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Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de Hedera Hedera Mode Lecture - Citer - 29/03/2016 17:09:42

Ils m'ont dit garde-toi de chanter
La musique nous détourne de Dieu
Alors mon corps s'est fait son instrument
J'ai tendu des cordes en travers de ma gorge
Logé deux flûtes dans mes poumons et en marchant
Je jouais de la route comme d'un tambour

Ils m'ont dit ne découvre pas ton corps
Une peau que l'on voit est une offense à Dieu
Et je suis allé nu sous les cieux qui m'ont fait
Riant et pleurant exhibant ma chair tendre
Les lignes pâles sur mon dos les brûlures sur mon torse
Et les plaies toutes vives dans le creux de mes paumes

Ils m'ont dit joins les mains baisse la tête
Il n'y a qu'une seule manière de prier Dieu
Mais tout est oraison le soleil sur mon visage
Les cals sur mes pieds la poussière dans mes cheveux
Je n'ai pas à me morfondre dans leurs mots
Quand je brûle déjà d'amour et de chagrin

Ils m'ont dit à genoux et renonce
On ne vit pas ainsi quand on respecte Dieu
Ton sang nous le ferons couler ce sera une offrande
Ils m'ont dit tu as mal mais quand tu seras mort
Tu souffriras bien plus de ce que tu as fait
Gémissant pour toujours prisonnier des abîmes

Et moi je leur ai dit mon cœur est un oiseau
Un pauvre passereau qu'on a pris et qui meurt
Les yeux déjà ternis la poitrine haletante
Je volais loin de vous vous m'avez mis à terre
Vous m'avez arraché le bec vous m'avez enflammé les ailes
Mais dans mon dernier chant, il y aura tous vos livres.

Avatar de Zinzolin Zinzolin Mode Lecture - Citer - 20/08/2016 09:31:33

J'ai adoré la forme de ce texte et le message de révolte. Comme d'habitude, ton style a un souffle et une élégance qui me prennent aux tripes.

J'ai simplement, pour une fois, du mal avec la chute, les trois derniers vers. Les deux premiers me paraissent un peu des clichés du genre, je ne sais pas trop pourquoi et le dernier, j'adore l'image mais je crois que je ne la comprends pas. Je pensais que le narrateur reniait les livres des gens d'Eglise alors pourquoi les mettre dans son dernier chant ? Je crois que le sens qu tu donnes à ta chute m'échappe en fait.

Avatar de naniquolas naniquolas Mode Lecture - Citer - 22/08/2016 10:25:09

J'aime beaucoup la force de ce texte ! La chute ne m'avait pas gêné mais en la relisant c'est vrai que les deux avant-derniers vers (ça ne se dit probablement pas mais bon^^) sont un peu attendus. En fait ton texte m'évoque furieusement celui-ci :

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Le poète

à Federico Garcia Lorca

On l'a emprisonné
Et on lui a dit de parler.
Alors il a chanté
Une chanson avec un seul mot.
Ils se sont sentis méprisés,
Ils lui ont dit "salaud".
Après l'avoir insulté, ils l'ont frappé.
Il a continué à chanter,
Alors ils l'ont torturé.
La mâchoire brisée.
Il ne pouvait plus parler.
Il a siffloté : ils l'ont bâillonné.
Alors ses yeux ont chanté,
Ils l'ont aveuglé.
Il n'avait plus d'utilité,
Alors ils l'ont tué.
Mais de sa poitrine transpercée
un oiseau s'est envolé.
Et l'oiseau a chanté
La même chanson avec un seul mot
Liberté !

de Jean-Paul Sermonte


Mais tu as apporté une ambiance différente, qui me plaît bien.
J'ai beaucoup aimé le dernier vers. Pour ma part j'y ai vu ce sens :" mon dernier chant dira bien plus que tout ce que vous pourrez jamais dire dans tous vos livres réunis"

Avatar de Hedera Hedera Mode Lecture - Citer - 24/08/2016 23:50:35

Roooh merci pour vos commentaires et vos indications (j'avais croisé ce texte, nani, mais je l'avais totalement oublié ! - il est vrai que j'ai puisé dans un fond d'images et d'idées qui remontent au moins, pfff ! au déluge ! Il y avait du Maurice Carême, je me souviens bien, et aussi un poète hébreu (Ibn Ezra ? j'ai un gros doute) qui comparait sa vie vide de sens à un oiseau suspendu en plein vol, mais le texte de départ n'avait rien de religieux ^^).
Pour le dernier vers : en effet l'interprétation de nani est la bonne ( ^^ ), il s'agit d'aller plus loin que ce que disent les livres ; par ailleurs le "narrateur" (on dit ça en poésie ? ) ne rejette pas fondamentalement les livres saints, mais plus l'interprétation qui en est faite et les règles qu'on en a tiré, parfois arbitrairement. Il s'agit de défendre une approche plus sensitive et moins normée de la religion, qui s'appuie sur le même fonds mais qui est infiniment plus libre : comme ces mystiques médiévaux, parfois incompris, "jongleurs de Dieu" ou derviches errants...
( Ce soir, c'est théologie portative chez Hedera !! )
Bref, je garde vos remarques dans un coin pour modifier les deux vers en question et si j'aime le phrasé du dernier, je reconnais - avec zinzo - qu'il peut être interprété de différentes façons !