Wensaïlie Mode Lecture - Citer - 26/12/2013 17:48:48
(pleeeein de belles fautes je suis vraiment désolée, je les corrigerais dans trois ans, quand je pourrais vraiment relire ces textes - c'est à dire quand j'aurais oublié le mot pour mot XD)
D'après Wen
Spoiler - Afficher
Cachée derrière les feuillages, Wen scrutait les environs avec attention. Sa cachette était simple mais efficace. Ils la trouveraient en dernière. Elle retint un rire ravi pour ne pas trahir sa présence. Depuis qu’elle avait appris à cacher ses pensées, même les grands avaient du mal à la trouver. C’était amusant de les voir chercher dans toute l’aire de jeu ! Excitant aussi. Son cœur battait la chamade. Et si un des chercheurs se faufilaient dans son dos et la surprenait sans qu’elle s’y attende ? Un frisson la parcouru. De plaisir et de peur à la fois. C’était la troisième partie de l’après midi. Dans le classement, elle se trouvait pour l’instant dans les dix premiers et elle entendait bien le rester ! Pour cela une seule solution, comme elle n’était pas celle qui courait le plus vite : bien se cacher et gagner du temps ainsi.
Une branche en contrebas s’agita. Wen perçut un léger murmure dans l’air. Un bourdonnement léger emplit son esprit tandis que son cœur accélérait encore. Sa cachette était-elle compromise ? Ou bien était-ce un oiseau ? Ou un chercheur passait sous elle mais ne l’avait pas remarquée... Elle serra une feuille entre ses doigts. Impossible de savoir ! Qu’est-ce que c’était frustrant ! Il fallait pourtant prendre une décision. Partir ou rester ? Ses jambes la démangeaient. Elle devait fuir, elle sentait son corps tendu, prêt pour la course. N’était-ce pas la peur et un instinct purement animal qui la poussait à vouloir courir ? Elle devait garder l’esprit clair… Un autre mouvement attira son attention. Elle laissa ses oreilles pointues s’orient légèrement en arrière, pour mieux écouter. Le bruissement des feuilles, le chant des oiseaux n’avaient pas changé… mais n’importe quel bon chasseur savait cacher sa présence ! Se laissant porter par son instinct, la petite Princesse se replia sur elle-même, prête à bondir au moindre signe de danger. Elle pouvait gagner cette partie, elle le sentait. Cela faisait longtemps qu’elle patientait là, allongée sur sa branche. Elle devait bien être la dernière à trouver…
Un craquement sec dans son dos lui fit perdre le peu de calme qu’elle était parvenu à conserver et, suite à une vague de terreur qui déferla en elle, elle ne put se retenir de sauter sur la branche inférieure. Peut-être qu’elle se trompait en agissant ainsi ! Impossible de savoir, c’était bien l’intérêt du jeu et ce qui faisait que l’on s’y impliquait si facilement. Wen oublia tous ses doutes et dévala le tronc en sautant de branches en branches. Elle ne put s’empêcher de regarder derrière elle… Zut ! Personne ne la suivait. Que faire ? Continuer à courir ou se cacher à nouveau ? Ses mouvements avaient peut-être attiré les chercheurs…
— Trouvée !
La Princesse cria de terreur en voyant apparaître un de ses aînés devant elle. Deux autres firent leur apparition à travers le feuillage d’un vieux chêne. Le cri de Wen passa de la peur au défi, puis se transforma en rire. Elle fit un demi-tour acrobatique, esquiva la main de Rithan qui faillit l’attraper et se laissa tomber dans le vide. Elle retint l’adrénaline qui menaçait de la faire paniquer et attrapa, au dernier moment, une branche plutôt fine du grand boulot qui se trouvait là. La branche plia et amortit sa chute avec légèreté. La Princesse lâcha la branche et tomba doucement sur le tapis de mousse qui se trouvait là. Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Rithan et les autres la talonnaient ! Sans perdre un instant, elle se releva et courut. Elle voulait vraiment gagner cette partie ! D’en haut vinrent des cris d’encouragements. Ces amis la soutenaient. Elle représentait leur honneur ! Si elle s’en sortait, alors ils pourraient ce moquer des grands et leur jouer des tours. Ce serait amusant. Elle accéléra le pas. Un décompte se fit entendre dans les frondaisons. Elle devait tenir jusqu’à la fin. Elle pouvait y arriver ! Elle entendit Rithan l’appeler. Ça ne marcherait pas, elle ne se retournerait pas ! Elle sauta par-dessus le tronc d’un arbre qui s’était allongé sur le chemin lors de la dernière tempête. Ses adversaires n’étaient pas encore assez proches pour qu’elle puisse faire quoi que ce soit pour ralentir leur course… mieux valait courir. Elle aurait pu plier une branche et espérer qu’ils ne parviennent pas à l’éviter… Elle quitta brusquement le sentier. Sans cesser de courir, elle allégea son pas et se fit discrète, comme tout Elfe savait le faire. Elle se remémora rapidement les conseils de son père. Elle se faufila à travers la végétation épaisse de la forêt en évitant de casser les branches, effleurant à peine les feuilles. Par terre, ses pieds se firent si légers que ses traces s’effacèrent peu à peu. Elle rit de bon cœur, heureuse d’utiliser cette technique dans une partie de Chercheurs. Elle était plus discrète qu’un Dolinge !
— Quelque chose t’amuse Wen ? se moqua Rithan en se plantant devant elle.
— Je passe ! s’exclama-t-elle.
Comment avait-il fait pour la rattraper ?
Il éclata de rire et se pencha légèrement, bras écartés, prêt à la cueillir.
— Je ne crois pas, se moqua-t-il.
Un sourire malin aux lèvres, Wen dévia sa course et se laissa tomber dans un buisson de baies rouges. Elle fit une galipette vers l’arrière et se réceptionna plus ou moins adroitement. Rithan était déjà là. Le compte à rebours n’était pas fini. Elle devait tenir encore quelques centiles… Elle ne put s’empêcher de crier lorsqu’elle évita Rithan. Nuinen se plaça derrière elle pour la prendre en étau mais elle parvint à esquiver de justesse et s’enfonça dans les buissons. Elle connaissait ces buissons, ils annonçaient le Grand Chemin, celui qui menait du fleuve à Lucialës. Ce n’était pas un choix stratégique prudent, mais elle avait depuis longtemps cessé de réfléchir et son corps n’était concentré que sur une tâche : échapper à ses aînés. Elle se faufila entre les buissons. En haut, ses amis comptaient toujours. Elle entendit les grands l’appeler et la menacer de la pire des tortures – manger un bol de gelée d’herbe entier – si elle ne se rendait pas avant le compte à rebours. Elle retint un haut-le-cœur à l’idée de la gelée verte qu’on servait souvent en dessert au palais.
— Ne te laisse pas avoir Wen ! s’exclama Vanakil. On partagera !
— Je ne veux pas !
Elle avisa la route en face d’elle. Son cœur battait à tout rompre. Elle pouvait continuer à courir, désormais ce n’était plus qu’une question de fractions de centile. Si elle allait sur la route, elle gagnait.
Ou bien elle pouvait s’arrêter et se rendre. La gelée d’herbe…
— Wen ! s’exclama Vanakil.
Elle leva la tête, il était perché sur la branche d’un chêne, à quelques pas.
— Ne te laisse pas avoir ! On compte tous sur toi !
— Mais je ne veux pas manger…
Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase, Rithan et Nuinen se jetaient sur elle. Elle poussa un cri de surprise et se prit les pieds dans une racine. Bascula en arrière. Les fines branches du buisson qui amortit sa chute lui griffèrent les mains et les joues. Les deux garçons tendirent leur main pour la retenir mais, dans un sursaut de volonté compétitive, elle ramena ses bras le long de son corps et se laissa glisser sur le Grand Chemin. Un nuage de poussière se souleva dans sa chute. Le compte à rebours résonnait dans les airs. Des cris dans les fourrés alentours retentissaient, des prénoms qu’on appelait, on cherchait son équipe. La fin du jeu était proche, Wen allait gagner ! La Princesse se retourna, prête à courir. Elle voyait déjà les cheveux bruns clairs de Nuinen approcher. Il la rejoindrait sur la route…
— Attention !
Avant qu’elle n’ait pu comprendre l’avertissement, crié par un adulte, Wen se précipita dans les bras d’un jeune garçon qui se trouvait face à elle. Emportés par son élan, ils perdirent tous deux l’équilibre et ils s’écroulèrent.
— Je suis désolée, souffla Wen en se redressant. Ça va ?
Il la regardait avec de grands yeux. Avait-elle quelque chose sur le visage ? Ou bien avait-il peur ? Elle s’écarta et lui tendit une main pour l’aider à se relever. Elle étudia rapidement le convoi qu’elle venait de rencontrer. A leurs habits, il s’agissait des Elfes de Mirîle ! Wen sautilla de joie en se rappelant qu’ils devaient venir aujourd’hui pour la fête des Sons.
Le garçon lui prit la main et se releva. Un adulte aux cheveux blonds, courts, et au regard anxieux s’était approché pour vérifier que tout allait bien. Quelques autres hésitaient à démonter pour s’enquérir de ce qu’il se passait.
— Pardon, pardon, ça va ? répétait Wen.
Elle sentait une légère panique monter en elle. Pourquoi avaient-ils tous l’air si concerné par leur chute ? Ils n’étaient pas tombés fort ! Peut-être que le garçon qu’elle avait cogné était de nature fragile. Est-ce qu’il allait bien ?
— Oui, oui ça va ! s’exclama-t-il.
Il avait l’air à la fois perdu et en colère. Il chassa distraitement l’Elfe blond pour lui signifier de le laisser tranquille. Elle remarqua qu’il était plus âgé qu’elle, peut-être de quelques années. Ses yeux balayaient les alentours du regard, comme s’il avait perdu quelque chose.
— Wen, tu es prise ! s’exclama Nuinen en sortant des buissons.
Incapable d’accepter de se faire prendre mais réticente à l’idée d’abandonner le garçon qu’elle venait de bousculer, la Princesse reste figée.
Rithan rejoignit Nuinen et posa sa main sur l’épaule de son camarade pour lui dire d’attendre. Ils étudièrent la situation avec une grande indécision. Le compte à rebours allait se finir d’un instant à l’autre, mais il serait grandement impoli de continuer le jeu devant les invités… Wen profita de cet instant pour s’écarter du garçon qu’elle avait entraîné dans sa chute et creuser l’écart entre les chercheurs et elle. Elle recula prudemment. Ses aînés l’assassinaient du regard… Elle déglutit. La gelée d’herbe, elle la voyait dans leurs yeux… mais Vanakil et les autres comptaient sur elle ! Nuinen esquissa un mouvement en sa direction. Autour d’eux, les adultes riaient de la rencontre malheureuse et se détendaient. Même le garçon qu’elle avait fait tomber semblait prendre plaisir au jeu.
— Wen… la menaça Rithan.
— La Princesse meurt mais ne se rend pas ! s’exclamèrent les amis de Wen, qui avaient rejoint les aînés et s’accrochaient à leurs bras et leurs jambes pour les empêcher d’avancer.
Les adultes alentours s’amusèrent du revirement de situation. Wen sourit timidement pour remercier ses amis et continua à reculer prudemment. Orun avait échappé à la vigilance des membres de son équipe. Il contournait l’affrontement général pour la saisir.
— Le compte à rebours est terminé ! s’exclama Wen.
Elle avait le souffle cours et des larmes lui montaient aux yeux. Contrecoup de l’effort de la course et de sa rencontre un peu brusque avec le garçon de Mirîle.
— Justement, une promesse est une promesse… la tança Orun.
— Je ne veux pas de votre…
Elle fit un pas de plus en arrière. Croisa le regard terrifié du jeune homme qu’elle avait poussé. Il avait l’air d’avoir mal. Elle porta sa main à sa poitrine. Elle aussi avait mal. Elle ne put finir sa phrase tant le souffle lui manquait. Sa vue se brouilla. De larmes. La panique s’empara d’elle et elle se laissa aller aux sanglots, sans réellement comprendre ce qu’il se passait. Elle entendit quelqu’un crier son prénom. Et celui de quelqu’un d’autre. Un voile noir s’abattit devant ses yeux et le sol se déroba sous ses pieds.
Le léger grincement de la porte la réveilla. Une seule porte dans le palais grinçait ainsi. Celle de la salle de Soins. Dans une mi-inconscience, elle perçut des gens entrer dans la salle. Wen reconnut le pas de son père. Il y avait deux autres personnes avec lui.
— Comment vont-ils ? s’inquiéta Mil.
— Aucun souci à vous faire pour eux, mes seigneurs.
C’était la voix du Soigneur du palais.
— Au contraire, marmonna Mil, je pressens que ce n’est que le début à de nombreux problèmes !
Wen garda un masque impassible sur son visage mais son cœur se serra. Son père semblait contrarié. Avait-elle fait quelque chose de mal ? Elle percevait une autre respiration tranquille dans la pièce, le garçon de Mirîle se trouvait là sans doute. Etait-il malade ou blessé ? Allaient-ils avoir des problèmes à cause des parents du jeune homme ? Elle jugula la peur. Elle ne voulait pas que les adultes sachent qu’elle était réveillée.
— Mil, tu ne prêtes attentions qu’au côté sombre de…
— Je sais. Je sais, s’agaça le roi des Elfes.
La deuxième personne qui accompagnait Mil était inconnue à Wen. Raison de plus pour rester endormie. Si elle avait fait une bêtise, elle ne voulait pas se faire disputer devant des inconnus – elle ne voulait pas se faire disputer tout court d’ailleurs.
Il n’y a aucune raison qu’on te dispute, murmura une voix dans son esprit. Peut-être, mais prudence était mère de raison.
— Lorsqu’ils seront grands, tu souriras de le voir ensemble, dit l’adulte inconnu d’un ton joyeux.
— Quelle réaction violente, murmura Mil.
— Au vu de ce qui attend ta fille, c’est peut-être mieux qu’elle ait un tel ami dès maintenant. Les Sept ne nous oublient pas, tu vois ! Ils savent encore ce qui est bon pour cette île.
Wen dut faire un effort pour ne pas rire. Elle ne comprenait pas la moitié de la discussion mais elle savait que son père était vraiment sceptique quant au rôle des Sept sur Codée. Un argument comme celui-ci ne risquait pas de le remettre de bonne humeur. Le Soigneur reprit la parole :
— J’ai déjà vu des couples réagir ainsi. Ce n’est pas si exceptionnel que cela. A présent sortons, ils ont besoin de repos et nous risquons de les réveiller.
Les trois adultes sortirent. Mil et l’Elfe inconnu qui l’accompagnait continuèrent à discourir de l’incident, en baissant la voix cependant pour que les personnes présentes dans la yola ne les entendent pas.
Wen compta les centiles. Elle voulait être sûre que les adultes soient loin avant de se relever.
— Pourquoi tu as fait semblant de dormir ?
Elle se tourna. La salle des soins était petite et rectangulaire. Au fond de la salle se trouvait un bureau, pour le Soigneur, et une grande armoire pour ranger les soins les plus utilisés. Sur le mur de droite, deux lits étaient installés, sur celui du gauche, un seul leur faisait face. Wen se trouvait dans le premier lit à l’entrée. Le garçon de Mirîle dans celui en face.
— Tu as aussi fait semblant de dormir non ?
— Parce que toi, tu le faisais. Je pensais qu’il ne fallait pas se réveiller.
— Ils allaient peut-être nous gronder.
— Je t’ai dit qu’il n’y avait pas de raisons pour qu’ils nous grondent. Pourquoi ils nous disputeraient ?
— Peut-être pas toi. Mais moi…
— C’est vrai que tu aurais pu faire plus attention…
Wen rougit. Elle n’avait pas pour habitude d’être maladroite et cet accident lui pesait. Ses amis se moqueraient sans doute d’elle pendant longtemps !
— Enfin, ils ne vont pas te gronder pour ça ! Tu jouais, c’était normal.
— Mon père n’avait pas l’air content.
— Mon père a dit que ton père, en ce moment, n’était jamais content.
Wen fit la moue, c’était bien vrai. Comment cet étranger pouvait-il le savoir ?
Par la petite fenêtre au dessus du bureau du Soigneur, une lumière tamisée entrait dans la pièce. Wen adorait cette mi-pénombre. Celui lui rappelait ses après-midis qu’elle passait au palais quelques années auparavant. Quand la nourrice du palais l’obligeait à faire la sieste. Avant, elle râlait tout le temps. Maintenant, elle adorait poser sa tête sur son oreiller. D’ailleurs, si elle n’avait pas ressenti le besoin pressent d’aller sur l’aire de jeu, elle serait bien restée allongée là. Elle se sentit impatiente de quitter la pièce et rejoindre ses amis en ville – elle n’avait pas dû dormir longtemps, les parties de chercheurs ne devaient pas être terminées !
Wen se tordit un peu le coup pour observer le garçon allongeait dans le lit en face. Il l’observait aussi. Ses yeux étaient d’un brun clair, qui rappelait le caramel ou le miel produit par les villages frontières et que les cuisiniers ne sortaient que pour les grandes occasions. Ses cheveux étaient d’une teinte semblable, brune tirant légèrement vers un roux doré. Il avait un visage fin pour un garçon de son âge – quel âge avait-il ? Il semblait à la fois intimidé et ennuyé de se trouver ici. Wen se souvint des expressions qu’elle lui avait vues, avant qu’elle ne s’évanouisse. Elle y avait aussi lu deux émotions contraires à chaque fois. Comment cela se pouvait-il ?
— Je m’appelle Wen, dit-elle. J’ai six ans.
— Ehl, j’ai huit ans.
— Tu as l’air plus vieux !
— Je ne grandis pas vite, répondit-il en se cachant sous ses draps.
Wen se releva, la bouche pincée. Visiblement elle venait de gêner son nouvel ami.
— Tu veux venir en ville avec moi ? lui proposa-t-elle.
— Il ne faut pas qu’on reste ici ? Le Soigneur a dit qu’on devait se reposer !
— Je me sens très reposée.
— On s’est évanoui ! insista Ehl en sortant la tête de ses draps. C’est grave.
— Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, avoua Wen. Mais ce n’est pas grave, le Soigneur a dit qu’on allait bien.
Elle se leva et vint s’asseoir sur le lit de son nouvel ami.
— C’est la première fois que tu viens à Lucialës ? demanda-t-elle.
— Non.
— On s’est déjà rencontré ? Ton visage me rappelle…
— Non, répondit Ehl.
Il avait hésité avant de répondre. Wen fronça les sourcils.
— Je suis venu le jour de ta naissance, avoua Ehl, incapable de soutenir le regarde de la Princesse. Alors on s’est déjà… vu.
Wen sourit, ravie de la coïncidence.
— Ton père est Naïus, n’est-ce pas ? déduit-elle.
— Oui. C’est le meilleur ami de ton père.
— Je sais.
Elle fit une moue déçue avant de reprendre :
— Je ne suis jamais là lorsqu’il vient alors je n’ai pas vraiment eu l’occasion faire sa connaissance encore.
— On peut y aller si tu veux…
— Non, ils doivent être en train de discuter… allons jouer plutôt !
— On va nous voir si on sort de la salle des Soins, répondit Ehl d’un ton un peu plaintif.
— Tu as peur ? le taquina Wen.
— Tu es trop insouciante ! se défendit-il.
— Lève-toi, lui ordonna-t-elle. Voilà. Tu as mal à la tête ?
Elle posa sa main sur le front de son ami.
— Tu n’as pas de fièvre, diagnostiqua-t-elle avec sérieux.
— Tu n’es pas docteur, marmonna-t-il.
— Debout sur vos jambes monsieur le Scribe ! insista-t-elle.
Il obéit avec une certaine gêne.
— La tête qui tourne ?
— Non.
— Mal au ventre ?
— Non, mais…
— Alors allons-y !
Wen se dirigea vers le bureau du Soigneur. Elle entendit Ehl soupirer dans son dos. Puis retenir sa respiration. Elle rit silencieusement, il croyait qu’elle voulait sortir par la fenêtre ! Elle ne prit pas la peine de l’effrayer plus. Elle se dirigea à l’angle de la pièce et appuya contre une pierre, légèrement rentrée dans le mur.
— Passage secret ! s’exclama-t-elle joyeuse. Allez, viens !
— Les adultes ne vont pas…
— Ils ont l’habitude, s’impatienta Wen.
Sans plus attendre, elle passa l’ouverture du passage secret et s’enfonça dans les ténèbres. Ses yeux s’accoutumèrent rapidement à l’obscurité et bientôt elle put avancer dans le tunnel comme s’il avait été éclairé correctement.
— Attends ! s’exclama Ehl.
Sa voix résonna entre les murs du passage. Wen entendit le mur de la salle de Soins se refermer. Le souffle légèrement angoissé de son ami. Il l’avait donc suivie !
— Vous, les ithilîliens, vous êtes des sauvages, murmura-t-il en la rejoignant.
Il s’agrippa fermement à la tunique de la Princesse. Wen s’amusa de sentir la respiration paniquée d’Ehl dans son cou.
— C’est méchant.
— Vous bousculez vos invités, vous désobéissez…
— On ne nous a pas ordonné de rester dans la salle des Soins, se défendit Wen.
—… et comment fais-tu pour avancer sans te cogner partout !
Wen se retourna et le considéra avec surprise.
— Tu ne vois pas ?
— Sans doute mieux qu’un Humain s’il avait été là, mais pas assez pour avancer aussi vite que tu ne l’as fait !
— Ca ne fait pas de nous des sauvages, grogna Wen en reprenant son chemin.
Désolé.
Si Ehl avait parlé, c’était si bas qu’elle douta avoir réellement entendu ses excuses.
Quelques centiles plus tard, ils retrouvaient les camarades de jeu de Wen. Malheureusement, la partie avait été écourtée. Mil avait grondé les aînés et leur avait demandé d’être plus attentifs à l’étendu de leur terrain de jeu. L’accident d’aujourd’hui n’était pas grave, mais ça aurait pu mal tourner – si Wen avait affolé les chevaux de la caravane par exemple ? Et ce n’était pas une façon d’accueillir les invités !
De toute façon, les jeunes Elfes avaient à présent d’autres activités à se charger. Ils participaient activement à la décoration de la ville pour la fête des Sons. Wen présenta Ehl à ses amis les plus proches : Vanakil et Liada. Le premier, grand, élancé, aux cheveux d’un blond tirant vers le blanc, sembla tout de suite apprécier Ehl. Liada se montra plus réservée. Avec ses grands yeux clairs et son visage rond, elle se contenta de sourire timidement au garçon de Mirîle pour lui souhaiter la bienvenue.
Liada et Vanakil avaient été chargé de seconder un groupe de musiciens venus des frontières. Wen leur demanda la permission de se joindre à eux et Ehl fut enrôlé aussi. Mais il ne se plaint pas et participa avec plaisir aux activités de ses nouveaux amis. L’après midi passa dans les rires et la bonne humeur, l’accident du début de la matinée oublié. Vers le huitième décile solaire, les autres enfants et adolescents de Mirîle vinrent en ville pour visiter les lieux et observer les préparatifs de la fête. L’adulte qui les surveillait aperçut Ehl et lui demanda de les rejoindre.
— Naïus le cherchait ? demanda Wen, un air innocent sur le visage.
— Non, répondit l’Elfe adulte, surpris.
Consciente de mettre leur invité mal à l’aise et de la tournure qu’aurait pu prendre la conversation, Wen n’insista pas. Elle se contenta de couler un regard presque hautain à Ehl.
Tu vois ? se moqua-t-elle intérieurement. Aucun problème.
Il leva les yeux au ciel mais contredit ce mouvement d’humeur par un sourire qui fit chaud au cœur à la jeune Elfe. Elle le salua de la main alors qu’il s’éloignait avec ses compatriotes pour continuer leur visite.
Le soir, Mil annonça que Naïus et ses invités resteraient jusqu’au lendemain. Les aînés murmurèrent en apprenant cela. C’était rare que le Maître Scribe Dominus change ses plans. Il avait dû se passer quelque chose ! Lorsque Wen entra dans la yola, elle trouva ses amis tout excités de cette rumeur et elle partagea leur curiosité. Elle chercha des yeux si Ehl était là. Il saurait ce que cela signifiait lui. Mais elle ne le vit pas. Déçue, elle se rendit aux cheminées avec Vanakil. Liada était partie aux cuisines chiper de quoi se restaurer. Elle n’avait pas le courage d’attendre que le repas soit servit.
— Quelle journée, soupira Vanakil en s’écroulant sur les coussins moelleux.
Wen lui répondit d’un sourire un peu absent, elle aurait bien aimé revoir Ehl quand même ! Elle s’assit à son tour et son regard se perdit dans l’admiration des flammes naissantes de la cheminée. Vanakil lui tendit une de ses couvertures favorites.
— Ah non ! se vexa-t-elle. On n’a même pas encore mangé !
Vanakil jeta la couverture sur ses épaules et la frictionna avec en riant.
— N’avez-vous pas sommeil Princesse ? insista-t-il.
Elle se défendit en riant. Elle avait le sommeil lourd, c’était vrai. Et elle dormait plus que les autres Elfes de son âge. Vanakil avait toujours aimé la taquinait à se propos. Quand les aînés et les autres enfants avaient compris le sujet de la moquerie, ils s’y étaient mis aussi.
Ils se battirent dans les coussins et les couvertures jusqu’à ce que Lyu, la nourrice du palais, vienne les réprimander. Derrière elle se tenait Ehl et les autres enfants de Mirîle. Lyu sermonna tout le monde pour leur enjoindre de se tenir correctement et d’être sages puis partit à la recherche de jeunes qui auraient échappé à son attention. Elle était à peine partie que Lagda mima une personne en colère et stricte qui grondait tout le monde. Les enfants éclatèrent de rire devant l’imitation. Ehl vint s’asseoir à côté de Wen tandis que les autres enfants de Mirîle, surtout des garçons, s’asseyaient aussi sur les coussins. Les discussions allèrent bon train. Vanakil et Lagda racontèrent à force de moqueries gentilles et de mimiques la partie de Chasseurs du matin et comment Wen avait fini par tomber sur Ehl, tellement fort visiblement qu’ils s’en étaient tout deux évanouis ! Tous les enfants autour des feux étaient pliés de rire. Sauf Wen, confondue. Elle baissait les yeux et évitait les regards, gênée. Mais la joie ambiante était contagieuse et elle ne pouvait s’empêcher de sourire. Elle fit semblant de se vexer lorsque Vanakil insista encore :
— Vous pensiez que Wen était une Princesse comme dans les contes ? Que nenni mes amis ! La délicatesse, c’est le dernier qualificatif qui lui conviendrait !
Quelques enfants prirent la défense de Wen en accusant Vanakil de l’avoir paniquée dans la fureur de sa course contre le temps. Que c’était de la faute du garçon, il avait trop pressé Wen et l’avait affolée. Vanakil prit un air outré pour répondre à ses accusations, ce qui amusa tout le monde et donna à Wen le courage de relever la tête pour rire avec les autres. Ehl lui prit la main pour la rassurer et la soutenir face à ces accusations mauvaises. Il dit que quitte à choisir, il préféré se faire renverser par Wen que par Vanakil, et que si l’ithilien se moquait, il pouvait bien puisque lui n’avait pas été capable de rester hors de portée des aînés pendant la partie, que ce n’était pas grâce à lui que son équipe avait gagné ! Les plus jeunes enfants de l’Ithilîle sautèrent sur Ehl pour l’encourager et lui donner des tapes amicales dans le dos. Enchanté par le succès de leur camarade, les autres de Mirîle se joignirent de plus belle à la conversation et bientôt ce fut comme si les enfants des deux pays s’étaient toujours connus.
Les cloches pour annoncer le début de la fête brisèrent cet instant de complicité. Les enfants furent appelé à rejoindre leurs parents et chacun dut reprendre un air sérieux pour se tenir convenablement à table. Wen vit avec plaisir qu’elle était placée à côté d’Ehl et ils n’eurent pas besoin de se lâcher la main pour s’attabler. Lorsque les plats arrivèrent, ils durent malgré tout se libérer les doigts l’un de l’autre. La fête des Sons était entièrement dédiée à la musique et à la célébration des nouveaux Maîtres Musiciens. Tout le repas fut agrémenté de chants et de morceaux joués sur des instruments dont certains étaient inconnus de Wen. Lorsque les convives eurent terminés le repas, ils se dispersèrent. La plupart allèrent en ville pour assister à d’autres représentations. Les enfants les plus âgés furent invités à s’y rendre aussi.
Naïus fit signe à son fils de venir le voir. Wen fit de son mieux pour ne pas les regarder mais la curiosité la dévorait. De quoi parlaient-ils ? Ehl aurait-il le droit d’aller à la fête ? Avant qu’elle ne puisse se poser plus de questions, Mil s’approcha d’elle et l’entraîna à l’écart.
— Je vais aller en ville avec Naïus. Tu restes… là, d’accord ?
Wen fronça les sourcils. Son père lui demandait rarement une telle chose. Si Naïus restait et son père lui explicitait l’endroit où elle devait se trouve, c’était qu’il se passait vraiment quelque chose… Elle tourna la tête vers Ehl, pour essayer de le voir par-dessus l’épaule de son père.
— Wen…
— Oui, je suis sage, je reste là.
— Je suis content que tu t’entendes bien avec les enfants de Mirîle.
— Surtout Ehl ! insista la petite.
Mil lui sourit gentiment et la serra dans ses bras. Wen trouva qu’il avait l’air triste.
— Je crois qu’il reste ici aussi, alors essaye de ne pas trop dormir et profite qu’il soit là ! la taquina son père.
Wen maugréa. Ce n’était pas amusant.
— Ils ne restent pas longtemps ! se plaignit-elle.
— Ils reviendront, la rassura-t-il.
Il passa sa main dans les cheveux noirs d’encre de la Princesse puis déposa un bisou sur son front.
Wen le regarda partir, un poids dans le cœur. Ils reviendront peut-être mais un jour c’était court ! Elle aurait voulu jouer encore avec Ehl et les autres ! Elle s’assit sur un coussin près du feu. Vanakil était assez grand pour partir en ville. Liada aussi. En fait, de tous les enfants qui restaient, elle était sans doute la plus vieille ! Elle s’allongea et attrapa du bout des doigts une couverture. La chaleur du feu s’ajoutant à la fatigue de la journée et au bon repas, elle se sentait prête à dormir longtemps. Elle se pinça le bras pour se relever. Mil avait dit qu’Ehl resterait, elle ne devait pas dormir si c’était le cas… mais c’était peine perdue. Elle se recoucha. Ses yeux se fermèrent malgré elle et elle s’endormit. Elle sentit des doigts frais écarter les mèches de cheveux qui lui étaient tombés sur le visage.
Wen se réveilla de bonne humeur. Quelqu’un était allongé contre elle et la réchauffait agréablement maintenant que les feux étaient éteins. Elle se retourna et sourit à Ehl.
— Tu ne dors pas ? murmura-t-elle pour ne pas réveiller les autres enfants endormis.
— Comment as-tu fais pour t’endormir ?
Il souriait avec malice.
— Il n’y a pas tant de bruits que ça ici, se défendit Wen.
— Surtout après que Lyu ait posé le sort de silence, acquiesça Ehl. Mais tu dormais déjà avant ! Et la lumière…
Wen haussa les épaules et se blottit contre son ami. Il l’entoura de ses bras.
— Je dois bientôt partir, dit-il d’un ton qu’il tenta de rendre neutre.
La Princesse avait bien perçu le léger pincement dans sa voix sur le dernier mot. Elle se recroquevilla un peu plus sur elle-même.
— D’ailleurs voilà mon père, se désola Ehl.
Il s’écarta à regret de son amie et se leva. Wen se frotta les yeux avant de se mettre debout à son tour. Fallait-il vraiment que Naïus et les Elfes de Mirîle partent si tôt ?
Une main se posa sur son épaule. Elle adressa un sourire endormi à son père. Il la prit dans ses bras et se dirigea vers la porte de la yola. Naïus était là avec ses sujets. Ehl se tenait à côté de son père, en pleine forme, pourtant Wen aurait parié qu’il n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Mil lui avait souvent répété que les Elfes de Mirîle ne dormaient presque jamais. Elle le croyait à présent. Et elle se sentait toute penaude d’avoir sombré dans le sommeil aussi facilement.
— Bon voyage mon ami, dit Mil en tendant son bras libre vers Naïus.
Les deux Elfes se serrèrent la main. Wen s’agita dans les bras de son père. Elle était assez grande pour rester debout toute seule, même fatiguée ! Mil la laissa s’en aller et échangea quelques mots encore avec Naïus.
— Ils ne peuvent jamais s’arrêter, murmura Ehl à l’oreille de Wen. Ils adoooorent parler !
La jeune fille réprima un petit rire pour ne pas attirer l’attention de leurs parents. Finalement, Mil et Naïus se saluèrent pour de bon et les Scribes s’en furent. Wen s’appuya contre son père. Sa tête tournait et ses yeux se brouillaient de larmes.
— Wen, murmura Mil en s’accroupissant pour se mettre à la hauteur de sa fille. Ecoute-moi.
La voix du roi des Elfes perça les brumes de la tristesse et de la fatigue dans l’esprit de Wen. Hypnotisée, elle se laissa guider.
— Ils reviendront. Ehl reviendra. Et nous irons le voir aussi. Vous vous verrez à nouveau. Tu comprends ?
Elle hocha la tête et passa furieusement son avant-bras devant ses yeux pour y chasser les larmes.
— J’aurais aimé qu’ils restent ! ne put-elle s’empêcher de dire d’une voix penaude.
— La prochaine fois, ils resteront plus longtemps, promit Mil.
Il posa la main sur le front de sa fille et murmura quelques mots que Wen ne comprit pas. Elle avait mal au cœur. Elle avait mal aux yeux. Elle voulait partir avec Naïus et Ehl ! Son esprit se perdit peu à peu et elle s’endormit dans les bras de son père.
Mil soupira. Il serra ce corps si frêle contre lui. Les doux cheveux de sa fille caressèrent sa joue. Il aurait tellement aimé la protéger contre toute tristesse et tout malheur. Les Sept lui refaisaient cela aussi ! A quel point étaient-ils donc maudits ?