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Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de Brumepin Brumepin Mode Lecture - Citer - 30/04/2015 17:39:31

La porte grinça de nouveau. Walker s’avança dans l'embrasure de la porte et vit simplement Kilian en train de faire les cents pas. Le patron n’était pas là.

- Il est où ?

Kilian jeta son regard vers le haut du lit à double étage pour lui indiquer que son co-détenu piquait un somme. En temps normal, Walker l’aurait réveillé durement, avec sa matraque, sans aucun scrupule mais ce prisonnier-là, il n’osa pas le déranger. Il vit la lettre qui trainait par terre. Kilian n’avait pas pris la peine de la ramasser. Le geôlier prit le bout de papier et regagna la porte. Avant de la fermer, il s’adressa à Kilian.

- Quand Le patron se réveillera, dis-lui qu’il doit se rendre au tribunal demain. Les jurés viennent de délibérer.

- Entendu. Vous avez quelques seconde Walker ? – Le prisonnier s'approcha de la porte, tira deux billets de cinq dollars de sa poche et les tendit au gardien. – Achetez la presse pour moi avec ceci.

- Et quoi le négro, tu sais lire ? Qu’est ce qui te dit que l’on parle de ce type dans les journaux ?

- La presse française en parle. – Il dirigea son regard vers l’exemplaire du journal Le Monde qui trainait sur la table. – T’as vu le nombre de poulets qu’il y avait à sa sortie du commissariat. Si les français en ont parlé, ça m'étonnerait que leurs confrères américains ne soient pas tombés dessus. Je suis prêt à parier que c’est un gros poisson. Je veux savoir qui il est.

- Ce n’est peut-être pas une bonne idée, opina Walker.

- Tu as peur de ce que je pourrai découvrir ?

- Je dois assurer sa protection, continua Walker. Je suis désolé le négro, je ne peux rien faire pour toi.

Walker s’apprêta à refermer la porte. Le prisonnier la bloqua avec son pied. Dans l’espace de cette mince ouverture, il murmura à son geôlier :

- Kilian, Walker, je m’appelle Kilian. Oui, je sais lire et je vais te dire une dernière chose : cet enfoiré de millionnaire connaît le type qui t’as muté dans ce trou à rat et moi, je sais que je serai ici pour une peine de vingt ans, grand max'. Toi, tu es là pour une peine à perpétuité, peu importe que l'on soit devant ou derrière les barreaux à Rikers Island, ce lieu est un enfer, un huis clos dont personne ne réchappe. On ne sort pas indemne de ce lieu, tu le sais aussi bien que moi, et tu sais tout aussi bien que ce type pourrait sortir d'ici sans aucune égratignure... – Walker ne répondit pas, mais il écoutait attentivement. – Tu trouverais normal qu'il s'en sorte, toi ? – Il ne lui laissa pas le temps de répondre. – Non, bien sûr que non, car tu sais ce qu'il a fait, tu sais le crime qu'il a commis, et tu sais que l'on te demande de taire tout ça et que c'est contraire à tes principes, contraire à la raison pour laquelle tu t'es engagé ici. Nous avons un point commun toi et moi, nous avons soif de justice, seulement nous avons une manière différente de la mettre en œuvre. Le hasard nous a réunis ici et maintenant pour une raison, j’en suis sûr. Pour lui donner une bonne leçon. Pour qu'il comprenne enfin. Nous savons tous les deux qu'il mettra le paquet pour que le jugement aille en sa faveur. Nous savons tous les deux que justice ne sera pas rendue dans ce tribunal. Fais au moins en sorte qu’elle soit donnée entre les murs de cette cellule. Avant d’agir, j’ai besoin de savoir qui il est et ce qu’il a fait. Histoire de lui donner une leçon adéquate. – Il laissa tomber les billets de cinq dollars. – Je te demande simplement de m’acheter le journal Walker. La balle est dans ton camp.

Note de l'auteur :

Cette nouvelle a été écrite pendant les événements du mois de mai 2011 qui ont vu Dominique Straus-Kahn, alors directeur du Fond Monétaire International, être arrêté à l'aéroport JFK de New-York parce que mis en cause d'une affaire d'agression sexuelle sur une femme de chambre. Lors de la procédure judiciaire, sa liberté sous caution ne lui est pas accordée. Dominique Strauss-Kahn passera alors une courte semaine dans une prison new-yorkaise nommée « Rikers Island ».

Rappelons que, dans cette affaire, Dominique Strauss-Kahn a bénéficié d'un non-lieu au pénal le 23 août 2011. Au civil, c'est une « transaction financière » qui mettra fin aux procédures engagées par sa victime.

Dominique Strauss-Kahn est actuellement jugé au tribunal de Lille pour une affaire de « proxénétisme aggravé en réunion ».

Cette nouvelle propose un récit imaginaire du séjour de Dominique Strauss-Kahn à Rikers Island.