D'accord!! Bon bah j'envoie vite le chapitre 5 avant que tout le monde ne parte!
Le week-end passa, et David retourna à la Space Nation le lundi matin. Après avoir assisté au lancement d’un satellite vers Pluton, il traversa le complexe en direction de la TXZ. Dans le bois, il put apprécier une nouvelle fois le travail de camouflage des ingénieurs. Une fois à l’intérieur, il but un jus de fruit du frigo de la salle de repos, puis passa à l'autre salle. Dans le noir, il sélectionna «activer ligne de vie» sur son badge, et les lignes vertes firent leur apparition.
Sur son badge s’afficha une liste d'options si grande, qu’elle était divisée en plusieurs dizaines de thématiques différentes. Il choisit «Dossier Mars». Là encore, plusieurs options s’offrirent à lui. Il choisit la première. «Départ». Le bruit de perceuse se fit entendre, et les lignes vertes disparurent.
Un film projeté holographiquement débuta, permettant à David de revivre comme si il y était chacune des étapes passées qui permettaient aujourd'hui son voyage. De la première sortie de l'homme dans l'espace, Youri Gagarine, en 1961, jusqu'au projet d'atteindre Mars.
Puis, des images de synthèse apparurent, du Pôle Nord et de la navette dans laquelle voyagerait David. La voix qui accompagnait et expliquait chacune des scènes donna la date du 16 juin 2038 pour le décollage vers le Pôle Nord, et le mois d'Octobre pour le départ vers Mars. David se boucha les oreilles en souriant, puis s'accroupit. La navette prenait son envol à quelques dizaines de mètres de lui. Le bruit était assourdissant. Elle quitta le sol, puis David vit d’en dessous le feu de son réacteur en pleine fusion.
-C’est le bouquet final, comme dans les feux d’artifices! s'exclama-t-il.
Quand la fusée ne fut plus qu’un point dans le ciel, l’animation s’arrêta. David avait les oreilles bourdonnantes. Les lignes vertes réapparurent. David se mit debout, et s’étira en baillant. Il avait l’impression d’avoir vu un film au cinéma et de devoir se diriger vers la sortie. Il prit son badge.
«Recommencer?»
Il avait bien envie de le faire, mais seulement pour revoir la fin, le décollage. Cependant, il n’était pas bien sûr qu’il puisse regarder cet extrait sans regarder l’animation en entier, et il commençait à avoir faim. Sa montre affichait déjà douze-heure. Il sortit et se rendit à l’espace de détente.
Il ne ressentait pas le besoin d’être seul pour le moment. Il alla au self où un grand nombre d'employés étaient en train de manger, et fit la queue à la boulangerie avant d'y demander un sandwich au poulet. En regardant la boulangère le préparer sous ses yeux, il pensa à tous ces centres commerciaux où le métier de boulanger avait pratiquement disparu au profit de machines automatisés. Certes, tout était bien plus rapide, mais pour David, rien ne valait le sourire d’une femme heureuse de faire son travail. La Space Nation fait vraiment bien les choses, pensa-t-il, en voyant ces mains gracieuses poser les différentes tranches dans un ordre qu’elles connaissaient par cœur.
-Voilà! dit la boulangère, en lui tendant son sandwich.
-Merci beaucoup.
David n’avait qu’à passer son badge devant le lecteur à la caisse, et un maigre dollar était retenu sur sa prochaine paye. Il fut une époque, non très lointaine, où la nourriture était proposée au frais de l'agence.
«A force de proposer des services gratuits, les gens voudraient qu’on leur paye même leurs courses, et une console pour leur gamin!», s'était exclamé un jour Ordner, furieux après un conseil d'administration, que la majorité des idées recueillies dans la «boite à idée» était que la Space Nation commande des bons d’achat pour ses employés. L’effet avait été inverse, car chaque chose était devenue payante.
«C’est ce qui s’appelle resserrer la vis», avait dit Ordner, en mimant lentement le geste, après un nouveau conseil, durant lequel cette règle avait été instaurée.
David alla s’asseoir seul à une table, puisqu’il n’avait reconnu personne qu’il connaissait assez pour partager un repas. Dans le brouhaha et les discussions incessantes, il était encore sur le coup de ce qu’il avait vu. Le décollage. La phrase de Thomas N'Guyen lui revint.
«Vous avez de la chance, David».
-C’est vrai, se dit-il doucement à lui-même en hochant la tête.
«Personne ici ne sait que j’ai à ma disposition un truc énorme, et pour moi seul. J’ai cette chance, tant mieux pour moi. Une chose est sure, je ne vais en parler à personne. Attirer la convoitise serait tout simplement méchant.»
Il sortit son badge, et sélectionna «Dossier Mars», puis «départ». L’animation commença, et David allait chercher le moyen d’avancer la vidéo, mais l’éteint finalement. L’image, sans aucun relief, était si petite, et le son si médiocre, que cela ne servait à rien de le regarder maintenant. «Bon, maintenant on va s’asseoir, et observer un peu les gens», pensa-t-il. Son grand-père disait toujours cela comme excuse, quand il avait trop mal aux jambes pour continuer à se promener avec David.
-David!
La voix venait de derrière lui. Il se retourna. C’était la jeune femme qu’il avait rencontré avant l’entrevue avec Ordner. Elle tenait un plateau et semblait hésiter à venir, car elle s’apprêtait à s’asseoir avec d'autres personnes à une table juste derrière celle de David.
-Venez-vous asseoir, dit-il en désignant les chaises vides face à lui.
Elle s’excusa auprès de ses collègues, et le rejoint.
-Pardon, mais j’avais oublié de vous demander votre nom. Je n’arrête pas d’oublier en ce moment, j’ai un peu la tête en l’air.
-C’est Laura, dit-elle, en commençant son entrée, du saumon sur du pain beurré.
-Laura. C’est enregistré.
Laura se donnait à cœur joie de manger son pain.
-C’est vraiment bon. Vous voulez goûter?
Il lui montra son sandwich.
-C’est tout ce que vous mangez? C’est rare chez les hommes.
David jeta un œil au plateau de Laura. C’était le même que se ferait Mary, avec une assiette de pâtes à la bolognaise, du saumon et de la crème glacée, à la différence que chaque portion était pratiquement doublée. Il voulu lui dire que c’était rare aussi qu’une femme mange autant, mais se retint.
-C’est vrai, c’est rare, mais ce n’est pas toujours comme ça. Ça dépend des jours, et du travail que j’ai fait dans la matinée, il répondit finalement.
-Et qu’est-ce que vous avez fait ce matin pour manger si peu?
-Je ne peux pas vraiment le dire…
-Pas grave, je sais que des gens font des travaux, un poil secret. Si c’est votre cas, je ne veux rien savoir. Je suis honnête moi, dit-elle, sans avoir perdu son sourire. Puis elle attaqua ses pâtes.
David lui répondit d’un sourire gêné en hochant la tête, pour lui signifier qu’elle voyait juste.
Voir une femme qui mangeait avec tant d'entrain le faisait rire intérieurement.
-Alors, vous avez réussi à régler votre erreur de la dernière fois, avec Total?
-Oh oui bien sûr, dit-elle avant de beurrer un morceau de pain d’un coup de couteau et de l’avaler. Elle mâcha rapidement et expliqua, la bouche à moitié pleine:
-Comme je crois vous l’avoir dit, j’avais évité de justesse la cata. Après ça, j’ai passé mon temps à négocier avec Essor, puis voilà, le traintrain quotidien. J’ai perdu une demi-heure de ma pause de midi. La seule chose qu’on peut tirer de positif là-dedans, dit-elle en pointant son couteau vers lui et en finissant de tout avaler, c’est l’appel du gars de Total. Le commercial avec qui j'avais négocié.
-Il vous a rappelé?
-Pire que ça. Quand j’avais annulé la transaction, j’ai senti qu’il était énervé, mais il m’avait parlé normalement, en ne me disant rien de méchant vous voyez…
David acquiesça.
-Mais, il m’a rappelé après. J’étais en pause, et lui aussi était en pause je crois, dit-elle en semblant attendre son avis.
-C’est possible.
D’un coup, elle empoigna sa fourchette, prête à revenir sur ses pâtes.
-Et pas avec le même ton que la première fois, dit-elle, en baissant la voix et en approchant son visage le plus près possible de celui de David. Puis elle se redressa.
-Je crois qu’il l’a fait de son portable, car le numéro de Total ne s’est pas affiché. Il me fait un truc du genre (elle se mit à grimacer, semblant parodier le visage du commercial):
«T’es vraiment qu’une conne, tu m’as fait perdre mon temps, tu sais pas qu’est-ce qu’on nous fait ici, quand on perd son temps!» Et il raccroche.
-Ah oui? demanda David, de plus en plus amusé pas cette femme.
-Oui, répondit-elle calmement. Vous voyez, on ne sait jamais ce que les gens cachent vraiment au fond d’eux…
David sourit. Justement, il se demandait s’il aurait été bon que Laura sache ce qu’il pensait d'elle en ce moment.
-On ne sait jamais, effectivement.
Laura haussa les épaules comme pour dire «tant pis», puis mangea ses pâtes, beaucoup plus calme et pensive. David vit Thomas N'Guyen au loin. Il s’installait à une table en discutant avec des collègues, toujours aussi souriant. Laura le sortit de ses songes.
-Je sais pas si vous êtes au courant, mais on envoi deux hommes sur Mars...
David eut un léger sursaut, qu’elle ne remarqua pas, car elle semblait observer quelqu’un ou quelque chose sur le côté.
-… Qu’est-ce que ça vous fait? Ça doit surement vous faire quelque chose, à vous qui avait fait la simulation…
-On envoi quelqu’un sur une Mars? demanda David, à la fois pour feindre la surprise, mais aussi pour savoir comment elle l’avait su.
-Oui, je l'ai vu sur mon badge. Il y a une sorte de conférence de presse en fin de semaine. Vendredi je crois.
David soupira.
-En fait, je le sais... dit-il, déçu de lui mentir.
-Ok, répondit-elle, comme si cela n’avait aucune importance.
-Vous m’aviez demandé ce que je faisais ce matin, et bien je vais aussi vous le dire, à condition que cela reste entre nous, jusqu’à ce vendredi. Je prépare ce voyage. Car je suis l’un de ces deux hommes.
Elle le fixa un instant.
-Pas vrai?
-Si.
-Excusez-moi, mais c’est encore possible à votre âge? Excusez-moi, mais la question mérite d’être posée.
-Merci...
-Oh non, ne le prenez pas mal.
-Je ne le prends pas mal, rassurez-vous. Oui, à mon âge c’est encore possible.
-Mais c’est génial… Donc c’est vous!
-Oui, avec un autre.
-Donc, vous avez fait, la simulation, puis après le vol.
-Je n’ai pas encore fait le vol…
-Oui mais bon, c’est comme si…
-Mais je ne suis pas encore prêt, vous voulez savoir pourquoi?
-Oui?
-C’est moi qui confére, mais c’est vous qui connaissez la date de la conférence.
-Oui, mais bon… Je veux dire, c’est pas grave, moi j’ai reçu l’info à onze heures, si vous vous prépariez, c’est normal que vous ne l’ayez pas vu...
Chaque employé disposait sur son badge d'un onglet «informations collectives» qu'il se devait de vérifier régulièrement.
...Il faut relativiser… Vous devez vous entrainer physiquement, je présume?
-C’est ça.
-Vous devez surement le faire à l'espace de détente. Moi, si vous voulez, je travaille pas demain après-midi, je pourrais vous y retrouver et vous aider à vous entrainer…
David allait trouver une excuse pour lui dire non, à cause de la TXZ, mais il commençait à bien aimer sa compagnie, si bien qu’il accepta:
-Oui, pourquoi pas. On se rejoint ici, comme aujourd’hui, puis on y va.
-Ça marche.
Elle commença sa crème glacée.
-Quel âge vous avez?
-Moi? 27 ans pourquoi?
-Non, pour pas grand-chose. Seulement, j’ai un fils de 16 ans, et il utilise souvent ce mot. «Ça marche».
Laura opina, mais ne prit pas la peine de répondre.
Plus tard, David retourna à la TXZ. A l’intérieur de ligne de vie, il sélectionna «présentation». Le bruit de perceuse retentit, et une animation commença. Elle lui expliqua qu'il y avait vendredi une conférence de presse diffusée dans cinquante-quatre pays, et sur les chaines Intranet et publiques de la Space Nation. David et son compagnon y seraient présentés au monde. Après l'animation, David se sentit fatigué. La digestion de son sandwich lui avait donné envie de dormir. Il avait envie de s’entrainer, mais il pensa qu’il fallait mieux attendre demain, pour être en meilleur forme, l’invitation de Laura tombant à pic. Il hésita encore un moment, puis quitta la TZX.