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Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de Gynoïde Gynoïde Mode Lecture - Citer - 04/07/2011 19:28:40

J'ai déniché par hasard ce petit livre de Marcel Proust.
Et je découvre avec plaisir de savoureuses images. Certes il tient bien sa renommé de phrases à dormir debout, mais nombre d'entre elles restent magnifiques.
J'ai donc décidé de vous faire partager mes découvertes au fil de ma lecture.
Une sorte de petit recueil de citations en quelque sorte.



Mais il avait compté sans une force qui, si elle est nourrie d'abord par la vanité, vainc le dégoût, le mépris, l'ennui même : c'est l'habitude.
Violante ou la mondanité



L'absence n'est-elle pas pour celui qui aime la plus certaine, la plus efficace, la plus vivace, la plus indestructible, la plus fidèle des présences?
La confession d'une jeune fille



Combien de fois, dans la rue, au théâtre, des passants songeurs avaient allumé leur rêves a ces astres changeants !
La fin de la jalousie



Les barrières d'impossibilité qui ferment à nos désirs et à nos rêves le champ de la réalité étaient rompus et sa pensée circulait joyeusement de son propre mouvement.
La fin de la jalousie


En espérant qu'elles vous plairont aussi. Clin d'oeil

Avatar de poulix poulix Mode Lecture - Citer - 06/07/2011 00:15:50

Je vais faire une révolution : je ne veux plus qu'on dise que Proust fait des phrases à dormir debout. Il fait de longues phrases mais elles sont magnifiques ET faciles à lire et à comprendre. C'est bien loin d'être fastidieux que de lire du Proust, c'est agréable.
Voilà, c'était juste mon ptit coup de gueule perso. Parce que j'ai moi même passé 18 ans de ma vie à dire que Proust (sisi, déjà dans les couches culottes) était un écrivain de talent mais un écrivain chiant. Et bien je ne suis plus d'accord avec moi-même depuis que j'ai lu "Du côté de chez Swann".

Bref. Gynoïde nous a trouvé de belles citations qui parlent d'elles-mêmes.
En voici quelques autres récoltées au gré des pages du premier Tome de "La recherche"

*Je tachais de me persuader que (mes angoisses) n'avaient aucune importance, puisque je les aurais oubliées demain matin, de m'attacher à des idées d'avenir qui auraient dû me conduire comme sur un pont au delà de l'abîme prochain qui m'effrayait



*Et pourtant ce n'était pas seulement la lassitude d'Odette qu'il s'ingéniait à prévenir, c'était quelque fois aussi la sienne propre ; sentant que depuis qu'Odette avait toutes facilités pour le voir, elle semblait n'avoir pas grand chose à lui dire, il craignait que les façons un peu insignifiantes, monotones et comme définitivement fixées qui étaient maintenant les siennes lorsqu'ils étaient ensemble ne finissent par tuer en lui cet espoir romanesque d'un jour où elle voudrait déclarer sa passion qui seul l'avait rendu et gardé amoureux."

Avatar de bleuzwenn bleuzwenn Mode Lecture - Citer - 06/07/2011 16:46:58

Ah Proust est à l'honneur ! Je cours ! Je rejoins Poulix, pour les mêmes raisons.

La poésie de Proust est pour moi une des plus belle, et pour prolonger votre quête de citations : " Et dans la faible mesure où ce détachement n'était pas absolu, la raison de ce plaisir nouveau que goûtait Swann, c'était de pouvoir émigrer un moment dans les rares parties de lui-même restées presque étrangères à son amour, à son chagrin"

"Elle était là, souvent fatiguée, le visage vidé pour un instant de la préoccupation fébrile et joyeuse des choses inconnues qui faisaient souffrir Swann, elle écartait ses cheveux avec ses mains; alors tout d'un coup, quelque pensée simplement humaine, quelque bon sentiment comme il en existe dans toutes les créatures, quand dans un moment de repos ou de repliement elles sont livrées à elles-mêmes, jaillissait de ses yeux comme un rayon jaune. Et aussitôt tout son visage s'éclairait comme une campagne grise couverte de nuages qui soudain s'écartent, pour sa transfiguration, au moment du soleil couchant."

Je ferais un bref élargissement... à Balzac.

Et merci Ginoïde pour cette découverte, je ne connaissais pas ce petit livre.

Avatar de UnAutreLapin UnAutreLapin Mode Lecture - Citer - 06/07/2011 21:54:15

Et là, vint l'amateur de phrases concises (et qui ne sais pas les utiliser).

Je suis partagé concernant Proust.
1/ c'est joli
2/ il faut vraiment que je lise à voix haute à chaque fois

Ne sachant pas vraiment pourquoi, lire du Proust dans son cœur et dans sa tête n'est pas à ma porté. Les mots ont alors tendance à se mélanger, à se fondre. Des taches de couleur, tellement bien posées, ont tendance à se mélanger en un immonde kaki mal défini. Dommage.
Alors... par petites doses, seul dans un coin, les mots posés autour des lèvres, je goute par petits morceaux. Et alors me régale.

Avatar de Eraneon Eraneon Mode Lecture - Citer - 06/07/2011 23:20:24

C'est une littérature qui ne demande de la concentration que lorsqu'on a ni l'habitude, ni le goût des phrases longues. Personnellement je ne peux pas m'empêcher de faire des phrases longues, de celles qui faisaient hurler mes profs au lycée (il faut dire aussi qu'à l'époque elles étaient peut-être un peu moins bien structurées qu'elle ne le sont aujourd'hui...) ; pour moi, ça tient de l'oeuvre d'art à part entière, l'utilisation de la langue dans ce qu'elle a de plus complet et de plus extraordinaire, aux limites de ce qu'elle permet.

La clé, c'est de ne jamais oublier qu'une phrase est un assemblage, qu'il ne s'agit pas d'une entité fixe mais d'un patchwork (gigantesque dans ce cas-là on en conviendra, Proust est connu pour avoir écrit des phrases d'une page, il faudrait que la retrouve d'ailleurs...), et de garder en permanence une conscience précise de sa structure, de toujours savoir où l'on se trouve. A voix haute, c'est beaucoup plus simple, parce que la respiration et les intonations que l'on y met aident à ce suivi (pourquoi Flaubert hurlait-il chacune des phrases qu'il écrivait ?).

Pour certains, c'est pénible, pour d'autres c'est magnifique, ça fait partie des goûts et des couleurs... pour moi c'est la quintessence de la langue, ce genre de phrases sont des prouesses littéraires à elles toutes seules, et franchement c'est jouissif. Non ?

[Edit] Pour le plaisir :

« Mais au lieu de la simplicité, c'est le faste que je mettais au plus haut rang, si, après que j'avais forcé Françoise, qui n'en pouvait plus et disait que les jambes "lui rentraient", à faire les cent pas pendant une heure, je voyais enfin, débouchant de l'allée qui vient de la Porte Dauphine - image pour moi d'un prestige royal, d'une arrivée souveraine telle qu'aucune reine véritable n'a pu m'en donner l'impression dans la suite, parce que j'avais de leur pouvoir une notion moins vague et plus expérimentale - emportée par le vol de deux chevaux ardents, minces et contournés comme on en voit dans les dessins de Constantin Guys, portant établi sur son siège un énorme cocher fourré comme un cosaque, à côté d'un petit groom rappelant le "tigre" de "feu Baudenord", je voyais - ou plutôt je sentais imprimer sa forme dans mon coeur par une nette et épuisante blessure - une incomparable victoria, à dessein un peu haute et laissant passer à travers son luxe "dernier cri" des allusions aux formes anciennes, au fond de laquelle reposait avec abandon Mme Swann, ses cheveux maintenant blonds avec une seule mèche grise ceints d'un mince bandeau de fleurs, le plus souvent des violettes, d'où descendaient de longs voiles, à la main une ombrelle mauve, aux lèvres un sourire ambigu où je ne voyais que la bienveillance d'une Majesté et où il y avait surtout la provocation de la cocotte, et qu'elle inclinait avec douceur sur les personnes qui la saluaient. »

Marcel Proust, Du côté de chez Swann (Gallimard-1919)

Avouez qu'on a rarement fait mieux en terme de description, non ??

Avatar de Gynoïde Gynoïde Mode Lecture - Citer - 07/07/2011 22:58:36

J'ai des flash back de Bac d'un coup, là.. Langue