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Arbre

Le Temps des Rêves

Parce qu'on oublie parfois de chanter la vie, je vous écris cela, au beau milieu de la nuit, je vous écris ces mots qui sont bien au-delà des mots, incarnation d'un sentiment plus fort, plus lointain, plus grand, plus proche, insoluble et éternel.
En regardant le ciel de la nuit, parfois, dans ses reflets bleus, ou violets, ou lorsqu'il est parsemé de nuages, j'y vois vos allures chatoyantes ondulant dans l'absolu, côtoyant les étoiles. Et je pense à vous. Je veux que vous sachiez, quelqu'un pense à vous, et je donne à la lune ces mots pour vous "bonne nuit !" Elle transmet le message au vent, qui se faufile partout pour vous chuchoter. Quelqu'un pense à toi ! Dit-il, quelqu'un t'aime ! Il a vu tes ombres, il sonde tes angoisses, et il t'aime.
J'aimerais me noyer. Afin qu'à jamais, dans le refrain du ressac, il y est un peu de moi dans l'eau qui vous contemple quand vous contemplerez les vagues. Ma voix sensuelle devenue cristal liquide vous murmurera, à travers l'étendue, des paroles apaisantes. Que la beauté étincelle avec les gouttelettes et que vous riiez de bonheur. Oui, je veux cette eau partout, comme votre âme, qui rayonne de sa propre splendeur. Vous êtes beaux ! Enfants du jour ou de la nuit, des étoiles ou de la mousse, du ciel ou des rivières, vous êtes beaux ! Regardez vos regards. Le fond de vous est parfait. Il y a ces fées qui dansent dans vos pupilles, ces anges aussi, et toutes ces créatures étranges, mystérieuses, effrayantes parfois, incroyables d'inconnu, et je pense à vous comme à l'abîme d'une eau sans teinte, invisible comme un voile de pureté recouvrant l'Immense.
Je me demande si l'on peut avoir assez d'amour pour réparer vos ailes, froissées, fracassées ou parfaites et flambantes - oui, même elles, ont besoin d'amour !, et serein, je me sens disparaître en vous contemplant au fond des eaux, à sa surface, dans chacune de ses particules mouvantes.
Immobile, mon âme s'élançant. Dans toutes les directions. Mes jambes deviennent racines gigantesques, mes bras des branches solides et lointaines, mon torse un tronc ambiguë, mon crâne et mon visage un multiple et superbe feuillage. Et m'étendre. Dans toutes les directions. M'élancer, jusqu'à ce que mes racines recouvrent et portent le monde, veillant partout avec les autres arbres, entendant toutes les pleurs et que personne ne soit oublié ; mes bras devenus branches, gardiennes du ciel, des nuages et de la pureté de la pluie, et mon feuillage reliant le monde aux étoiles et à l'infini, afin de ramener dans la sève et mon sang, les échos de l'Ailleurs et de ses voix, passant dans les branches puis les racines, chantant sans cesse que vous n'êtes pas seuls. Chantant pour tous, pour chacun, tous les êtres.
À toi ange déchu, à toi fée riante, à toi poétesse mystérieuse des nuits, à toi rose froide et magnifique, à toi lance de courage, à toi éclat d'intelligence, à toi qui même ne croit plus en rien, à toi admirateur de la mort, à toi contemplatif du vivant, à toi qui rie sans fin, à toi qui pleure toujours, à toi qui marche en trébuchant, à toi qui cours sans t'arrêter, à toi qui attends, à toi qui regarde et aime, à toi qui souffre et déteste en bandant les yeux de l'amour, à toi même qui croit ne rien valoir, à toi qui est tout, à toi qui oublie ton âme un peu trop, à toi qui la rend exquise et la fait rayonner, à toi.
Et moi.
Et mon corps émacié par le froid.
Je sens une mécanique sourde et froide qui me broie les os ! J'ai mal et je me tords, et je vois les visages démoniaques. Un peu effacés, distordus, hurlant, ricanant ou pleurant des absurdités horrifiques. Et je sais que vous les voyez aussi parfois.
Je sens l'étau froid qui prends mon corps et le glace. S'emparant de mon âme, main maîtresse, main de fer implacable, je deviens une lame froide et insensible. Tout s'évapore lorsque l'acier bouillant heurte la bassine d'eau glaciale. L'arme est redoutable, souple et intransigeante.
Quelques sentiments miroitent encore sur son tranchant bleuté ou ses parois luisantes.
Et si sombres.
L'émotion éclate dans ses parures de sang, de peur et de douleur. Elle déchiquète et disperse, détruit et achève.
Elle est un souffle, cette lame, respiration.
Domination. Harmonie parfaite, force irréductible.
Chaos surgissant. Ondes qui se répercutent sur toute sa surface.
Brisée.
Morceaux disparates rampant dans le sable.
Acharnement vain.
Noir théâtral et douleur.
*

Un enfant joue sur les murets de tes certitudes. Il connaît déjà la peur, la souffrance, il sourit pourtant encore. Sauf si peut-être est-il déjà trop pourrit. Quel jeu aimais-tu ?
Balance-toi.
A quoi pensais-tu ?
Jaillissement de tonnerres joyeux.
N'ai plus peur de dire. Et amuses-toi. Prends soin de toi s'il te plaît. Je pourrais dire vous, mais c'est à toi que je parle. Quel que soit les lettres de ton nom ou l'alphabet qui les dessine. Peut-être même as-tu un nom qui ne peut que s'entendre. Ou se toucher.
Les âges n'effaceront pas ma voix effleurant l'Océan. Chaque vague relayera mon appel. J'y crois. Qui que tu sois, qu'importe l'époque, la langue ou les coutumes. N'oublie pas...
Je t'aime.