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Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de Azouras Lazuli Tintomara Azouras Lazuli Tintomara Mode Lecture - Citer - 12/12/2012 22:07:18

Dans l'espace-temps actuel de l'univers zouzouien, il est nécessaire de relire et rendre plus accessibles ses textes, dans leur globalité.
Voici un passage que j'adore Clin d'oeil

Odin, un Dieu pour tous les mondes ?

- Eire, c’est la fin de la guerre, je dois te raconter une histoire. Ca te dit ?
- Vas-y mon ami, je t’en prie.
- Tu sais que je partirai.
- Oui. Je sais.
« Je commence. Nul ne connaissait son nom. Il descendait du ciel avec ses armes et ses soldats, prêt à combattre une chose que nul ne concevait alors, sur la Terre. Il avait perdu la raison. En vérité, il n’avait jamais été doué de raison. L’univers lui donnait toutes ses forces, et il le ressentait plus dans son âme et son corps que dans son esprit. Les mots et les pensées ne suffisaient pas.
Il y avait quelque chose en lui de vrai et de fou. Il voulait tout réinventer. Il prenait la vie avec l’intelligence qui était la sienne, celle dont il ne se rendait pas compte, et personne ne le comprenait. Personne ne semblait être né pour le comprendre. Ce qui importait n’était pas pour lui le langage, ni même le mot, c’était seulement la grandeur à l’intérieur, l’insondable vérité qui y régnait sans partage, aussi odieuse, aussi inacceptable, aussi douloureuse fût-elle. Il avait passé ses journées à grandir dans l’insoluble monde des Hommes. Mais la vie était autre part.
Ses accès de colère faisaient de son être une bête folle furieuse, et sa beauté n’en était que plus grandiose. Et il ne s’énervait jamais que contre lui-même. Parce qu’il était seul à se comprendre et à s’en vouloir. Le jour où un autre le comprendrait, alors seulement il entrerait dans une rage dantesque, subissant la terreur de perdre cet être merveilleux, et sa splendeur illuminerait le monde entier.
C’est alors qu’il la rencontra. Elle l’aima tout de suite. Lui, méfiant qu’il était par nature, ne s’approcha pas d’elle, la regardant de loin ; mais il comprenait qu’elle serait la seule à l’aimer véritablement. Parce qu’il était amoureux de la vérité, il écrivait et il haïssait les mots. Elle le comprenait et ne connaissait rien de lui. Il ne pouvait que rejoindre le vrai, et se mettre à l’aimer.
La jeunesse le rendait admirable. C’était un génie parmi les mondes perdus, et il était un autre lui-même sur la Terre. C’était cela ou mourir. Il n’avait guère le choix. La tristesse n’existait pas, parce qu’il ne ressentait rien, puisqu’il connaissait tout. Des choses claires apparaissent avec le regard, et l’universalité peut être dans ces yeux brillants. Elle y est, de toute évidence. Comme s’il fallait inventer un futur. Raconter la vie ? Elle n’est qu’un saccage, un saccage de savoirs, de l’Histoire, de tout ce qui est.
Dans ce monde, sous le règne de l’Homme, tout ce qui est génial est exclu de l’Art lui-même. Le talent choque, parce qu’il montre l’intense médiocrité de tout ce qui n’est pas issu de lui. Il change. Il inverse tout ce que l’on croit être évident. Il ne raconte pas ce qu’il crée, mais ce qui l’a créé. Et ça… N’est-ce pas plus important que de se croire plus fort que ce que l’on est en fondant des syllogismes sur son être alors que sa définition, qui est à la base de tout, n’existe pas ?
Il aimait la femme à ses côtés, il l’aimait plus que tout, plus que tout le mal que lui faisait l’Humanité. Mais il ne pouvait rien faire. Il ne se sentait pas assez fort. En fait, il était assez fort, mais il n’était pas tout seul. Peut-être aurait-il combattu, même en vain, s’il avait été tout seul. A ses côtés, il ne pouvait pas concevoir la défaite : elle en aurait souffert autant que lui. Alors il partit. Il trouva enfin son autre monde. Et devait combattre ce qui faisait du mal aux Hommes.
En amour, il n’y a pas de morale, pas de bien, ni de mal. Juste des certitudes qui se suffisent à elles-mêmes. Les pleurs sont sans cesse acculés : il n’y a pas le moindre choix à faire, la souffrance est répugnante, on pardonne le lien d’une passion violente avec une vie misérable. Pourtant il s’agit d’une infinie faiblesse. Leur amour les détruisit peu à peu, maintenant que seule la distance parlait en leurs noms. La seule vérité qui soit, ou tout du moins, celle qui est la plus virulente au sein de tous les univers, est que l’Enfer n’est pas un monde où les rêves n’existent pas, mais celui où ils existent et où on ne peut pas les vivre.
Ils vivaient tous les deux en Enfer. Mais toujours séparés l’un de l’autre. Ainsi, après avoir décidé de combattre, il a constitué son armée à Asgard, pour retrouver Midgard et détruire ce qui empêchait les êtres de voir la vérité. Puis, quand il apprit que les Géants existaient, tout fut plus clair à l’intérieur de lui : c’étaient eux. Ils étaient seuls fautifs. La raison le fuyait, il n’y réfléchit pas. L’univers entier était là pour lui dire qu’il fallait qu’il les tue. Comment aurait-il pu ne pas lui obéir ?
Il ne pensait pas vraiment à celle qu’il aimait en revenant en Midgard. Il était toujours aussi beau, aussi jeune ; les années pouvaient passer, rien ne lui enlèverait cette innocence qui était la sienne, qu’il ne perdrait jamais. Il combattit pendant soixante-trois ans avec ses armées célestes. Quand la guerre prit fin, il se rendit compte des conséquences de ses agissements sur Midgard, et la culpabilité s’empara entièrement de son être. Il lui aurait fallu plusieurs mois avant de sortir de sa torpeur et de repenser à celle qu’il n’avait jamais cessé d’aimer, si le destin ne l’avait pas amené à se replonger dans son regard plus tôt.
Un rayon de soleil le ramena à la vie un instant. Il tenta de se retrouver, de retrouver son être. Mais les jours sont loin. Et ils sont longs. L’errance a disparu. Le voyageur amoureux ne peut plus être seul avec lui-même, et se découvrir un autre visage. Son âme n’est d’ores et déjà plus liée à son être. Il s’est tout entier offert à leur amour, et s’est perdu à l’intérieur. Un être humain en aurait peur. Mais l’infini a changé de façon irrémédiable le cours de son existence, et il s’est plongé en elle comme si, paradoxalement, l’éternité ne trouvait sa pleine mesure que dans ce corps voué à la perte, lui qui est amèrement attaché à la mort, tout ce qu’il craint d’attendre, quand il sera tout seul.
Des hommes sont morts en aimant des corps trop beaux pour eux. Mais comment les blâmer, ces êtres perdus parce qu’ils ne connaissaient ni le bonheur ni l’éternité ? De l’autre côté, des poèmes ont été écrits, des merveilles ont été chantées ; aucune place nulle part pour eux, aucune issue pour ce qu’ils content, ils sont prêts à partir, à se faire du mal, pour penser que leur place existe ; les voilà ailleurs encore une fois. Le ciel leur montre que les adieux sont inutiles tant que le soleil brille : l’astre du jour a en effet une place quelque part, et leur amour est à l’intérieur. Il est impossible de penser qu’ils pourront oublier.
Elle est venue à lui, l’aube naissait sur les plaines encore tachées de sang. Il sentit tout cela dans son être, et savait qu’il était déjà trop tard. Ce qu’il avait fait était impardonnable. Et ce n’était pas la femme qu’il aimait qui ne pourrait le pardonner, mais lui-même.
Il fallait qu’il retourne en Asgard parce qu’il savait à présent qu’il n’avait pas le droit au bonheur. Elle, elle n’était pas d’accord, elle ne pouvait pas l’être ; elle le savait plus fort, plus merveilleux qu’elle, et ne voulait pas le laisser partir une nouvelle fois. Pourtant, elle serait bientôt seule.
Pouvaient-ils partir ensemble ? Ils s’en iront un jour en détruisant ce qu’il reste de leurs vies. Parce qu’un être éternel ne peut pas supporter très longtemps de ne plus voir la lumière du jour. L’absence ne survivrait pas à leur amour.
Elle ne voulait pas qu’il s’en aille. Elle est sans cesse à lui scander que la véritable preuve d’amour n’est pas de mourir pour lui, mais de délaisser la vie pour lui, ce qui est bien différent. Il savait qu’elle avait raison, mais il ne pouvait pas faire autrement : son destin était perdu pour les Hommes. Et Asgard l’attendait. Mais, il dit à Eire, avant de s’en aller à jamais : Nous sommes plus que deux êtres humains qui s’aiment. Nous nous aimerons toujours. »
Sur ce, le Dieu l’embrassa. Son histoire était terminée. Il partait. Odin l’oublierait, bien sûr, et cette femme merveilleuse à laquelle il était si lié le ferait aussi, parce que la mort a une place dans le cœur du Dieu, et ses souvenirs ne sont guère qu’une arme supplémentaire. Ainsi, plutôt que de laisser sa nostalgie détruire son âme choisit-il d’effacer tout amour de sa désormais vide et pitoyable existence. A quelle distance se trouvait à présent Eire d’Asgard ? Ce n’était pas mesurable. La seule certitude ? Elle était assez loin de lui pour l’oublier. Mais l’oubli, contrairement à l’amour, ne peut pas être éternel…
Ces vérités éternelles se révèleraient à nouveau au grand jour.
Un jour.

Avatar de naniquolas naniquolas Mode Lecture - Citer - 22/01/2013 19:34:25

J'ai eu un peu de mal à lire jusqu'au bout, j'avoue. J'ai pigé le gros de l'histoire (mais pas tous les rebondissements), plutôt jolie, mais la dimension mythologique m'échappe complètement et celle philosophique, même si comme d'habitude on trouve des petites pépites qui m'ont fait un peu cogiter, a plutôt eu tendance à me glisser sur les plumes. Pourtant ton texte me laisse quand même une impression agréable, ethérée, passionnée, musicale... Bref, j'ai aimé mais c'est encore un peu trop long (ou pas assez vu la vitesse à laquelle s'enchaînent les "péripéties"Clin d'oeil et réflexif pour moi je crois...