Dans quel monde vivons-nous ?
Dix-sept.
Cent quarante-deux.
Cent quarante-huit.
Et la liste est encore longue...
Dans quel monde vivons-nous ?
A la Une, ce matin,
Un discours du Pape
Et des ruines ensablées qu'on explose.
Où sont-ils les étudiants ?
Les mexicains, les kényans ?
Où... ?
Dans quel monde vivons-nous ?
Ils étaient dix-sept en janvier,
D'aucun diront qu'ils l'avaient cherché.
Pas moi.
Mais en mars, au musée ou à la mosquée,
En avril, à l'université,
Des lieux de paix.
Pourquoi ? Qu'avaient-ils fait ?
Mais dans quel monde vivons-nous ?
Charlie, je pouvais comprendre,
La logique était là, corrompue et malsaine,
Mais je pouvais comprendre.
Mais bon sang !
Musée, mosquée, faculté !
De quoi aviez-vous peur ?
Mais dans quel monde vivons-nous ?
En France, on a manifesté
En Tunisie, on a défilé
Au Yémen, on a bombardé,
Au Kenya, on les a laissé pleurer.
C'est vrai, quoi, après tout,
Ils sont sous-développés, ce sont des Noirs,
Pourquoi se soucier des Barbares,
Qui s'entretuent ?
Mais merde, dans quel monde vivons-nous ?
Je suis fatigué.
Je vais m'arrêter.
Si je cherche, si je continue,
Je vais me mettre à pleurer,
Si je continuais,
Je vous ferais verser
Toutes les putains de larmes de votre corps
Jusqu'à ce que vous soyez aussi vides
Que cette université de silence et de mort.
(…)
Et Putain ! (…) Pourquoi ?
Bordel de merde, mais dans quel monde vit-on ?
(…)
Bref. Je suis Charlie,
je suis kényan,
Je suis tout ce que vous voulez.
Je suis humain, quoi.
(...)
Beau texte coup de gueule !
ce que j'ai le moins aimé :
"Si je continuais,
Je vous ferais verser
Toutes les putains de larmes de votre corps"
--> ça fait un peu prétentieux selon comment on le lit (mais les vers suivants sont géniaux).
ce que j'ai adoré :
"En France, on a manifesté
En Tunisie, on a défilé
Au Yémen, on a bombardé,
Au Kenya, on les a laissé pleurer."
Le mot "bombardé" arrive comme une bombe vu le contraste avec les deux vers précédents.
Pour la fin, je suis mitigé... J'adore le sens, mais je trouve qu'il fait un peu trop désinvolte par rapport au reste et cette rupture ne me plaît pas trop. Peut-être qu'avec un simple point d'exclamation, ça gagnerait en énergie ?
Je rejoins Nani. Le début m'a perdu, je ne voyais pas où tu voulais en venir et quand tout s'éclaire... Wow!
Après je chipoterais bien sur la partie
Ils sont sous-développés, ce sont des Noirs,
Pourquoi se soucier des Barbares,
Qui s'entretuent ?
L'Afrique est malheureusement constamment soumise à des meurtres, des attentats qui se noient les un dans les autres. Ce n'est pas que l'opinion y est complètement insensible, c'est qu'elle devrait être tournée vers les massacres africains en permanence.
Je suis d'accord, beau coup de gueule (et beaucoup de gueule
).
Tu me remues et tu me choques et j'aime ce côté pas clair, décousu, comme si tu nous plongeais directement dans tes pulsations de pensée et que c'était à nous de trouver le fil. Pour la fin, j'ai deux lectures : la première où comme Nani j'aimerais bien un peu plus de punch et moins de détachement par rapport à l'indignation qui précède. La deuxième où j'ai l'impression que c'est vraiment fait exprès, que c'est une immense lassitude qui vient après le coup de gueule... Bref, très constructif, je sais, mais je te laisse choisir le ton que tu mets là-derrière avant de me faire une opinion. Et je n'ai pas été choquée par la déclaration sur les larmes : c'est vrai que ça peut sonner pédant mais c'est justifié par le personnage que tu empruntes. Après, peut-être qu'un simple "nous" à la place du "vous" changerait la perception sans changer trop le sens.
En tout cas, merci pour cette lecture !
Au début je ne comprenais pas pourquoi il y avait des nombres (je les ai lu comme une date) et juste après BAM les souvenirs qui reviennent... C'est un très beau texte qui soulève des questions avec férocité. J'aime beaucoup les vers isolés, toute cette structure fragmentée qui donne à chaque vers son importance et son intensité. Si tu as ce qu'il faut, fais en une lecture. Je pense que c'est un texte qu'il faut entendre et non lire. Certains mots sont plus percutant à l'oral, c'est le cas de la colère.
beau coup de gueule
par contre, j'ai trouvé qu'à la fin, le ton détonait et j'étais moins dans le poème
Faël
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Citer - 05/04/2015 16:41:47
