Vous devez être connecté pour participer aux conversations !
Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de Wensaïlie Wensaïlie Mode Lecture - Citer - 18/05/2016 09:23:31

Un petit exercice d'écriture : se poser 30 min dans le jardin du Luxembourg et écrire Petit Sourire

L’eau sortait à petits jets de la fontaine. Clapotements timides qui s’amenuisaient avec l’avancée de la nuit. Une brise, légère, soufflait sur l’immense allée désertée. Le bruissement des feuilles emplissait l’air, jusqu’à devenir physique. Le jardin respirait profondément, intensément, baignant dans la lumière crémeuse de la Lune.
Un rayon se perdait langoureusement dans les replis d’une cape. Une cape de pierre blanche, sculptée avec sévérité mais fluide, ondoyante. Elle flottait au gré du vent.
Sous ce manteau minéral, un bras à la peau lactescente, aussi pâle que la Lune, s’anime. Il se souleva lentement. À son extrémité, des doigts graciles et déliés, légèrement abîmés par le temps et les intempéries. Ils irradient d’un froid séculaire.
Un vent plus fort se lève soudain. Il brusque les arbres, malmène les feuilles. L’index et le majeur se posent sur le visage de granit. Ils en redessinent les contours parfaitement symétriques. Ses traits sont classiques mais empreints de noblesse sereine. Du calme de celui qui se sait sage sans l’imposer aux autres.
Les doigts passent sur les lèvres fines et parfaitement dessinées. Elles sont fraîches, humides de rosée. Quelques fleurs de mousses s’y épanouissent, leur conférant une douceur tendre et ajoutant un brin de couleur à ce visage d’albâtre. Les phalanges se meuvent à nouveau, suivent l’arête du nez, droite, polie par la pluie et le vent. Puis viennent les yeux, les arcades sourcilières. Enfin, la main entre au contact de la cape, qui est devenue un long voile maintenu par une couronne aux reflets de nacre sous la Lune mystérieuse.
Le bras redescend avec une retenue extrême, mesurée. Des souvenirs affluent à présent. Ils sont flous, anarchiques. Les images, brutales, se composent de formes et de sons crus, à angles droits, violents. Les bruits sont inaudibles, étouffés par leur puissance. Dans la poitrine, une palpitation. Puis une autre. Une chaleur nouvelle afflue, parcourt la pierre. D’où viennent ces souvenirs ? Ils sont accompagnés d’une sensation de manque terrifiante. Un oublie. Mais lequel ?
Avec prudence, l’être d’éternité se baisse et descend de son piédestal. La cape crisse tandis qu’elle se déploie dans son dos, portée par le vent. Elle appelle au silence. Alors, soudain, le souffle du ciel s’éteint. Les arbres se figent. Et la magnifique statue avance dans la grande allée sablée, d’un pas lent, majestueux. Une grande nostalgie l’étreint. Une mélancolie antique et familière.
Elle entre dans les jardins, admire ces arbres qu’elle ne connaît pas, aux longues branches palmées. Elle effleure de ses doigts de pierre la surface paisible du bassin, où dansent des voiliers miniatures. Sur les pelouses, des cannes dorment, des poussins blottis contre leurs flancs. Elle ne s’approche pas. Elle n’ose pas. Il s’agit de la Vie. Elle n’y a pas sa place. Elle longe l’orangeraie, passe sous des tonnelles qui abritent chaises et tables. Sur certaines, d’étranges rectangles divisés en carrés noirs et blancs reposent.
Petit à petit, ses pas l’emmènent vers une grille de fer peint, d’un vert sombre. Une des portes est ouverte. Elle s’y engouffre. Et se perd dans la ville.


Aussi disponible ici : https://www.wattpad.com/258727412-speedwritting-archi%27texte-jardin-du-luxembourg