Chant du loup garou à la lune
Ainsi te voilà face de lait, fourbue d'avoir trop dormi, tout le jour, dans ta torpeur de toupie. Ton oeil pâle et globuleux est déjà sur moi, sourd, m'entretenant de ses inébranlables projets. Lune, je sais, ton étreinte lumineuse règle le déroulement de ma nuit.
Tes promesses, sans envies, désireuses de rien, moulues dans tes lubies, me franchissent, inconséquentes. Ectoplasmes silencieux, dont même l'ancien écho qui autrefois galvanisait, s'est perdu.
Mire, ma mie, mon impie, ma terrible amie : vois, mes os droits et blancs se restructurer en crépitant. La mue est brève mais son goût est charmant. La partition, bien rodée, apporte ses lampées de sang. Car rien n'enraye ton disque blafard, punaisé au ciel comme un papillon annonceur de printemps. Triste augure pour celui qui hiberne, et qui crève de vivre encore un an. De suer sa vie, de dégouliner d'émotions jusqu'au morbide du sentiment, et finir flétri, desséché d'avoir trop vécu. Comme tout le monde, comme les gens dont les chairs dévorées emplissent ma panse goulue de loup dépravé. Ils nourrissent tes songes, ô Lune, reine des fantasmes inassouvis. Jamais tu n'es rassasiée et ton désir est croissant. Ce soir encore, mortifié, et sous ton commandement, je vais mordre nos meurtres machinalement. Jusqu'au matin, je mâchonnerai des morts, qui chanteront dans ma gorge déglutissant.
Lune, je hais ton éclat transparent, dont le dard tricote sans mollir ma transformation jusqu'à son terme. Les poils fleurissent sur ma peau comme une forêt de parasites. Ils ondulent, exaltés sous la caresse du vent, et me recouvrent comme une mère borde son enfant. « Ne regarde pas, ferme les yeux, petit être. Les tripes, les foies, les entrailles : ce n'est pas pour toi. Pas pour l'instant peut-être.»
Eperonné par ton gros oeil insistant, ô Lune carnassière, je vomis les dernières parts d'humain en moi. Déjà, je suis le Loup, avide, et brûlant de dévorer tes moelleux quarts blancs.
(premier essai à la prose ^^)
