Le Temps des Rêves

Assis sur un petit banc gris, le visage enfoui dans sa barbe, il sourit. La maison est en ruine et il la regarde, et elle le regarde en retour, de ses yeux vitreux et brisés. La forêt les entoure, les feuilles sont tombées. Il sent quelque chose qui monte en lui, qui se tortille comme il caresse les pierres en pensée, la mousse sous ses doigts et l'odeur humide et végétale qui envahit ses narines ; autant de fils qui se tendent, de lui à elle, et le soutiennent, et l'emportent. Il se lève. Un peu raide d'abord, il tousse, et sa toux résonne contre les murs. Il tousse encore. Ça fait un mal de chien. Le vent s'engouffre dans ses poumons, le lierre prospère sur sa maison, il lui prend un souffle étrange. Petit à petit ses orteils remuent, ses pieds s'arrachent au sol, en rythme—au rythme de quoi ?—ils s'agitent, et ça le fait sourire.« M'accorderez-vous cette danse ? »

« Avec plaisir », disent les pierres et comme il tourne et claque des mains, comme il valse si bien, elles se détachent de leur voisine, et lui tendent la main. Le sol est bien loin, mais ce vieux qui danse c'est trop beau ; elles s'envolent maladroitement—quelques unes se brisent—et tourbillonnent joyeusement autour du vieillard ivre qui halète et sautille, l'air ravi que ses jambes puissent encore le porter, l'air surpris que la vie veuille bien de lui, enfin. Puis les pierres grises s'apaisent et se resserrent autour de lui, se font poudre ou bien vapeur, pénètrent entre ses rides, et lui ferment les yeux. La maison s'effondre ; il est venu à elle alors elle vient à lui, puisqu'il meurt alors elle meurt aussi, et qu'ils demeurent ensemble pour quelques siècles encore, qu'elle recouvre son corps, et qu'il repose en elle.

Je viens de finir de lire "Bilbo le hobbit" (quand il faut il faut ^^), du coup j'ai sans doute été influencée, mais j'ai imaginé un hobbit ou une de ces créature millénaire - tel Beorn ou pourquoi pas Tom Bombadil aussi - qui ont une relation particulière - viscérale, magique, fusionnelle, complémentaire ... - avec leur maison. Peut être que sans ça, j'aurais trouvé le texte un tantinet long, mais là il a bien déclenché le mécanisme de mon imaginaire. Ne manquerait-il pas un peu de verdure à la fin ? Que sont devenues les mousses et les feuilles ?

Moui c'est vrai qu'il pourrait y avoir un peu plus de verdure à la fin. D'un autre côté du coup le texte part du vert et arrive au gris, un peu comme une feuille qui devient une feuille morte, je trouveça bien aussi comme ça. Quels passages en particulier t'ont paru (ou auraient pu te paraître) trop longs ?

Et bien, à vrai dire, en relisant, je ne trouve pas de passage particulier ... Alors c'est peut être plutôt dans la structure des phrases, exemple : "Il sent quelque chose qui monte en lui, qui se tortille comme il caresse les pierres en pensée, la mousse sous ses doigts et l'odeur humide et végétale qui envahit ses narines ; autant de fils qui se tendent, de lui à elle, et le soutiennent, et l'emportent." Peut-être qu'il s'agit en fait de ces accumulations dans presque chaque phrase, qui - les phrases s'enchainant - donnent une impression de complexité et de longueur.

Mmmh pas faux... Je pense que c'est parce que j'avais une image très claire en tête (j'ai écrit ce texte sur une musique) mais que j'avais du mal à la mettre en mots, du coup j'ai pas mal reformulé ce qui peut devenir un peu lourd. Je ferais gaffe la prochaine fois !^^

Mais c'est triste en fait! Je trouve le texte compact visuellement, donc je reconnais avoir freiné des 4 fers avant de le lire. Puis je me suis laissé prendre par les lieux. J'ai revu la maison abandonnée vue lors de la randonnée à Durcet. Il y a une image qui m'a gêné mais c'est très subjectif: la pierre qui se vaporise.

j'ai été entraînée par le texte, je les trouvais juste assez long et juste assez court, et j'ai vraiment eu l'impression de danser avec le vieil homme et la maison.

Une seule chose m'a gênée : "La maison est en ruine et il la regarde, et elle le regarde en retour, de ses yeux vitreux et brisés" le dernier et rend la phrase lourd je trouve.

C'est la première fois que je te lis, mais je trouve ton écriture très fluide. Ce fut un véritable plaisir de lire ce petit texte, il est d'une grande sensibilité. Ca m'a tout de suite fait penser à l'émotion que j'ai ressentie en lisant "Le vieux qui lisait des histoires d'amour" de Luis Sepùlveda. C'est un imaginaire dans lequel je me sens bien. Merci à toi.

Merci !
C'est drôle, moi en lisant "Le vieux qui lisait des romans d'amour" je me suis plutôt senti très mal à l'aise en général, j'ai trouvé le livre intéressant mais assez dérangeant parce que l'auteur me donnait l'impression de rechercher volontairement à casser tout ce qu'il pouvait y avoir d'à première vue poétique dans l'univers du livre en insistant sur certains détails, des plus pragmatiques au plus dégoûtants, comme pour voir ce qu'il restait encore de beau une fois qu'on avait viré tout ça... Mais bon ça fait longtemps que je l'ai lu peut-être que je l'aimerais mieux si je le relisais maintenant...

J'aime !
Il gagnerait à être aéré un peu.
Personnellement, la vaporisation ne m'a pas gênée, au contraire. Et j'aime énormément la fin, l'image impromptue qui surgit. Oui, j'aime.
Il y a une fluidité dans tes écrits que j'apprécie de plus en plus. Et, au moment de la danse, le rythme est génial parce que j'ai "senti" la phrase "danser".

(mais... aère ^^)

Wouah ! Je l'avais lu il y a longtemps mais je l'ai redécouvert ! J'aime beaucoup Nani, ce mélange de douceur et de frénésie, cette fin de vie en apothéose. L'image est vraiment très belle...

Mais comme beaucoup ici, j'ai remis plusieurs fois ma lecture à plus tard à cause de l'aspect très dense du texte. J'ignore si tu peux faire des coupes dedans (tes phrases sont longues donc je ne suis pas sûre que ce soir possible) mais déjà, en sautant une ligne avant et une ligne après, ton message aurait un aspect plus aéré.

c'est chose faite !

Ne faudrait-il pas un aspect danse?
Ok je sors

J'ai quand même voulu passer un petit coup de ballet, ça fait plus propre...

Je ne sais pas si c'est le temps qui a passé ou ton coup de balais (ou les deux) mais j'adore !! Je retrouve ta plume que j'apprécie tant (un petit compliment de temps en temps ^^", on s'imprègne vraiment de l'ambiance, de l'histoire, et l'imagination part au quart de tour ...