Je vois la fleur sur le talus, le caillou sur lequel je dérape
Il y a des morts sur la route, je sais mais je ne les vois pas
Je vois le soleil qui se lève, je vois mes pieds qui se relaient
Les pieds aussi des quelques autres
Qui marchent à mes côtés
Longue route, le passé
Longue route, le futur
J’entends au loin des coups de feu, j’entends des gens qui font l’amour
J’entends je marche sans faire de bruit, parfois sans en avoir envie
Je vois le soleil qui se lève, je vois mes pieds qui se relaient
Je marche et je respire encore, j’existe un peu de rire trop fort
Je ne ris pas des morts
Petit bonhomme vaste chemin
Pavé d’autre sang que le mien.
Eh oui, je suis productif, en ce moment ! En même temps j'ai l'impression de ne pas arriver à dire vraiment ce que je voudrais. Des trois poèmes que j'ai postés aujourd'hui, celui-ci est celui qui me plaît le moins, mais je voulais quand même avoir vos avis.
Moi je l'aime bien! il est triste mais en même temps ce bonhomme a du courage de se relever, de continuer de marcher sur une route sanglante. Mais il y a une partie que je n'est pas compris, "j'existe un peu de rire trop fort "
"J'existe un peu de rire trop fort" --> Celui qui marche n'est pas parfait (trop fort, donc c'est un défaut, il se force un peu peut-être) et ne fais pas forcément grand-chose (à part marcher, et rire de temps en temps), mais ces moments de joie le font exister aussi, ce n'est pas que par la lutte, l'héroïsme ou l'amour fou qu'on peut "exister". Je ne sais pas si c'est plus clair^^.
Oh là là... C'est bien triste, tout ça. Heureusement que c'est joli ! Je pense, moi, que des trois que poèmes que tu as postés, celui-ci est celui que je préfère. On peut tous, à mon avis, s'y retrouver, c'est le plus universel des trois, c'est un poème sur la vie. Ton poème évoque, entre autres, la passivité (surtout dans la deuxième strophe, où le protagoniste ne fait rien)... Et pour moi, ce rire forcé est une manière de se prouver qu'il existe bel et bien : à part sa marche (automatique) et sa respiration (qui l'est aussi), c'est sa seule action, peut-être la seule action délibérée du personnage, de l'homme (société sexiste oblige, désolé, j'imagine un homme), de l'Homme (?). J'aime beaucoup ce rire, on peut y voir plein de choses selon le rire qu'on entend : joyeux, sarcastique, cynique, d'auto-dérision, nerveux...
Le rythme est toujours présent, ici lancinant, marquant, entraînant...
Bref, merci pour ce poème, très réussi ! J'ai pris mon temps avant de les commenter, parce qu'ils m'avaient tous les trois marqués à la lecture, et que je ne voulais pas le faire à la va-vite, entre deux obligations...
J'aime bien tes commentaires parce qu'ils me font souvent voir mes textes sous un nouvel angle (tu as expliqué le vers sur le rire mieux que je ne l'aurais fait^^). Merci !
Je ne sait pas pourquoi, mais j'ai moins accroché sur celui-là. Plusieurs fois que je le lis et pareil. Il ne me remplit pas comme tes autres textes peuvent le faire. Peut-être plus tard?
Peut-être parce que justement c'est un texte un peu "général", pas très focalisé. Ce qui me frustre un peu c'est qu'en le relisant j'ai l'impression (en termes cinématographiques) d'un plan très large, filmant comme depuis un hélicoptère un bonhomme marchant sur une route. A l'origine je cherchais plutôt un plan rapproché à portée très très large (Mmh, bref^^)...
je ne suis pas sûr de comprendre ton "plan rapproché à portée très très large", mais ça m'a fait rire
En termes filmiques, je l'imaginerais en alternance de plans très larges, en hélico, et de plans rapprochés subjectifs, qui ne montreraient que les pas traînants du marcheur et le sol qu'il foule, sanguinolent. Il faudrait un gros travail sur la bande sonore, par dessus une respiration difficile, forcée, très forte. Peut-être des battements de coeur.
C'est vrai que c'est très cinématographique... Et ça me parle pas mal, en fait. Peut-être que le fait que tu as du mal à t'exprimer et à cerner ce que tu veux dire va avec le sujet et est une des meilleures façons d'exprimer le sujet ?
J'aime beaucoup beaucoup.
Il y a un rythme qui correspond exactement aux pas qui se relaient (cette image est parfaite)
Cinématographiquement, je vois une vue plongeante sur ses pieds. Et, j'entends tout ce qu'il y a en filigrane dans le texte.
Par contre, je ne suis pas convaincue de la fin. Je suis sortie du poème à l'antépénultième vers. En le relisant, finalement, ce vers ("je ne ris pas des morts" a son sens parce qu'il vient rompre le rythme. Si j'aime bien les deux derniers vers en tant que tels, je trouve qu'ils sont déconnectés du reste du poème. Est-ce qu'il ne vaudrait mieux pas s'arrêter d'un coup sec sur "je ne ris pas des morts". Par cette rupture franche, je pense que ton texte gagnerait encore en puissance.
C'est vrai que les deux derniers vers peuvent manquer de peps, mais au niveau du sens j'y tiens vraiment : l'idée de départ de ce poème était la culpabilité de ne pas être à la hauteur des sacrifices qu'on fait d'autres gens pour nous permettre d'en arriver là, et ces deux derniers vers plus généraux sont une porte ouverte vers ça.