
- J'ai également apprécié l'ambiance du texte, ça m'a un peu fait penser au "Don du Poème" de Mallarmé dans le choix du sujet et dans la manière dont tu le traites. C'est très symboliste comme approche.
- En revanche, une chose m'a dérangée : l'emploi du mot "catilinaire". L'emploies-tu bien dans le sens de "pamphlet, satire, discours hostile" ? Je dois avouer que je n'ai pas bien compris l'image que tu as voulu évoquer.

Voilà, c'est tout !

Merci beaucoup pour ce commentaire !

Je n'ai pas fait attention aux règles classiques pour ce poème, j'ai gardé certes une scansion imposée mais pas d'hémistiche ou autre contrainte, je voulais être un peu libre dans l'écriture.
Ce vers "Dans ces flammes qui dansent et mordent" m'a posé problème aussi. Je pense que tu dois le lire avec "qui / dan/sen/t et / mordent", ce que je n'ai pas trouvé très joli. Dans ma lecture je passe la liaison entre "dansent" et "et". JE SAIS, ça ne respecte pas du tout les règles universelles de la poésie, mais c'est plus joli ainsi.

Oui il m'arrive d'oublier des lettres lorsque je retape les poèmes... du coup il faut se dire qu'il y a un "o" à "pur" et y lire "pour".

Les vers qui reviennent sans cesse, il s'agit de mon deuxième texte batard (sans offense) entre un pantoum et... mon bon vouloir. Ca crée une boucle, qui donne du sens avec ce que j'ai voulu transmettre, et ça permet à tous lecteurs de le continuer. (Encore une chose, la boucle est irrégulière, c'est fait exprès aussi).

Ah oui, catilinaire ! Je savais que j'allais avoir des représailles. Je me suis permis un néologisme en l'employant comme adjectif (à partir des Catilinaires de Cicéron). Ces 4 discours qui visaient à dénoncer un ennemi de la République romaine. Je voulais lui donner le même sens que "menaçant", "hostile"...

Merci pour ces explications ! Je ne suis pas une foldingue de la scansion, donc ça ne me dérange pas plus que ça. Et le terme "catilinaire" est bien employé.

J'aime bien ton poème, le rythme que tu instaures, aussi bien dans le vers que dans le poème dans son ensemble.
Cependant, rentrer dedans m'a demandé des efforts, en particulier la première strophe, qui m' a un peu rebuté ("Au lointain de nos vents contraires/Sur nos sables catilinaires".
A le relecture, cependant, passée la première incompréhension, on sent mieux le désespoir et la perte, irremplaçable, emmenés par le ressac ressassé (non, c'est pas moche :p ) du rythme du poème.

Merci beaucoup Faël pour ce commentaire
"ressac ressassé", j'aime bien !