Vous devez être connecté pour participer aux conversations !
Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de Brumepin Brumepin Mode Lecture - Citer - 05/12/2013 21:19:00

Bonjour à tous.
Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Ce texte, je m'étais promis de le faire tout seul, comme un grand !
Je dois reconnaître que la maturité littéraire m'échappe encore. J'aurai bien besoin de votre aide sur ce projet. Il me tient à coeur.
Pour l'histoire, je vous propose de vous plonger dans le mouvement du "15 Mayo" également appelé "Les Indignés".
L'ambition de ce roman est de s'interroger sur le sens de l'engagement politique. D'où vient-il ? Pourquoi le porter ? Comment grandit-il ?
Vous allez rencontrer trois personnages : Fabien, Sara et Jade. Pendant six mois, ils vont s'écrire, s'aimer, réfléchir et marcher.
Ils rencontreront bien d'autres personnages sur leur passage : un révolutionnaire tunisien, un anarchiste français, un franquiste...
C'est une épopée sociale et politique que je vous propose de suivre et de critiquer.
Merci d'avance aux lecteurs qui me suivront.

Avatar de Brumepin Brumepin Mode Lecture - Citer - 05/12/2013 21:21:29

Prologue

Fabien à Bastien
15 mai 2011
Paris, XIXème arrondissement, France

Mon frère,
Je ne sais pas où tu te trouves pendant que j'écris ces lignes. J'espère juste que depuis l'endroit où tu es, tu as entendu le souffle de liberté qui évente les peuples de la méditerranée. Déjà deux dictatures sont tombées cette année grâce à la force de la rue. Je ne te raconte pas la vague d'espoir que j'ai ressenti pour ces peuples quand j'ai appris la nouvelle, je te raconterai par la suite que j'ai très vite déchanté... Avant cela, j'aimerais partager avec toi une réflexion qui trotte dans ma tête depuis quelques mois. J'espère que tu y souscriras.

Un cri dans la forêt. Si personne ne l'a entendu, peut-on considérer que ce cri ait existé ? Je réponds par un belgicisme qui reflète le paradoxe que soulève cette question : Non, peut-être... Ce cri que personne n'aura entendu. Ce cri qui ne sera pas écrit, n'aura pas existé. Il ne sera pas reconnu dans l'état civil de notre civilisation. Il sera apparu au monde en vain. C'est le triste sort d'une naissance anonyme, oubliée.
Et quand bien même, ce cri eut-il été entendu, eut-il ému quelconque de nos semblables dans la forêt, il s'en va en fuyant, sans que personne ne puisse en garder une seule trace.
Que s'agit-il alors d'entreprendre pour que ce cri puisse s'épanouir ? Il faut continuer de crier vaille que vaille, jusqu'à ce qu'un homme, une femme alertés par cette sirène plaintive viennent nous rejoindre et mêler leurs voix à la nôtre. Le but étant que ceux qui jouent aux sourds, ceux qui nient jusqu'à l'existence même de la vie lorsqu'elle est anonyme, ceux pour qui un cri ne vaut pas le moindre écrit, soient forcés d'entendre ; et entendre, ils feront. Ainsi, la naissance est digne de porter un nom. Une partie de la victoire est acquise lorsque le cri est écouté.
Il gagne un sens et peut prétendre au traçage d'un nouveau chemin au milieu de la forêt. Il ouvre de nouveaux possibles, dans un élan de liberté. Il ne reste qu'à marcher pour les hurleurs. Marcher sur des chemins de bois déjà vermoulu, et d'autres construits avec la force de l'imagination. Zigzaguer et tituber, c'est le propre de l'homme qui apprend la dignité.
Un homme qui se meut, est un homme digne, mon frère, car il avance, toujours il avance. Et si le chemin forestier ouvert par le cri, mène vers une impasse, il y a toujours la possibilité de faire machine arrière ; et la vie pardonne les hurleurs qui s'égarent, à condition qu'ils acceptent la possibilité de se perdre. Il ne suffit pas seulement de marcher et d'être un homme digne. Il faut également songer à sa liberté. Il faut alors marcher vers ce que l'on croit vrai ; souvent les impasses se présentent lorsque la conviction se perd en chemin. Une fois que la conviction est acquise, que l'utopie est construite, alors l'homme qui marche, devient digne et libre.

Le cri peut alors commencer à vivre, comme n'importe quel être humain. Il prend de l'ampleur, il amène d'autres cris avec lui, d'autres humains.
Durant sa croissance, le cri se fera : cri de douleur, cri de liberté, cri de jouissance. Qui sait, si on ne le surprendra pas dans le creux d'un sous-bois en train de faire l'amour ? S'engager dans le possible d'une utopie, c'est le firmament qui maintient ceux qui hurlent en vie. C'est le filament qui nous conduit vers un nouveau pays qui ne change pas de place sur les cartes géographiques.
Ainsi, le chemin pour pousser un cri jusqu'à sa maturité est long. Une fois mûr, mieux vaut être accompagné pour porter le hurlement qui nous guidera hors de la forêt. C'est alors qu'une nouvelle route se construit, par delà les murs d'arbres qui nous toisent de leurs feuillages déjà jaunis.

Le cri est entendu et la foule afflue pour le porter. Encore faut-il bien choisir ses compagnons de fortune. Les curieux viennent voir ils ne sont pas prêts à faire autant de route. Ils regarderont le spectacle en restant sur le côté. Les garde-forestiers sont à éviter, ils n'aiment pas que l'on dérange la tranquillité de la forêt. Les pyromanes ne pensent qu'à brûler et chacun sait qu'une forêt réduite en cendres est stérile. Il ne reste que les promeneurs, en quête d'aventures. Ceux-là même qui pensaient crier et qui n'ont jamais osé le faire. Ceux-là dont les idées sont assez folles pour tracer de nouveaux chemins de traverses. Ce sont les compagnons idéaux pour sortir de la forêt. Il est alors temps de se mettre en route.
Les marcheur connaîtront bien des embuches : des ronces qui gifleront leurs mollets, des gouffres qui les feront reculer, des rivières qu'il aura fallu traverser... alors, au-delà d'une armée de feuillus pointera l'orée de la forêt. L'horizon dégagé, les garde-forestiers semés, rien ne les empêchera de vivre effrontément libres et dignes. Ils pourront construire ce pourquoi ils auront tant crié et marché.
À moins que ce travail d'éclaireur ne les ait épuisés, et que les hurleurs n'osent franchir ce dernier pas. Lorsque l'on marche, on oublie bien trop souvent qu'une fois le chemin parcourut, tout reste à construire.
Si l'abandon les gagnent, les marcheurs guidés par leur cri, pourront alors sourire. Ils auront montré un nouveau chemin. Ils auront poussé un cri dans la forêt, et il se trouvera toujours quelqu'un pour en raconter l'histoire, et construire une autre monde, le lendemain.

J'arrête ici la réflexion que je te propose. Je t'avoue que je ne suis pas allé plus loin dans cette idée et pour être totalement franc avec toi, il s'agit du discours que j'ai tenu à ta fille : Sara. Si j'en crois la dernière correspondance que j'ai eu avec elle, elle devrait se trouver à Madrid aujourd'hui même.
En Espagne, les mouvements de contestation contre les politiques d'austérités prennent chaque jour de plus en plus d'ampleur. On annonce des dizaines de milliers de personnes à Madrid aujourd'hui même, et c'est tout naturellement que ta fille veut en être.
Elle se posait beaucoup de questions. Comme de nombreuses personnes, elle est très lucide sur le fait que les événements qui ont secoué la Tunisie, puis l'Égypte ont des répercussions, ici en Europe et elle craint certains dérapages.
Je lui ai répondu par ce cri dans la forêt. Je lui ai répondu qu'elle devait se rendre à ce rassemblement et crier avec les autres. Une fois ce cri poussé, elle devait garder la tête froide si quelque chose se construisait, choisir les bons compagnons et n'avoir pour guide que ce seul cri. Enfin, elle devait admettre que l'utopie pour laquelle elle allait dépenser de l'énergie, risquait bien de ne jamais voir le jour.
Elle acquiesça chacun de mes propos, et me renvoyait à chaque courriel, une pensée limpide et fluide qui m'a longuement laissé coi. Sara grandit mon frère : elle possède les traits de sa mère et ton esprit tranchant, et je regrette que tu ne sois pas là pour en être également témoin. Depuis Paris, je devine la grâce de sa silhouette et l'élégance des propos qu'elle peut tenir. Le tout tient dans une force d'indignation qui me semble inapaisable, ta fille veut faire bouger les choses et elle ne semble pas craindre le désenchantement.

J'en viens alors à ce que je te disais concernant la Tunisie... De mon côté, je déchante déjà, Bastien. Les espoir qu'ont fait naître les événements de Tunis, n'étaient que des chimères. Cela, je le savais, mais j'accuse le coup à chaque fois que mes prévisions se vérifient.
Depuis le mois de mars, des milliers de tunisiens commencent à arriver à Paris. La révolution étant, les garde-côtes ont laissé passer la quasi totalité des candidats à l'Europe. La plupart de ces jeunes hommes se retrouvent perdus et désoeuvrés, laissés à eux-mêmes. C'est un gâchis qui me débecte.
Je passe alors mes soirées à tenir compagnie à des révolutionnaires devenus clopinards aux buttes Chaumont. La chute est rude, difficile à avaler. Je donne une clope, un ticket de métro, une rasade d'eau fraîche. Mais ce qui compte, c'est le temps passé en leur compagnie. Ces hommes ont besoin de parler. Ils sont en train de prendre conscience qu'ils se sont échoués quelque part, et cherchent l'endroit où leur vie a choisi de défaillir.
Ce spectacle cristallise mes pensées, et chaque jour je pense au cri que ces hommes ont poussé dans la forêt. Je pense surtout à l'homme qui a poussé ce cri en premier : Mohamed Bouazizi, en s'immolant par le feu. Dans les flammes de son cri, je vois des hommes libres et affamés, je vois des hommes qui se sont levés pour leur liberté. Je vois ces mêmes hommes sclérosés dans cette marche devenue cauchemar parce que semble-t-il, ils ont fait fausse route...
Pousser un cri dans la forêt, le geste semble anodin, banal, ordinaire. Or, il convoque un engagement qu'il s'agit de mener jusqu'à son aboutissement et cela comporte des risques que nous ne sommes pas toujours prêts à endurer.

J'en reviens à Sara. Je ne sais pas ce qu'elle fera lorsque de telles épreuves se présenteront à elle. Je te dirai qu'elle a déjà une furieuse envie d'en découdre. Elle voulait se rendre à Madrid à pied depuis Salamanque. J'ai essayé de la raisonner en lui disant de prendre le bus comme tout le monde... je sais d'ores et déjà qu'elle ne m'a pas écouté.

Où que tu sois, j'espère que cette réflexion te parle.

Bien @ toi

Ton frangin, Fabien.

Avatar de naniquolas naniquolas Mode Lecture - Citer - 11/12/2013 17:39:06

J'aime beaucoup l'image du cri qui se développe et qui se transforme pour aboutir (ou pas) petit à petit à une révolution. En lisant j'ai vu pas mal de maladresses et de coquilles mais désolé, je n'ai pas pris le temps de les relever (je repasserai peut-être).
J'en garde une bonne impression globale, j'aime bien cette image du cri et les personnages qui tu esquisses, et j'ai assez envie de lire la suite pour savoir ce que va devenir Sara.
Par contre il y a quelque chose qui me freine vraiment dans ma lecture, c'est le manque de spontanéité que j'ai très souvent ressenti de la part de Fabien. Des tournures très châtiées, très élégantes, la récurrence de "mon frère", le côté dissertation de "je te propose une réflexion. Voilà, ici j'arrête ma réflexion, maintenant on va réfléchir sur ta fille" (je caricature,bien sûr), quelques passages qui font un trop leçon d'histoire à mon goût (surtout vers la fin), tout ça rend le texte trop carré et trop maîtrisé pour me toucher vraiment.
Dans certains passages pourtant on sent que tu te libères un peu plus et le personnage en devient beaucoup plus crédible, à mon sens : "C'est un gâchis qui me débecte", "ton frangin", les envolées lyriques sur le cri...
Bref, je pense que la principale chose à améliorer serait de choisir une fois pour toute une manière de s'exprimer pour ton personnage, en accord avec son caractère, et de préférence pas trop précieuse. Et je pense qu'éviter les adresses incessantes au destinataire de la lettre ferait aussi gagner en crédibilité au texte, quitte à trouver un autre moyen d'insister sur leur lien de fraternité.

Voilà, et merci pour ce texte !

Avatar de Brumepin Brumepin Mode Lecture - Citer - 08/01/2014 21:40:18

Lettre 1

Sara à Fabien
Madrid, Espagne
Le 20 mai 2011

Salut Parrain !

Excuse-moi pour la conversation coupée au téléphone. Mon portable fait des siennes et je n'ai plus de crédit pour te rappeler ! Alors, je prends le temps de t'écrire, ce qui n'est pas plus mal, au vu de ce que j'ai à te raconter. Je vais te décrire l'utopie qui commence à poindre ici, le songe d'un soir de printemps ibérique, le rêve de dignité que l'Espagne est en train de construire. Tes poumons encrassés du goudron de tes cigarettes peuvent respirer à fond les ballons ! Les étoiles éteintes de tes yeux narquois peuvent à nouveau scintiller à la lecture de cette lettre ! Ton poing ridé et vaillant peut à nouveau se lever ! C'est de révolution dont je vais te parler et mes mains tremblent sur le clavier au fur et à mesure que j'écris ces mots.
Je croyais quitter Salamanque pour une semaine et le six mai démarrait ma renaissance. Je suis partie avec mon sac rouge sur le dos et ma saroual bordeaux sur les routes d'Espagne avec l'espoir d'arriver à Madrid pour le 15 mai. Je me donnais une semaine pour parcourir quelques deux cents kilomètres à pied, avec l'intention de m'y rendre en stop au cas où je n'étais pas dans les temps. Je me souviens de t'avoir parlé de tout cela sur Skype, de ton inquiétude et de tes tentatives pour me raisonner. Rien n'y a fait. Je suis partie. Seule. Avec dans le cœur, la confiance que j'ai envers les autres. Sûre qu'ils m'amèneraient à bon port saine et sauve.

Les routes de Catsille-Léon sont arides, inhospitalières, au climat extrême. Entre les banquises de l'arctique l'hiver et la fournaise d'un volcan l'été. Le printemps était avec moi et l'hospitalité des badauds comblait le caractère abrupte de la terre. Les trois premiers jours, je les passai à marcher et à dormir à la belle étoile. Mes soirées, je les dédiai à apprécier des repas succulents modestement composé de pain, de chorizo et de fromage. Par deux fois, j'ai dégusté seule, les crépuscules rosés qui se déposaient sur l'ocre des plateaux espagnols formés par les épis de blés. La majesté de tels spectacles suffit à t'apaiser pour la nuit à venir. Ils impriment ton âme d'une telle force, qu'une fois l'aube levée, je me retrouvais dans l'incapacité d'affirmer s'il s'agissait d'événements réels ou d'une chimère.
En reprenant la marche, je trébuchai parfois contre de gros cailloux pendant que je me perdais dans les méandres de mes pensées. Un jour de grande soif, où ma gourde était vide et ma besace démunie de pain, j'hésitais à rebrousser chemin mais dans ce dédale sec où faire machine arrière reviendrai à se perdre ; je pris la décision de garder mon cap et de continuer d'avancer. Sur mon parcours, j'avalai une cinquantaine de kilomètres sans croiser âme qui vive. Tout juste ai-je observé quelques vieillards qui attendait la mort, assis sur la rugosité d'un banc de pierre dans le gigantesque silence des ruelles de leur village.
Quand je m'éloignais des habitations, je faisais le choix de sortir des sentiers. Le but étant de trouver des terres vierges où je pouvais me poser afin d'admirer le spectacle de mes crépuscules. Lorsque les aubes naissaient à la lisière de ces routes, je priais cent milles dieux pour que les teintes opalines du matin demeurent toute la journée. La perfection des coloris blancs était pour moi le signe d'un jour pur. Jamais ces prières ne furent entendues. À chaque aube suivait un ciel azur qui surplombait le plateau castillan jusqu'au soir.
Je me plaisais à croire que cette steppe n'avait pas de fin et que le jour où je découvrirai une ville, je retournerai à l'état sauvage sur-le-champ. Les rares humains que j'avais rencontré jusqu'alors ne me voulaient aucun mal. Ils ne me voulaient aucun bien non plus. Lorsque je demandais une miche de pain ou une bouteille d'eau, ces personnes m'offraient volontiers de quoi survivre mais souvent, ils écourtaient notre rencontre de peur que je n'abuse de leur bonté.