Le Temps des Rêves

Le train roule et ronfle sur la voie
J'ai oublié mes frères de l'autre côté du monde, monsieur le contrôleur
J'ai oublié mes frères
Il faut que je descende
Il faut que je descende ils ont besoin de moi
Et moi j'ai besoin d'eux
Oui, moi, j'ai besoin d'eux
Bien plus besoin d'eux qu'eux n'ont besoin de moi
Si vous les voyez, monsieur le contrôleur, si vous les voyez
Courir le long des voies
Agitant leurs branchages
Grands, forts, frêles, souples et fiers
Dites-leur de monter
Voiture 16, place 63, ils sauront me trouver
Dites-leur que le cœur de la fille aux yeux verts
Frissonne comme une feuille quand elle repense à eux
Dites-leurs que son cœur bat au rythme du leur
Dites-leur qu'il attend et qu'il est encore temps
Dites-leur de monter, monsieur le contrôleur,
Dites-leur de monter, ils ne monteront pas
Eux, ont encore une âme
Leurs chemins sont bâtis non de fer mais de terre
Et de lentes serpentes et de talus herbeux
Les chemins faits de fer ne sont pas faits pour eux
On ne quitte pas sa terre sans raison, monsieur,
On s'y accroche, on s'y arrime, on y puise sa force, sa sève
On ne quitte pas sa terre, même pour une tempête
Non, on ne la quitte pas
Le train roule et ronfle sur la voie
Dites-moi, monsieur le contrôleur
Dites-moi, vous dont c'est le métier
Les voyageurs ont-ils le cœur léger ?
À quoi bon partir, puisqu'on pourrait rester ?
Le train roule et ronfle sur la voie
Le train roule
Le train ronfle
Entre en gare
Bienvenue à Vaugirard

J'ai le cœur qui frissonne comme un bout de papier oublié sur le quai
Quand vous les reverrez, monsieur le contrôleyr, ne leur dites pas ça
Dites-leur que mon cœur bat au rythme du leur et que je reviendrai

Bonjour,

J'aime beaucoup ton texte.
On entend le train rouler et l'éloignement qui se crée jusqu'à la destination finale, l'arrivée, le bout du voyage.
Les grands départs permettent tellement de belles découvertes et nouvelles rencontres.
Et je sais de quoi je parle....

Joli morceau de poésie ! J'aime beaucoup ce texte, avec son ton enfantin qui pose les bonnes questions. Il a un très beau rythme, ça donne envie de l'entendre déclamé !

Si je puis me permettre quelques chipotages :


-> La deuxième partie du vers m'a parue redondante : on se doute bien qu'ils sauront la trouver, avec un numéro de place c'est un peu difficile de la rater^^


--> Pour ma part j'ai trouvé que ça flirtait avec le too much (je pense que c'est surtout "et sa vie toute entière" qui me fait cet effet)

La fin : en même temps je l'aime bien... En même temps j'ai eu plusieurs fois l'impression que tel ou tel vers aurait fait une bonne fin du coup quand je suis arrivé à celle-là finalement ce n'est pas forcément celle que je préfère (je sais pas si c'est très clair).

Merci, en tout cas, il donne de l'énergie !

J'ai adoré ! Je suis d'accord avec Maggy, le rythme haletant fait bien sentir le bruit des roues du train qui s'éloigne.
C'est marrant parce que c'est un sujet que je ne sens pas le besoin de traiter - mes départs ont plutôt laissé des époques de vie impossibles à revivre qu'une "terre" à laquelle on est attaché - mais ton texte me parle vraiment beaucoup.
Et contrairement à Nani, j'aime beaucoup la fin. Les vers se raccourcissent, on entre en gare, et j'ai l'impression que ces trois derniers vers sont prononcés sur le quai, quand on a les oreilles qui bourdonnent encore à cause du train et les idées pas très claires, abruties par le voyage. J'arrive pas trop à décrire cet état, mais je trouve que ces vers y collent très très bien et qu'il manquerait quelque chose s'ils n'étaient pas là.

Oh ! Merci beaucoup pour vos commentaires ! (et ravie de t'avoir parmi nous, Maggy ! )
Nani, j'avais en partie mis ce texte ici parce que je n'étais pas sûre du vers "On s'y accroche, on s'y arrime, on y puise sa force, sa sève et sa vie toute entière" et le fait que tu me dises que c'est surtout le "toute entière" qui te gêne m'a permis de trancher : je m'arrête sur sève, ça fait une sorte de suspension, qui, du coup, donne peut-être même plus de force.
Je suis vraiment contente que vous ayez senti le rythme du train car c'était en grande partie ce que je recherchai :-).

J'ai mieux apprécié ce texte à la deuxième lecture,
est en trop pour ma part car c'est implicite dans le texte.
Ce qui est drôle c'est que j'entendais une petite fille au début puis Flora puis une inconnue dans laquelle je me retrouve puis... enfin vous voyez quoi.
Merci pour ce texte.