Le Temps des Rêves

"A ceux qui voudront me rejoindre,

La maladie a décimé une grande partie de la population mondiale. Rais Jevuso, le médecin qui a trouvé le remède à cette Plaie, est devenue le leader des peuples qui ont survécu. Grâce à lui, et son gouvernement, le monde semble lavé de toutes ses peines. Plus de guerre, plus d'inquiétude. Les jours s'écoulent tranquillement et dans le bonheur paisible. Mais... je ne pourrais jamais lui pardonner, ce qu'il a fait pour en arriver là. Et ses bonnes intentions ne peuvent cacher ses erreurs. Aucune paix ne devrait s'établir sur de tels principes. Ils ne savent pas. Tous, autour de nous, ils évoluent comme des automates heureux. Béatement heureux mais incapables de voir ce qu'il leur a enlevé pour obtenir un tel résultat. Que choisir? Les laisser à leur bonheur, leur offrir cette paix qu'ils aspiraient tous? Alors révéler que ce n'est pas de leur fait qu'une telle existence est possible, mais qu'ils y ont été forcés? Oui, révéler la vérité? Quelques mots suffiront… Ces mots qui ont été passés sous silence et oubliés. Car oui, malgré tout nos efforts, Jevuso a gagné son pari. Ces mots qui nous faisaient vivre et avancer, qui faisaient que nous existions. Ces mots ont été perdus par l’humanité. Alors nous les gardons précieusement. Et il nous traque. Il nous hait. Nous sommes devenus la seule entité que les gens craignent. Nous sommes les Démons, ceux qui pensent différemment. Ceux qui voient par delà le mensonge. Ceux qui savent la vérité. Mais pour eux, nous ne sommes que des révoltés. Des monstres fous à l’esprit dérangé. Ce qu’ils ne savent pas, ce que nous vivons parmi eux. Ils nous côtoient tous les jours. Mais nous aussi, avons appris à faire semblant.
Le conseil s'est réuni. Nous avons choisi le silence. Ils ont choisis de ce taire. Je voulais tout dire. Car quelle paix y a-t-il lorsque ceux qui souffrent sont traqués et cachés ? Quelle paix y a-t-il lorsqu’elle s’appuie sur des mensonges ? Qu’elle opprime nos esprits ? Mais le conseil a choisi.
Nous accueillerons les personnes qui ont besoin d'aide et qui nous ressemblent. Celles qui auront retrouvé les mots perdus. Mais les autres, nous les laisseront vivre en paix.
Seulement Jevuso a commencé sa traque. Qui sait combien de temps nous lui échapperons ? Et tout ceux qui voudront nous rejoindre, s’il les trouve avant nous ? Nous finirons par disparaître petit à petit dans l’oublie, tel un mythe. Peut-être que pour vivre en paix, nous avons toujours besoin d’un ennemi. Et bien nous sommes les Litteris Demens, les ennemis de l’Humanité.
Et je respecterais le choix du conseil.
Cependant... il y a une personne que je ne peux me permettre de laisser en vie. Jevuso. Il a construit l'air du Rêve. En privant les Hommes de leur bien le plus précieux, il les a rendus heureux. Et ceux qui trouveront les mots sauront trouver la paix dans leur cœur, à condition qu’ils nous trouvent nous. Mais Jevuso... C'est à cause de lui que Victor est mort. Il a abattu le malheur sur ceux qui étaient chers à mon cœur. Il les a séparés, il les a volés. Et ça, je ne pourrais le pardonner. Je peux être condamné au silence. Mais mon cœur est toujours libre.
Je suis un de ses Démons qu'il craint.
Je me souviens de ce que le Monde a oublié.
Et je compte bien me venger.

Julien
"

Encore quelques efforts et elle aurait une vie normale, comme celle des autres. Une vie qui la soulagerait de toutes inquiétudes inutiles et de ces idées ridicules. Elle avait même oublié ce à quoi son esprit pensait lorsqu’elle se retrouvait seule, avant. Avant que Souji arrive. Les larmes se remirent à couler sur ses joues. Non. Elle avait presque réussi. Elle n’allait pas abandonner maintenant. Elle irait jusqu’au bout de sa décision. Elle allait mettre son petit orgueil égoïste de côté et penser aux autres. Ils voulaient une Marie souriante et attentive. Une Marie normale. Elle serait comme ça. A nouveau la douleur la pris. Elle étouffa une exclamation en se mordant les lèvres. Ses larmes redoublèrent d’intensité. Pourquoi avait-elle l’impression de se tuer ? De mourir à petit feu ? Pourquoi maintenant se révoltait-elle contre ce qu’elle était devenue ? Pourquoi ne pas l’accepter ? C’était cela qu’elle voulait ! Etre avec les autres ! Vivre avec eux !
— Et pourquoi eux n’ont pas fait d’efforts pour te comprendre et te ressembler ? Tu fais le deuil de toi-même…
— Je ne fais le deuil de rien. Je suis forte. Je vais me laver le visage, me coiffer et j’irais à l’école…
— Tu feras semblant de t’intéresser à eux, et tu t’efforceras de ne pas réfléchir à ce que toi tu veux.
— Je… je serais attentive en cours et je serais présente, pour écouter tous ceux qui me parlent…
— Tu feras semblant de t’intéresser à des sujets qui ne te touchent pas. Tu leur mentiras.
— Je rentrerais à la maison, et je ferais mes devoirs, comme tous les soirs.
— Tu t’obligeras à oublier, tu fuiras la vérité.
— Et je n’aurais plus mal, parce que je n’ai aucune raison d’avoir mal.
— Tu te mens.
— Je serais heureuse !
— Tu es vide. Sans intérêt. Ta vie est creuse.
— Je serais contente !