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Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de Hedera Hedera Mode Lecture - Citer - 17/01/2019 11:24:04

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Il se trouve que j'habite dans une ville où a vécu Jules Verne... et qu'il y est un peu mis à toutes les sauces, ce qui a le don de m'agacer. Quitte à faire un poème exutoire, j'ai voulu renouer avec ma période "alexandrins". Désolée par avance pour le nombre de références locales qui traînent dans ce texte !


En marchant dans ma rue sa maison m’interpelle
Fenêtres, murs rougis, tour dressée vers le ciel
Arrogante du haut de sa sphère armillaire
De sa fresque blâmant ses pâles congénères
De sa cave écrasant son personnel blafard
Brassant ses visiteurs, cohorte de vieillards
Piaillant, braillant les louanges du grand écrivain…
Fuir ? Lui échapper ? Tout effort sera vain.

Jules Verne, Jules Verne, Jules Verne
Sans faillir, sans faiblir, sans trêve ni repos
Jules Verne, Jules Verne, Jules Verne
Il est partout, du parc Saint-Pierre jusqu’au zoo.

Les signes étaient là. Quand je prenais le bus
L’odieux véhicule offrait sur ses flancs nus
Un hommage vibrant à ses plus grandes œuvres :
Scaphandriers, vaisseaux, tentacules de pieuvre,
Rien ne manquait pour me rappeler sa présence.
D’un peu de sport voulant faire l’expérience
Je vis que la piscine avait nom Nautilus
Et Jules Verne aussi la course a pedibus.

Jules Verne, Jules Verne, Jules Verne
Sans faillir, sans faiblir, sans trêve ni repos
Jules Verne, Jules Verne, Jules Verne
Jour et nuit toujours là pour me mettre K.O.

A midi, quand j’ai faim, il me poursuit encore.
Voici les établissements qui me restaurent :
Vaste Brasserie Jules et Maison à vapeur
Ou c’est le Chancellor qui joue les victuailleurs.
Il est là dans mes promenades digestives :
Ses romans chez Martelle en piles agressives
Sa barbe en vitrine d’un pimpant tatoo-shop
Font du moindre shopping un prétexte à syncope.

Jules Verne, Jules Verne, Jules Verne
Sans faillir, sans faiblir, sans trêve ni repos
Jules Verne, Jules Verne, Jules Verne
Partout tu m’envahis, squattant mon ciboulot.

Voulant de bonne foi obtenir ma licence
C’est à l’UPJV que j’étudie ma science.
JV, initials JV pour Jules Verne !
A défaut de pouvoir rejoindre une caverne
Au cimetière je vais pour chercher l’oubli.
Mais, dans la contre-allée, sous un pin rabougri,
C’est bien lui ! C’est sa tombe, exhibant sans pudeur
Son portrait doté d’un corps de bodybuilder !

Jules Verne, Jules Verne, Jules Verne
Sans faillir, sans faiblir, sans trêve ni repos
Jules Verne, Jules Verne, Jules Verne
Parasitant ma vie, me suçant jusqu’à l’os.

En larmes, suffoquant, cherchant à m’échapper
Je fuis. La rue Lamarck, calme havre ombragé
M’offre enfin un répit. Mais, rêvant botanique
Je ne vois pas que mes pas me mènent au cirque
Cirque qu’il défendit ! Qu’il fit presque construire !
Je m’en vais vers la gare, ivre d’horreur et d’ire
Prendre un train salvateur… Ignorant – quel hasard ! -
Son monument tapi le long du boulevard.

Jules Verne, Jules Verne, Jules Verne
Sans faillir, sans faiblir, sans trêve ni repos
Jules Verne, Jules Verne, Jules Verne
Tu es vraiment partout, et j’en ai plein le dos.

Quand, en toute innocence et loin de tout tracas
J’accède à la page d’accueil de Gallica
Voici son éditeur – quand ce n’est pas, maudit !
La version numérique de ses manuscrits.
Vainement sur Netflix cherchant ma distraction
Je ne vois que des films pleins de ses citations.
Amiens, Paris, Tokyo ou Margny-les-Compiègne,
Il n’est pas une ville épargnée par son règne.

Jules Verne, Jules Verne, Jules Verne
Sans faillir, sans faiblir, sans trêve ni repos
Jules Verne, Jules Verne, Jules Verne
Je t’en veux, je te hais. Un jour, j’aurais ta peau.