CAMILLE Mode Lecture - Citer - 30/07/2013 16:20:54
Les femmes aux longues robes colorées dansent. Les vieux frappent dans leurs mains ridées, sur leurs gilets de satin s’enroulent les boucles noires de leurs cheveux. L’éclat de leurs dents brille comme des centaines de lucioles.
Pas un souffle d’air ne vient, l’archet inonde la nuit de ses larmes. L’Etranger retient son souffle, paralyse ses membres. La musique cesse à la manière d’une flamme qui s’éteint et l’Homme baisse les bras, lève la tête. Son regard, d’un gris métallique, perce la pénombre, fixe l’Etranger.
- Sait-il que je suis là ? se demande-t-il.
Sous l’intensité de son regard, il frémit. Un froid soudain s’abat. Une force vertigineuse cherche à prendre possession de ses pensées, l’emprise est telle que ses yeux se ferment. Lorsqu’il reprend ses esprits tout a disparu.
Que s’est-il passé ? Le corps glacé, il s’approche de la scène. Au même endroit que la veille, il revoit les mêmes pas, les mêmes empreintes, pas une de plus, pas une de moins. Il n’a pas rêvé, ses insomnies ne sont la cause d’aucune hallucination.
- Ils sont là… ils sont bien là toutes les nuits, à danser et à chanter !
Comme il est curieux qu’à ces instants cessent les bruits habituels de la faune, de la flore aussi ! Pas une feuille ne frémit, le vivant cède la place aux ombres. L’Etranger s’éloigne, mais il reviendra la nuit d’après, et toutes celles qui suivront si cela est nécessaire.
C’est une nuit pas comme les autres qui s’annonce ce soir-là, le tonnerre gronde. Illuminée d’éclairs la ronde est entourée d’une bulle de verre scintillant, elle apparaît et disparaît par intermittence. L’Homme, ainsi protégé, joue sereinement du violon. Que la bulle s’estompe et il panique, ne joue plus.
L’orage tourne au-dessus de l’étang, par un curieux phénomène, il est retenu prisonnier. L’Etranger remarque qu’aucun nuage ne parvient à se former, il s’agit plutôt d’une immense nappe grise, plate, lisse, fébrile cependant. D’une intense fébrilité, prête à se répandre, à déverser une incroyable puissance. Donner prise à une telle puissance serait fatal. Il le sait l’Etranger, il attend sans bouger. Sous ses yeux la scène se poursuit et la colère du ciel ne cesse ses tourmentes. L’archet s’emballe, crisse sur les cordes, hurle sa misère. Les femmes dansent sur l’énergie du désespoir, leurs pieds écrasent les poussières. Puis le tonnerre s’éloigne, libéré d’une attraction. Tout cesse brutalement. Quelques nuages apparaissent, une pluie fine s’abat sur la rive.
Le lendemain soir, autres soirs et plus encore, l’Etranger revient à l’écoute des chants. L’Homme toujours le regarde intensément, ses traits se dessinent plus nets, plus clairs chaque soir. La reconnaissance des formes se fait, la confiance s’installe. Dans le ciel, la lune est pleine, la scène brille de sa clarté. Le violon ne geint plus, pour la première fois les voix s’expriment autrement que par le chant, avec un mélange d’intonations, d’incohérences également, des sons graves pour la plupart. Un léger sifflement semblable au souffle du vent se mêle aux rires. L’Homme tend son bras, la paume de la main tournée vers le haut en geste d’accueil. Il fixe l’Etranger qui hésite.
- Non, se dit-il… non, je ne peux pas.
Pas un souffle d’air ne vient, l’archet inonde la nuit de ses larmes. L’Etranger retient son souffle, paralyse ses membres. La musique cesse à la manière d’une flamme qui s’éteint et l’Homme baisse les bras, lève la tête. Son regard, d’un gris métallique, perce la pénombre, fixe l’Etranger.
- Sait-il que je suis là ? se demande-t-il.
Sous l’intensité de son regard, il frémit. Un froid soudain s’abat. Une force vertigineuse cherche à prendre possession de ses pensées, l’emprise est telle que ses yeux se ferment. Lorsqu’il reprend ses esprits tout a disparu.
Que s’est-il passé ? Le corps glacé, il s’approche de la scène. Au même endroit que la veille, il revoit les mêmes pas, les mêmes empreintes, pas une de plus, pas une de moins. Il n’a pas rêvé, ses insomnies ne sont la cause d’aucune hallucination.
- Ils sont là… ils sont bien là toutes les nuits, à danser et à chanter !
Comme il est curieux qu’à ces instants cessent les bruits habituels de la faune, de la flore aussi ! Pas une feuille ne frémit, le vivant cède la place aux ombres. L’Etranger s’éloigne, mais il reviendra la nuit d’après, et toutes celles qui suivront si cela est nécessaire.
C’est une nuit pas comme les autres qui s’annonce ce soir-là, le tonnerre gronde. Illuminée d’éclairs la ronde est entourée d’une bulle de verre scintillant, elle apparaît et disparaît par intermittence. L’Homme, ainsi protégé, joue sereinement du violon. Que la bulle s’estompe et il panique, ne joue plus.
L’orage tourne au-dessus de l’étang, par un curieux phénomène, il est retenu prisonnier. L’Etranger remarque qu’aucun nuage ne parvient à se former, il s’agit plutôt d’une immense nappe grise, plate, lisse, fébrile cependant. D’une intense fébrilité, prête à se répandre, à déverser une incroyable puissance. Donner prise à une telle puissance serait fatal. Il le sait l’Etranger, il attend sans bouger. Sous ses yeux la scène se poursuit et la colère du ciel ne cesse ses tourmentes. L’archet s’emballe, crisse sur les cordes, hurle sa misère. Les femmes dansent sur l’énergie du désespoir, leurs pieds écrasent les poussières. Puis le tonnerre s’éloigne, libéré d’une attraction. Tout cesse brutalement. Quelques nuages apparaissent, une pluie fine s’abat sur la rive.
Le lendemain soir, autres soirs et plus encore, l’Etranger revient à l’écoute des chants. L’Homme toujours le regarde intensément, ses traits se dessinent plus nets, plus clairs chaque soir. La reconnaissance des formes se fait, la confiance s’installe. Dans le ciel, la lune est pleine, la scène brille de sa clarté. Le violon ne geint plus, pour la première fois les voix s’expriment autrement que par le chant, avec un mélange d’intonations, d’incohérences également, des sons graves pour la plupart. Un léger sifflement semblable au souffle du vent se mêle aux rires. L’Homme tend son bras, la paume de la main tournée vers le haut en geste d’accueil. Il fixe l’Etranger qui hésite.
- Non, se dit-il… non, je ne peux pas.