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Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de Wensaïlie Wensaïlie Mode Lecture - Citer - 03/02/2018 15:05:22

Hello ! Voilà un nouveau roman sur lequel je travaille et pour trouver un peu plus de courage, je pense que je vais poster des chapitres et des infos sur le sujet ici Petit Sourire

En attendant le portrait dessiné des personnages, voilà le chapitre 1. Je vous laisse lire sans contexte, et puis après les premiers retours je vous donnerais le pitch et le principe du roman Petit Sourire
Je prends les avis Petit Sourire (et les bétalectures pour les plus motivés ^^)

Bonne lecture et merci <3

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Chapitre I : Faux départ

Chloé


L’eau frémit contre les parois de verre. Un jus trouble s’écoule des rondelles de citron. De haut en bas. Des larmes de miel, ambrées, sirupeuses, s’étiolent en volutes. De bas en haut. Flamme vacillante, la bougie du réchaud s’y réfracte, infusant de la poussière d’or dans mon thé. Je salive.
Bientôt, je me servirai une tasse brûlante. Sans attendre, sans souffler, je la porterai à mes lèvres et je m’ébouillanterai la gorge. Mauvaise habitude que je cultive là. Elle a pourtant le mérite de me rasséréner.
J’ai abandonné mon dernier len contre ce petit plaisir. Il le fallait. Peu importe la chaleur estivale qui écrase Vert-Bois. Peu importe la sueur qui perle sur mes tempes, glisse dans mon dos. Peu importe la lourde cape en peau de daim sur mes épaules. Même pour un empire, je refuserai de me dévêtir. Surtout pour cet empire. De sérénité, j’ai vraiment besoin.
Le carillon d’un marchand ambulant tinte clair au milieu du chaos sonore de la rue. Je suis le vieil homme des yeux, bien à l’abri sous ma capuche. Il tire sa charrette d’un pas lent, assuré. La rue et le temps lui appartiennent. Nerveuse, je triture une de mes longues nattes brunes. Elles ne ressemblent plus à rien et sont rêches. Le marchand disparaît, avalé par les badauds qui se pressent entre les étals de fruits frais, de poteries et de tissus. Je n’avais pas remarqué… La foule a doublé depuis mon arrivée. Je me rapetisse sur mon tabouret. Le bambou tressé grince comme pour signaler à tous mon souci de discrétion. Je suis terrifiée. J’aurais dû attendre les autres à la clairière.
Se concentrer sur la théière. Ne pas réfléchir à combien je suis exposée, visible, à combien j’attire l’œil, là, assise sur le trottoir d’un bouge malpropre, à boire une infusion citron miel, emmitouflée dans un manteau de mauvaise saison. Se concentrer sur la théière. Le verre bombé fait loupe et grossit le journal que mon voisin a abandonné au coin de la table. Mes yeux tombent sur le titre de première page. Je manque de m’évanouir.
— Je… Puis-je vous l’emprunter ?
— Bien sûr, p’tite dame.
Il me tend le feuillet dans un sourire édenté. Ma question l’encourage à ouvrir la discussion. Mon silence à la terminer. Il se renfrogne et reporte son attention sur son bol de nouilles qui embaume la coriande fraiche. Il avale le bouillon à la mode des citadins, dans de grands « sluuurp » qui me révulsent.

Terreur à Vert-Bois, la menace est-elle écartée ?

Les Auras vivent encore parmi nous. Cent ans après la Grande Purge, il apparaît que certains de ces sorciers traîtres à la couronne ont survécu. Leur vile descendance infeste notre pays et se joue de l’autorité royale, cachée dans les ténèbres de nos bois.
Telle est la conclusion des inspecteurs quant aux causes de la terrible et mortelle explosion survenue à Vert-Bois la semaine passée. La communauté est sous le choc. « Mes enfants se promenaient dans les bois en toute confiance ! » s’émeut la tisseuse de l’humble bourgade. « Désormais, j’ai peur de les laisser sortir ».
L’Empereur Céleste Zi, fils du Dragon, a envoyé des renforts, menés par le Général des Hautes Chaussées Solemne. L’homme affirme « avoir abattu la colère divin sur ces bêtes ». Avec ses plus valeureux soldats, il a conduit l’attaque contre le village Aura dans la nuit d’hier. Quelques créatures auraient fui. La plus grande prudence est donc recommandée : évitez de sortir seul. Méfiez-vous des inconnus.
Voici des éléments qui vous permettront de reconnaître un Aura : iris laiteux, teint pâle, cheveux bruns, nez aplati. Ils portent de longues robes d’un blanc sale, bardées de symboles ésotériques. Si vous détenez des renseignements complémentaires, contactez le relais de police le plus proche de chez vous.


Fébrile, je referme le journal. Le papier sec craque sous mes doigts. Je perçois des regards braqués sur moi. Comme si le simple fait d’avoir lu cet article m’avait dénoncée, avait plaqué une pancarte sur mon dos : « Cette fille est suspecte ». Mon cœur s’emballe. J’aspire l’air moite par petites goulées. La bougie sous la théière a fini de se consumer. Par la Déesse, depuis combien de temps suis-je là ? Que fabriquent les autres ? Pourvu qu’ils reviennent !
Ma tête tourne. Je vais me lever brusquement. Hurler. Pleurer. La digue fragile de ma raison menace de rompre. Jusqu’à hier, j’ignorais ce que signifiait vraiment les mots « angoisse » et « peur ». A présent, mon esprit en est saturé.
Dans un effort colossal pour ne pas trembler, je me sers une tasse. J’applique la céramique réchauffée par l’infusion contre mes lèvres et m’astreins au calme. Mes yeux tombent à nouveau sur le Nouvelles des Provinces. Ma main tourne naturellement les pages jusqu’aux prédictions. Je cherche mon signe majeur entre les estampes.

Eau :
Nouvelle aube couvre les ténèbres du cauchemar ;
Tempétueux dragons d’orage marchent en soif ;
Fontaine, ton eau leur gorge non ne boira pas ;
Les clefs du cœur possèdent la vérité…


J’entends des cris. Je me lève d’un bond. Dans ma maladresse, je renverse mon tabouret. Le serveur me lance un regard mécontent mais il se désintéresse bien vite de moi. Les autres clients aussi. Tous les yeux convergent dans mon dos. Je pivote et aperçois à mon tour l’épaisse colonne de fumée noire qui s’élève à quelques blocs de là. Le cri de la trompe d’alerte déchire l’air et me pétrifie. La panique envahit la rue. Et à travers les badauds en déroute, je distingue trois visages familiers.
Marc arrive le premier. Ses longues jambes d’adolescent mal proportionné le portent à toute vitesse vers la sortie du bourg. Sans vergogne, il écarte les verts-boisiens de son chemin. Il dépasse le bouge où je me trouve sans m’accorder un regard. Typiquement lui. Typiquement insupportable.
Éon le talonne. De sa démarche souple, il esquive les citadins, se glisse entre eux comme le courant d’une rivière contourne des rochers trop imposants. Il a toujours su se faufiler. Il possède ce don, cet anonymat qui lui permet d’être partout sans jamais se faire remarquer. Plus petit, plus endurant et entraîné à la pratiques des arts martiaux, il pourrait rattraper Marc. Le devancer. Mais il se retient. Tout le monde vit dans l’ombre de Marc.
Roman arrive bon dernier. Une armada de miliciens le poursuit. Il traverse la foule avec aisance. Au lieu d’afficher l’expression concentrée d’Éon ou celle abominablement vexée de Marc, il rit aux éclats. Ses yeux pétillent de malice, des fossettes adorables creusent ses joues. Qu’on me pende si son signe mineur n’est pas celui du singe.
— Chloé !
Éon a rebroussé chemin. De la suie macule son visage, ses cheveux décolorés et ras sont piquetés de cendres… Je m’ébroue. Je m’élance. Je trébuche sur l’autel au pied du trottoir, piétine l’encens, m’empêtre dans ma robe. Éon me saisit par la taille et me soulève presque. Je glapis. Je ne m’attendais pas à tant de force.

Nous courrons. Ma respiration s’accélère. Des points noirs me brouillent la vue. Nous traversons le pont du fossé communal au moment même où l’ordre de fermer les portes retentit. Nous passons. De justesse. Les pavés bien agencés de Vert-Bois se transforment en terre battue. Le chemin s’enfonce entre les rizières, droit vers le bois.
Pourquoi je cours ? Cette pensée me frappe de plein fouet, me coupe le souffle. Si j’étais restée assise, la police impériale aurait ignoré jusqu’à mon existence.
Je m’enlise dans une flaque de boue. Éon me tire à m’en arracher le bras. Je titube. Si je sors vivante de cette course, j’offrirai la moitié de mon prochain repas à la Déesse.
J’aurai pu commencer une nouvelle vie. Oublier. Tout reconstruire aussi vite que tout avait disparu. Qu’Éon me lâche. Que ma vie cesse de déraper. Retour à un ordinaire banal et rassurant… Parfois, je me dégoûte vraiment.
Nous entrons dans le bois. Notre bois. Des oiseaux s’envolent sur notre passage. Un nuage de papillons-riz nous accueille. Nous nous enfonçons au cœur de la sylve sans marquer d’hésitation. Nous connaissons ces layons sur le bout de nos doigts. Mon souffle, erratique, résonne sous le couvert des frondaisons. La lumière s’amenuise au fil de nos foulées. Qui deviennent des pas, car je n’en peux plus.
— Est-ce… qu’ils… nous suivent ?
— Non. Avance.
Éon. L’efficacité même. Jamais un mot de trop.
Je hoche la tête, plusieurs fois pour me donner courage, me convaincre de reprendre la course. Grave erreur. La nausée, violente, revient. Mon corps m’envoie cent signaux de détresse que je ne sais pas interpréter. Je vais mourir sur place, foudroyée d’épuisement.
— Nous laissons pourtant des traces. Des empreintes, des brindilles cassées…
J’ai lu ça dans un roman de la Comtesse des Aulnes. Les livres et la mécanique, voilà mes deux spécialités. Certainement pas les records de vitesse et les performances d’endurance.
— Je m’en occupe. Avance.
Il sait que je cherche à gagner du temps. J’ai honte. Pied droit, pied gauche. Le monde oscille mais je peux y arriver. Mes chevilles se tordent à chaque racine traçante mais je peux y arriver. Je prends toutes les branches possibles dans la figure. J’avale des insectes à n’en plus finir. Ma gorge, mes poumons me brûlent. Je brûle toute entière. Je suis à bout, prête à me laisser tomber, quand nous débouchons enfin sur la clairière aux Alouettes, notre point de rendez-vous au cas où les choses tournent mal.
Et elles avaient bien mal tourné.

Ecoutez le riz, les plants de riz tendres
La rivière connaît quelques chansons de mon enfance
Que savent les nuages, les nuages de pluie dense
Permettez-moi, ô ma douce
Permettez-moi de chuchoter votre nom aux vents,
Les vents du nord secouent l’arbre tout entier
Les vents de la mousson approchent pour vous chanter
L’eau du ciel, le sang de la terre qui lavent ma forêt
Chanter, ô ma douce…
Que sait-on du vent, le vent où va-t-il ?
Il aime le fleuve Rouge, il aime son errance
Permettez-moi de vous parler de lui, de lui parler de vous.
Les vents de la mousson approchent pour vous chanter,
Pour vous, les vents de la mousson dansent,
Chanter, oh ma douce...



J’ai retrouvé mon souffle, écroulée sur un rocher. Marc est debout, plié en deux, le visage rouge. Roman est allongé à même le sol, dans l’herbe humide. Il a écarté ses bras et ses jambes en étoile. Sa poitrine se soulève de manière désordonnée. Des éclats de rire le secouent. Il n’y a vraiment que lui pour s’amuser de la situation. Éon se tient à l’écart, le regard vigilant. Il ne baisse jamais sa garde.
— Avez-vous au moins obtenu ce que nous cherchions ?
— Commence pas avec ce ton, Chloé !
Marc se redresse, furieux.
— C’est pas comme si tu t’étais investie dans l’opération ! ajoute-t-il. Alors, critique pas.
Je plisse les yeux de colère.
— Éon a une carte, intervient Roman de son timbre flûté.
— Avez-vous trouvé des vêtements ?
— J’ai réussi à piquer deux paires de bottes.
Il soulève sa tunique autrefois d’un blanc crème, à présent maculée de boue et mouchetée de suie grasse, et lance les chaussures en l’air. Une paire tombe à mes pieds, l’autre à côté d’Éon.
— Et moi ? s’insurge Marc.
— T’as les pieds trop grands. Et je pouvais pas faucher une troisième paire sans me faire choper. Les présages du temple disaient que trois serait mon chiffre porte-malheur aujourd’hui.
— D’accord, génial…
Je me mords l’intérieure de la joue. Je profite de l’excuse de laçer mes nouvelles bottes pour me baisser et cacher le rire narquois que je retiens. La semelle est épaisse, le cuir du reste de la chaussure mince et souple. Il s’agit de chaussures d’été, plutôt élégantes. Roman a eu le nez fin, elles me vont parfaitement et je les affectionne déjà. Elles m’éviteront de me tordre la cheville à chaque pas. Pas facile de jouer les aventurières quand vous avez une vue de taupe et que vos lunettes brisées gisent au milieu des cendres de votre foyer.
— Moi, j’ai réussi à prendre ça, annonce Marc.
Il dégrafe sa cape et un amas de chiffons tombe à ses pieds. J’en déplie quelques-uns. En fait, ce sont des vêtements d’enfants. Seul Roman parvient à s’en accommoder, étant le plus menu d’entre nous. Il enfile une chemise et la cintre autour de sa taille grâce à un lambeau de son ancienne robe. Sa tunique improvisée est affreusement trop serrée mais il pourra au moins passer inaperçu si nous retournons en ville. Depuis la guerre des Trois Rivières, les gamins des rues, habillés de guenilles comme lui, sont légion.
Je m’éclaircis la gorge. C’est désagréable à admettre, cependant Marc a raison : je n’ai servi à rien. Je pourrais au moins les féliciter.
— Vous avez… b… bien travaillé.
Avant d’ouvrir la bouche, j’étais persuadée d’improviser un long et exaltant discours, qui passerait des lamentations sur notre sort à l’espoir qui se dessine à l’horizon. Les mots ne me viennent pas. De sentir les yeux de mes camarades posés sur moi, mon cœur palpite et la peur noie mon esprit. Je suis un échec.
Roman me lance un sourire éblouissant puis dit malicieusement :
— Ça aurait été plus simple si Marc avait laissé de côté son ego…
La réaction, prévisible, fuse :
— T’es vraiment qu’une saleté de mioche ! On s’est mal mis avec le marchand, pas la peine d’en faire une montagne.
— La prochaine fois, tu feras taire ta stupide fierté, insiste Éon.
Son regard de neige luit de colère. Je frissonne, glacée. Une aura sauvage l’enveloppe. Il m’évoque un loup apprivoisé, qui aurait conservé tout son mordant… Je n’avai jamais vu Éon que de loin, lui et les siens se mêlant peu au reste du village. Ce que je découvre de lui me terrifie un peu plus chaque jour.
Je tente de ramener le débat à nos problèmes plus pressants :
— Que décidons-nous à pr… présent ?
Éon tire la carte volée de sa poche.
— Nous sommes ici.
Il pointe du doigt l’inscription « Vert Bois ».
— D’après sa dernière lettre, la mère de Roman est à la capitale impériale, Crépuscule.
Il tapote la carte à l’endroit correspondant. C’est à l’autre bout du royaume.
— J’ai super hâte ! s’exclame Roman.
— L’armée entière nous poursuit, le tempère Éon. Cela ne ressemblera en rien à un voyage d’agrément.
— Au moins deux semaines… estime Marc à mi-voix.
Je gémis.
— Commence pas à te plaindre, Chloé !
— Je n’ai pas ta constitution, excuse-moi !
Il me toise avec mépris. J’ai raison pourtant et ce petit égoïste devra apprendre à composer avec les forces et les faiblesses de chacun, notamment les miennes.
— Nous allons suivre cet itinéraire, explique Éon, indifférent à la dispute.
Il ramasse une pierre crayeuse puis trace un chemin sinueux sur la carte.
— Tu nous fais éviter les villes ! gronde Marc.
— Pas le choix. Nous sommes trop repérables.
— Et comment on se ravitaillera ?
— Nous trouverons de quoi subsister dans les villages. Au besoin, nous chasserons.
— Le délit de vagabondage est sé… sévèrement puni. Et le braconnage plus encore…
Ils ne m’écoutent pas et poursuivent leur débat :
— Tu sais chasser ? le cherche Marc. Moi qui pensais ta famille tout juste bonne à danser pour servir le thé…
Le visage d’Éon blêmit. Les veines de ses mains gonflent. L’insulte est de taille. La danse du thé est un rituel ancestral et sacré. Elle permet aux experts en art martiaux de prouver leur talent de manière élégante et pacifique. J’ai vu le père d’Éon la pratiquer plusieurs fois, lors de cérémonies officielles. La magnificence du geste, la fluidité des mouvements, l’élégance de la théière à bec long qui dessine dans l’air des calligraphies furtives… J’en avais toujours les larmes aux yeux.
— Moi je sais chasser ! lance Roman.
— Moi aussi, marmonne Éon.
Marc les considère avec la plus intense suspicion. À leur place, je me sentirais mortellement insultée.
— En passant par les villes, on pourra dégotter des informations plus récentes sur ta mère, signale Marc.
L’argument fait mouche. Sauf chez moi. Ils oublient un détail : nous sommes trois à encore porter nos vêtements traditionnels. Vêtements plus que reconnaissables. Sans compter la blancheur de nos yeux…
— Vo... votons, je propose.
Nous prenons des airs graves. Le silence nous enveloppe, même le chant de la forêt s’atténue. Notre dernier vote nous a conduits à Vert Bois et à la débandade de tout à l’heure…
Je saisis mes perles de choix, lovées dans la bourse autour de mon cou. Les autres m’imitent. Les billes de terre cuite roulent entre mes doigts. Elles appartenaient à ma mère. Elles sont le seul souvenir tangible d’elle que je n’aurais jamais.
Je croise le regard de Roman. Ses yeux de lait se sont liquéfiés. Les mêmes sensations nous hantent. Les plaies sont encore trop à vif. Je perçois des râles d’agonie. Des larmes glissent sur mes joues. Une odeur d’écorce brûlée...
— Votons ! répète Roman. La perle bleue pour passer par les villes. La rouge pour les éviter.
Nous nous faisons dos. Les deux billes pèsent comme du plomb dans ma paume. Je n’avais pas conscience, jusqu’à hier, des difficultés que représentent la prise d’une décision. Des responsabilités qu’entraîne chaque choix. Du courage requis pour emprunter un chemin sans savoir avec assurance où il mène… Je range la perle qui ne m’intéresse pas, presse l’autre au creux de ma main et me retourne. Roman se tient face à moi, déjà décidé. Marc aussi. Éon nous rejoint quelques secondes plus tard. Mon sang pulse trop brutalement dans mes veines. J’en ai mal à la tête.
— Ouvrez vos mains ! exige Roman.
Bleu pour Marc, sans surprise. Bleu pour Roman et Éon aussi. J’ai voté rouge.
— Comme le veut la coutume, la minorité l’emporte. Nous éviterons les villes, conclut notre cadet.
Il m’adresse un sourire rassurant. Je le remercie. Il me fait un clin d’œil. Il savait que je voterais rouge. J’ai envie de le sermonner : nous devons voter selon notre cœur, sinon l’intérêt n’y est plus. Mais s’il n’avait pas triché, nous nous dirigerions vers la prochaine ville – et notre fin – avec un Marc plastronnant en tête de file. Le jeune blanc-bec, d’ailleurs, s’éloigne en maugréant avec humeur.
Et à peine est-il hors de vue qu’un boucan d’enfer retentit. Grincements du métal contre le métal, apocalypse d’une farandole de casseroles qui s’entrechoquent, clochettes affolées qui tintinnabulent… Rien ne manque.
— Qu… qu’est-ce que c’est ?
Je n’ai pas pu m’en empêcher. Ni Roman ni Éon ne peuvent répondre à cette question, je le sais, mais j’ai au moins évacué un peu de la terreur mordante qui m’a saisie.
Je sens la tuile arriver. Encore.


Avatar de naniquolas naniquolas Mode Lecture - Citer - 13/02/2018 15:40:58

Noooon j'avais fait un avis bien détaillé et j'ai tout perdu T.T

Du coup je vais essayer d'être plus synthétique (et peut-être plus efficace) :

-Pour moi tu fais le job : tu lèves un coin de voile sur un univers intriguant (notamment la société des auras qui semble très particulière - j'aime l'idée du vote à la minorité même si effectivement c'est très manipulable), tu poses bien tes personnages avec des traits clairs qui les démarquent chacun par rapport aux autres (j'aurais juste aimé mieux deviner leur âge, même s'ils ont l'air jeunes), tu nous fait rentrer direct dans l'action avec des héros en difficulté, et un petit cliffhanger pour couronner le tout.

-J'aurais aimé qu'un des héros au moins paraisse plus en danger, qu'on frissonne un peu, qu'on ait peur pour lui. Finalement ils s'en sortent sans plus de difficultés qu'une simple course-poursuite, alors que l'intro nous laissait présager d'une résolution plus palpitante ou compliquée (une fille seule au milieu d'une ville ennemie, ses amis étant eux même dans une opération risquée quelque part et qui risquent de ne pas revenir)

-Quelques petits problèmes de clarté (mais c'est peut-être moi) : pour l'image de début j'ai eu un peu de mal à la suivre, et pour la gestion de l'espace ("sur le trottoir d'un bouge" me paraît insuffisant pour bien la situer dans la rue, j'ai du mal aussi à visualiser la taille de la ville, ou par exemple la transition Chloé dans les bras d'un autre / Chloé courant), mais rien de bien méchant

-Ma principale remarque c'est une sensation hétérogénéité dans le style, avec pas mal de décalages (j'ai eu des difficultés à mettre le doigt sur ce qui me gênait) :
--> première image très riche, ciselée, poétique (voire un peu trop tout ça à mon goût), parfois d'assez longues phrases soutenues ("Dans un effort colossal pour ne pas trembler, je me sers une tasse. J’applique la céramique réchauffée par l’infusion contre mes lèvres et m’astreins au calme" ) et d'autres fois un style plus libre, plus oral ("Typiquement lui. Typiquement insupportable" ).
-->De manière générale je trouve que tu utilises trop souvent les enchaînements de phrases courtes (par exemple "Il m’adresse un sourire rassurant. Je le remercie. Il me fait un clin d’œil. Il savait que je voterais rouge." ou "Ma tête tourne. Je vais me lever brusquement. Hurler. Pleurer" ), même si c'est souvent assez efficace.
-->Je pense que cette impression de décalage vient aussi de celui entre la narration plutôt soutenue de Chloé par rapport au ton très spontané de certaines répliques ("Critique pas", "J'ai super hâte" ). Peut-être aussi du décalage entre le registre plutôt familier de Roman et Marc et le langage châtié de Chloé et Eon. Chloé elle-même a parfois de grands écarts dans sa narration (cf la phrase sur la céramique vs "pas facile de jouer les aventurières quand vous avez une vue de taupe" [ok j'ai tronqué la citation)
-->Quelques bizarreries dans l'utilisation du vocabulaire (par ailleurs bienvenu dans sa richesse, on sent que c'est travaillé) m'ont aussi fait tiquer : le mot "bouge" deux fois, l'utilisation deux fois aussi du verbe "percevoir", Marc "plastronnant" en tête de file... Par petites touches ça contraste avec la fluidité très agréable de certaines de tes phrases.

En tout cas ça m'a plutôt bien donné envie de lire la suite ! (mais je sais que j'aurais pas le temps T.T)

Bon courage pour ce gros projet !

Avatar de Wensaïlie Wensaïlie Mode Lecture - Citer - 30/03/2018 14:45:06

Hééé mais j'avais pas vu ces retours ^^ Merci <3 j'ai déjà bien retravaillé ce chapitre, je vais y intégrer tes remarques.