— Bouclier ! s’exclama Vincent en se débarrassant de ses cordes. Thomas répète ou nous somme mort !
Terrorisé, l’apprenti regarda la foule de malfrats se précipiter sur eux. Il les voyait, armés, enragés, hurlants comme des monstres, ils se jetaient sur lui comme au ralenti.
— Thomas ! Ecoute-moi ! lui ordonna Vincent.
Comme un automate, le garçon tourna la tête.
— Répète ! Bouclier !
Il n’hésita même pas, ne réfléchit même pas.
— Bouclier ! s’exclama Thomas.
L’air autour du garçon crépita puis un champ d’énergie, bleu magnétique, l’entoura.
— Plus grand ! s’exclama Vincent en regardant l’épée d’un des bandits s’approcher dangereusement de son cou.
— Plus grand ! répéta l’apprenti.
Le bouclier s’étendit autour du Poète et du Magicien.
Le champ de force passa devant Ervin au moment même où la première vague de bandits se jetait sur lui. Il entendit un « clang » métallique résonner lorsque les dizaines d’épées se heurtèrent au bouclier du jeune apprenti. Il ne put s’empêcher de porter ses mains à ses oreilles et de fermer les yeux, pour ne pas voir. En haut de la muraille, des acclamations de joie retentirent. Etonné et soulagé, Ervin se décontracta un peu. [quand assaut : quelques bandits tentent attaquer par les toits mais IL PLEUT = glisse et puis trois archers les enlèvent direct] [entrée par les égoûts ? passage secret ? pas les toits ?]
— Que fait-on maintenant ? demanda-t-il. Il ne pourra pas tenir longtemps, ajouta-t-il en indiquant Thomas du doigt.
Vincent serra les dents et réfléchit. Il n’aurait jamais la force de les faire monter tous les trois et il ne pouvait pas imposer ça à Thomas. Le Magicien non plus ne pouvait pas les sortir de cette situation. Pour finir, Seiren ne ferait jamais ouvrir les portes, c’était bien trop risqué. Leur unique chance d’entrer était de contourner la caserne et de passer par la porte arrière, celle qu’avait utilisée le garçon pour s’enfuir. [comment il sait ? il le suivait ?] Pour cela, ils devaient traverser cette marée humaine et prier pour que personne ne les suive.
— Allons à droite. Est-ce que vous pouvez le porter ? demanda Vincent.
— Ça ira, assura le Magicien en attrapant l’apprenti par les épaules.
Rapidement, il le fit monter sur son dos. Thomas ne protesta pas. Il était entré dans une sorte de transe et ressemblait à une poupée qui obéissait à tous les ordres de Vincent.
D’un commun accord, les deux adultes se mirent à longer la muraille. Serrant les dents à chaque fois qu’un des bandits abattait sur eux son épée, de peur que le bouclier de Thomas les lâche au mauvais moment. Au début, ils avancèrent difficilement. Vincent dut même dégainer ses deux couteaux d’argents [mine] pour frapper les brigands hors du bouclier afin de dégager le chemin. Ervin voyait bien que le Poète était en train d’atteindre ses limites. Bien que ses gestes soient toujours aussi précis, aussi magiques, comme lorsqu’il l’avait vu combattre la veille, il semblait de moins en moins conscient. (il ne l’a pas vu) Comme Thomas, son corps paraissait agir tout seul. Finalement les bandits, plus intéressés par les cibles qui se trouvaient en haut de la muraille, les oublièrent et ils purent enfin passer le mur humain que formaient les brigands. Dès qu’ils le purent, ils tournèrent dans une rue adjacente. Ervin inspira, profondément soulagé. A partir de maintenant ils devraient pouvoir rejoindre la porte arrière sans problème.
EPEE
Sur la muraille, Seiren s’efforçait encore de cacher sa douleur mais il sentait bien qu’il ne tiendrait plus longtemps. Les brigands s’acharnaient sur la porte d’entrée et n’essayaient pas de grimper au mur. En remarquant cela, le Sergent fut soulagé. Les brigands devaient être en train de réfléchir à un moyen d’escalader la muraille. Ils ne trouveraient nulle part en ville des échelles assez grandes et assez solides pour pouvoir les utiliser. Le mur était lisse et l’escalader sans rien serait difficile. Ils devraient demander à des personnes haut placées dans leur hiérarchie de venir. Dernière solution, réquisitionner tous les meubles alentours et faire une grande montagne jusqu’à arriver en haut de la muraille. Dans ce cas, les réservistes avaient tout le temps qu’il leur fallait pour se préparer à les recevoir. La hiérarchie des bandits était établie en fonction de la force et des talents de chacun. Actuellement, il n’y avait aucun problème dans la capitale – mis à part le Palais et l’Académie qui résistaient. Dans ce cas, plutôt que de prendre leur temps à empiler des meubles, les bandits iraient sûrement chercher un de leurs généraux. Ceux-là ne rechigneraient pas à venir. Ils n’aimaient pas Seiren, ils se feraient un plaisir de venir ici pour le détruire. D’autant que si sa caserne tombait, les gens du Palais et de l’Académie seraient démoralisés et la victoire deviendrait facile.
— Caporal, surveillez ces zouaves. S’ils commencent à monter un peu trop haut, assurez-vous qu’ils n’aillent pas plus loin.
— Oui Sergent !
— Vous trois ! s’exclama Seiren en pointant des soldats dans la cour en contrebas. Allez chercher de quoi étayer la porte. Leur assaut désordonné ne la fera pas céder, ajouta-t-il, mais lorsqu’ils apporteront un bélier il faudra être vigilant.
— Encore faut-il qu’ils apportent un bélier, ajouta Mixel en jetant un regard méprisant aux voleurs en bas qui se poussaient les uns les autres comme des bêtes.
Seiren descendit rapidement de la muraille et finit d’organiser les choses. Puis il se précipita dans la caserne.
Sa poitrine était en feu et sa fièvre revenait mais il ne pouvait pas s’arrêter maintenant. Sa tête tournait, son cœur battait si fort qu’il avait l’impression qu’on le lui avait transpercé d’un couteau. Il trébucha et faillit tomber. Finalement, il fallut bien qu’il s’arrête. Seiren s’appuya contre le mur de pierre qui bordait le couloir. Il était froid. L’humidité des pierres le rafraîchit. Il reprit sa respiration et repartit, un peu plus calmement. Mais il sentait aux bords de ses yeux des larmes de douleur se former. Il s’obligea à se concentrer sur le trajet, ne pas penser au futur, pour l’instant pas plus loin que les dix prochains centiles de sa vie en tout cas.
Enfin, il parvint à l’escalier qui descendait jusqu’à la porte cachée. Le souffle court, il poussa de tout son poids la porte d’entrée de la caserne. Elle était lourde, il s’étonna que Thomas ait réussi à l’ouvrir tout seul. « Avec la volonté qu’il faut on peut tout faire » pensa-t-il avec un brin d’agacement. Si seulement l’apprenti avait utilisé cette volonté à autre chose ! Lorsqu’il eut complètement ouvert la porte, elle se bloqua soudainement, plus tôt qu’il ne l’aurait cru. Cela lui fit perdre l’équilibre et il tomba encore. Il sentit un bras passer sous son ventre et le rattraper, juste à temps.
— Et bien… murmura Vincent.
— Merci, soupira Seiren en se relevant.
L’air inquiet Vincent entra, suivit du Magicien, qui portait toujours Thomas.
— C’était très bien, murmura Vincent à l’oreille de Thomas. Tu peux désactiver le bouclier maintenant.
Tandis qu’il parlait, il aida Ervin à asseoir le garçon par terre. Seiren rassembla la moindre parcelle de force qu’il lui restait pour refermer la porte. Alors qu’il allait s’atteler à la tâche, Vincent l’en empêcha.
— Je m’en occupe.
Il fit un léger mouvement de la main et la porte se referma toute seule. Seiren fut soulagé de ne pas avoir eu à le faire. Les torches du couloir les éclairaient bien et le Sergent put rapidement se rendre compte de l’état des trois compagnons. Le Magicien avait une petite blessure au poignet et sa joue droite bleuissait. Le Poète était de toute évidence épuisé. Il était beaucoup plus blessé que le Magicien et des traces de sang séché, sur son visage et ses habits, prouvaient qu’il s’était déjà battu avant d’arriver devant la caserne. Thomas semblait indemne, bien qu’un peu ailleurs, comme s’il se réveillait d’un long sommeil. Cependant, le plus important pour Seiren était de voir qu’ils étaient tous en vie. Dans un élan de fatigue, il se laissa choir par terre, adossé au mur.
Ils restèrent longtemps, tous assis par terre, à essayer de reprendre leur souffle. Au fur et à mesure, leur souffle se faisait de moins en moins audible, jusqu’à ce qu’on n’entende plus rien dans le couloir, que le doux crépitement des torches. C’est ainsi que Karim les trouva lorsque, inquiet de ne pas les voir remonter, il était descendu voir ce qu’il se passait en bas.
— Comment vont les choses en haut ? demanda Seiren en se levant difficilement.
Il sentit son estomac se contracter et eut un haut le cœur.
— Sûrement mieux qu’ici, commenta Karim en s’approchant de Seiren, inquiet. Je t’avais dit de ne pas forcer, murmura-t-il en colère.
— Allons dans mon bureau, proposa Seiren en ignorant la remarque du Soigneur.
Ervin et Vincent acquiescèrent, Thomas suivit le mouvement sans un mot. Les pensées semblaient se bousculer dans sa tête.
Seiren prit la tête du petit groupe. Il serra les dents en sentant un nouvel élan de douleur dans sa poitrine. Cette souffrance continue commençait à l’exaspérer.