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Arbre

Le Temps des Rêves

Avatar de Brumepin Brumepin Mode Lecture - Citer - 29/08/2014 22:16:03

Le duc Irwin Le Paisible contemplait les vignes depuis la fenêtre de la salle des fêtes. Le soleil y dardait ses rayons avec une intensité rarement vue de mémoire d'homme. Les grappes de raisin étaient mûres et juteuses depuis quelques jours. Les dernières journées avant les vendanges, particulièrement agréables, laissaient présager un cru exceptionnel. Jamais dans sur la rive Ouest, les seigneurs n'allaient déguster de vin aussi somptueux...
Il n'était pas le seul à le deviner. Au loin, les patriciens examinaient chaque pied de vigne, et les goûtaient avec attention, imaginant déjà les cépages qu'ils allaient produire. Dans leur manoir, les travailleurs saisonniers commençaient à s'installer et profiter d'une journée de repos avant que leurs employeurs ne les mettent à la tâche.
Tous regardaient la terre avec confiance et tous également lançaient des regards inquiets vers le ciel. Une tempête, une pluie de grêle, ou pire encore un orage et l'ensemble de la richesse qu'ils avaient sous les yeux, pouvait disparaître. Une nuit suffisait. Et Irwin Le Paisible se savait impuissant contre la volonté des dieux. Il pria alors Le paysan, premier des trois, afin que les vendanges soient excellentes.

- Vous ne devriez pas prier le paysan avant chaque vendange, Irwin. Ou alors, c'est au Grégardal que vous devez aller vivre et non à Portagrel.

Surpris dans sa prière, l'intendant du roi se retourna. Eteerlmin, jeune mage de la sainte cité de Sidrith Adena se tenait debout devant l'entrée de la salle des fêtes. Comme tous les mages de la sainte ville, il était vêtu d'une coule, ceinte au niveau de son abdomen d'une ceinture en cuir noir. Une épée, lame longue, y était accrochée au côté gauche, une sacoche au côté droit.
Avec ses yeux saphirs, Eteerlmin sonda le regard d'Irwin. Il y lisait de la peur. Le duc redoutait ce que le mage allait lui annoncer.

- Ne vous en faîtes pas, votre Altesse, le roi Answald va bien. Le sang n'a pas encore coulé à Sceptelarion
- Mais cela ne saurait tardé.
- Vous m'avez l'air bien pessimiste.
- N'y a-t-il pas de raison de l'être ?
- Pour le moment, non.
- Non ? Un palhûre est devenu Premier régent du vieil empire, Eteerlmin !
- Je comprends que cela puisse être désagréable pour le royaume de Portagrel, intendant. Voir votre pire ennemi gouverner n'est jamais chose facile. Cela dit, les lois de l'Union demeure les lois de l'Union. Elle préserve la paix depuis bientôt cent ans. Rompez ces lois, et nous serons à nouveau plonger dans une guerre dont nul ne connaît l'issue. Après tout n'oubliez pas que le titre de Régent n'est qu'un titre honorifique !
- Merci de m'épargner, vos cours de politique. Je ne suis pas Roi de Portagrel, mais Duc du Doulieu. Dois-je vous le rappeler ?
- Nullement, votre Altesse.
- Alors pourquoi venez-vous me voir, jeune mage ?
- Pour vous ordonner au nom de votre roi Answald, d'arrêter la mobilisation de votre armée.

A ces mots, Irwin se figea. La chaleur ambiante qui régnait dans la salle des fêtes devint étouffante. Le duc du Doulieu se savait pris en flagrant délit. Il allait déclarer une guerre au nom d'un roi sans l'avoir averti auparavant.
L'aristocrate semblait ne plus pouvoir prononcer un seul mot.

- Comment avez-vous su ?
- Moi, je l'ai appris comme tout le monde, via le roi. Il paraîtrait que des espions du nouveau régent ait surpris des exercices militaires qualifiés de disproportionnés sur vos terres. Vous pensez bien que le nouveau régent n'apprécie guère, d'autant plus que vous êtes un voisin direct du val de l'Union...
- Je n'ai pas l'intention d'attaquer le val.
- Dîtes cela à qui voudra l'entendre. Toujours est-il que le régent se sent agressé, il a convoqué sa Majesté le roi Answald sur-le-champ afin d'obtenir des explications séances tenantes.
- Et qu'a répondu notre bon roi ?
- Qu'il donnerait l'ordre d'arrêter votre mobilisation.

Tout cela n'avait pas de sens. Jamais le roi de Portagrel n'aurait accepté de se faire dicter des ordres de cette manière ! Surtout de la part d'un régent qui n'avait aucun moyen d'appliquer ses volontés aux entités fédérés de la rives de l'Ouest. Pourquoi Answald aurait-il envoyé un mage ? Un membre de sa garde aurait suffi pour lui porter ce message. D'autant plus que le chevalier se serait abstenu d'une leçon de morale à son égard.
Eteerlmin était un jeune mage. Prometteur, certes, mais jeune nonobstant. Il connaissait quelques enchantements, il maîtrisait la connaissance. Mais force était de constater qu'il sortait tout juste de l'école d'Almonhar. Quelque chose clochait...

- Bien, ce sera fait, Eteerlmin.
- Je vous laisse l'ordre de mission sur la table.
- Pourquoi vous a-t-il envoyé ?

La question de l'intendant était sans équivoque. Eteerlmin sut dès lors qu'il ne pouvait pas lui mentir. Il s'apprêta à habiller la vérité de quelques mots doux mais Irwin le prit de court.

- Que se passe-t-il à Sceptelarion ? En tant normal, le roi informe ses ducs avec des chevaliers et non des mages.
- Je l'entends bien votre Altesse, mais...
- Ne mentez pas, Eteerlmin ou je vous en saurai gré.

Les gardes postés des deux côtés de la porte avaient dégainé leurs épées. D'autres ne tarderaient pas à venir.

- Le roi Answald a besoin de tous ces hommes dans la capitale. Vous n'êtes pas sans connaître les intrigues et les dangers de la cours, intendant.
- Je les connais pour les avoir moi-même souffert à Portagrel, mage. Vous n'avez pas répondu à ma question. Que se passe-t-il à Sceptelarion ?

Irwin était bouillonnant. La chaleur lui faisait perdre patience. S'il attendait quelques minutes encore, Eteerlmin n'osait pas s'imaginer quelle folie Irwin déchaînerait à son égard.

- Le duc du Tournant s'apprête à trahir le roi, finit par avouer Eteerlmin.
- Le duc du Tournant ?, répéta le duc du Doulieu.
- C'est cela.
- Pourquoi ne pas en avertir le roi, alors ?
- Vous oubliez qu'Ingmar Deltouq suit sa Majesté dans chaque recoin de Sceptelarion et que sa Majesté lui fait une confiance aveugle. Quand j'ai compris que le roi Answald ne m'écouterait pas, j'ai pris moi-même l'initiative de venir ici.

Irwin planta ses yeux dans celui du mage.

- Vous venez de me mentir. Vous ne venez pas de la part du roi. Le régent ne l'a jamais convoqué.
- Vous avez mis du temps à vous en rendre compte !
- Pourquoi faut-il arrêter la mobilisation alors ?
- Êtes-vous aussi bête qu'un Troll de haute montagne, Irwin Le Paisible ou est-ce le vin qui ralentit votre esprit ? Qui dirige la flotte de ce Royaume, Duc du Doulieu ?
- L'Amiral Dirk, mage
- Très bien, et de quel duché l'Amiral Dirk est-il originaire ?
- Le duché du Tournant...
- Bien et si l'Amiral Dirk avait à choisir entre le roi Answald et le Ingmar Deltouq, vers qui ira sa loyauté selon vous ?
- Ingmar Deltouq, conclut l'intendant pensif.
- Si Ingmar Deltouq ne possède, ne serait-ce qu'une seule occasion de démettre le roi Answald pour s'adjuger lui-même le trône de Portagrel, il le fera. Et si pour cela, il doit retourner la flotte de ce royaume contre le roi lui-même, le premier militaire à le suivre sera l'Amiral Dirk.

Irwin Le Paisible se dirigea lentement vers le bureau où Eteerlmin avait déposé l'ordre de mission. Il le prit dans ses mains, brisa le sceau et lut l'ensemble de la missive. Ce n'est qu'après coup qu'il se rappela que l'objet de sa lecture était un faux. Un rictus lui fit faire un sourire en coin.
Ce mage avait beau être aussi puissant qu'il était, il n'avait pas réussi à extirper le roi des griffes d'Ingmar Deltouq. En moins de quelques minutes, Eteerlmin lui avait livré toutes ses craintes...

- Je comprends vos inquiétudes, mage. Cependant, je ne peux pas suivre vos conseils.
- Votre Altesse, je vous en prie. La vie du Roi est en danger. Une fois, l'armée mobilisée, il suffira d'une mutinerie pour amener Portagrel dans le chaos. Si une guerre contre les Palhûres venait à se déclencher...
- Vous admettez que le risque d'une guerre est imminente.
- Oui, et nous devons demeurer unis. L'archiduc du Grégardal a fait route vers Zwaertgotten après que le nouveau régent ait été nommé.
- Une guerre se prépare.
- Et vous savez qu'Ingmar Deltouq a tout à y gagner.

Le duc du Doulieu s'approcha du foyer de la cheminée où des braises y étaient encore chaude. Il y jeta la fausse lettre du jeune mage et tourna les talons pour lui faire face.

- Vous m'attristez Eteerlmin. A défaut d'ordre, vous venez avec un mensonge. Je vous croyais moins extravagant que cela.
- Les circonstances ne m'ont pas laissé le choix...
- Parlons des circonstances, coupa Irwin. Vos inquiétudes sont fondées, une guerre arrive et le royaume de Portagrel changera bientôt de roi car je compte bien devenir le premier conseiller d'Ingmar Ier.

Et sur ces mots, le duc du Doulieu sortit un poignard.

Avatar de naniquolas naniquolas Mode Lecture - Citer - 05/09/2014 22:14:19

J'aime ! Ce petit aperçu d'histoire est déjà bien riche en intrigues politiques et trahisons^^. S'il y avait une suite, je l'aurais bien lue !
Le premier paragraphe est un peu lourd ( par exemple "Le soleil y dardait ses rayons avec une intensité rarement vue de mémoire d'homme" --> gagnerait à mon avis à être dit plus simplement) par moment, mais bienvenu pour planter le décor.