Le Temps des Rêves

Hier sont venus les nuages
Et dans les vitres bleues des buildings
A l'infini ont fleuri les cerisiers
Hier il a plu ; les érables au bord du fleuve
Frémissaient contre la brique
Douces pluies blanches comme cire
Que n'avez-vous la rage des moussons
Des moussons moites sur les rues de ma ville

Hier j'ai crié, plein de haine et d'absence
C'était comme un alcool qui montait dans mes veines
Comme une musique exaspérée
Le soir tombait, lent, silencieux
Sans les oiseaux du crépuscule
Je les regrette tant, ces nuits subites et merveilleuses :
Au-dessus de nous, filaient, électriques
Des poissons aux nageoires de néon
Les lumières vibraient dans ses yeux et ses mains s'acharnaient
Ses mains si blanches sur le coton de ma chemise -

Nus, renversés, avec en nous la Mer portant mille barques
Mille barques ailées comme autant d'oiseaux blancs
Et les flammes de mille autels allumés pour nous
Enlacés, les manguiers du Jardin Botanique
Voilaient à peine la floraison des lotus rouges
Le Phénix dans le ciel pourchassait le Dragon
Ses lèvres étaient ardentes et mes sources endormies
Se sont évaporées quand je les ai goûtées

Hier j'étais ivre, et s'allumaient les réverbères
Je hais tant cet exil où tu m'as envoyé
Quand le soir tombe j'invoque le profil et la voix
De cette ville immortelle et frénétique
Les rires en sueur dans l'ombre et la silhouette
De l'homme au cheveux noirs adossé contre l'arbre

Je sais les noms que l'on nous donne, mon amour
Des noms de feu et d'eau et d'anciennes légendes
Ce que je sais aussi c'est que rien n'importait
Quand je passais la porte et que tu étais là
J'aimais tant ton odeur de cendre et de fumée
Et le froid de mes mains sur ton torse brûlant

Hier, j'ai pleuré. Je t'ai pleuré. Et pourtant
C'est ton sourire qui me fait mal
Quand il a disparu il a tout emporté
Tout. L'or et l'acier mêlé
Le calme de tes bras le rauque de ton souffle
Ta sueur et ta salive et tes yeux d'ouragan
Les nuits cristallines du Jardin Botanique
Le Dragon, le Phénix, et le parfum des lotus rouges.

Okay... j'ai hésité à lire ce texte parce que je savais que j'allais me prendre une claque poétique. Le genre de texte où tu mesures le chemin à parcourir, ne serait-ce que pour arriver à ce degré de finesse et de justesse dans le choix des mots.
Bref, j'ai de la buée devant les yeux en lisant ce texte. C'est magnifique.
Merci.

C'est un texte que j'ai du lire deux fois. Il est très bien écrit, les mots sont justes, les images parfaites, il n'y en a ni trop ni pas assez. Je suis tenté de dire un petit bijou. Mais pourquoi ne pas le dire et pourquoi l'avoir lu deux fois? L'absence de ponctuation. Au début cela m'a gêné pour le rythme, les intonations à donner au texte car il y a des tournures, des petits mots qui font que l'on sait qu'une nouvelle phrase commence mais sans avoir eu le temps de baisser l'intonation comme on le fait habituellement à la fin d'une phrase. Mais une fois le texte lu et un tout petit peu retenu, à la deuxième lecture tout tombe sous le sens au niveau rythmique, syntaxe et justesse des émotions. Pour ceux qui ne le liront qu'une fois: LISEZ LE DEUX FOIS SVP.
Encore merci pour ce texte qui me laisse pantois.

Merci pour vos commentaires très touchants !

MKL = je sais que l'absence de ponctuation peu freiner la lecture et rendre le texte plus difficile d'accès. C'était un travail d'équilibriste entre tout ponctuer et ne pas ponctuer du tout et je suis très heureuse que tu donnes ton avis à ce sujet, merci !

Les autres ont tout dit, même si personnellement ton maniement de la ponctuation m'a plu immédiatement et ne m'a pas gênée. Le souffle qui parcourt ce texte est parfait. C'est perturbant et fort qu'il s'en dégage une telle sérénité, vu le sujet abordé.
Bref, j'ai aimé, autant pour ce que je n'ai pas saisi que pour ce que j'ai cru comprendre, pour toutes ces images qui défilaient devant mes yeux. Merci !

Après avoir longtemps rebroussé chemin devant la longueur du texte (je deviens paresseux !), j'ai enfin lu ce poème. Et j'ai bien fait ! Il a une énergie folle et l'atmosphère est géniale. Avec toujours ce raffinement qui donne tout son charme à la sensualité... Chapeau !