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Arbre

Le Temps des Rêves

Co-écriture automatique (un jour, je m'arrêterai ^^) by UnAutreLapin et poulix


Y a comme un truc dans ma tête. Quelque chose qui doit sortir, jaillir, aller trouer le soleil ou la pluie, toutes les gouttes, toutes les vies.
Y a comme un truc qui se jette sur le soleil, et joue avec ses rayons. Un bruit de bicyclette ou de camion à roulettes. Comme si j'avais envie de redevenir gosse, quand il suffisait d'hurler, de pleurer et d'aller manger les jupes de nos mères quand il y avait trop de guêpes dans l'esprit.

Les guêpes elles m'embêtent, maman.
Les guêpes, elles m'emmerdent, disons le franchement.

Mais en même temps, en même temps, elles font pousser les fleurs, celles que parfois, je peux offrir du bout du coeur. Celles qui ne poussent pas dans les champs de neige pure mais dans les tas de fumier, les décharges publiques. Cette décharge de l'Est de la France où nous allions enfants, ramasser des trésors, jeter des bicyclettes et en ramener des camions fracassés. Je suis sûr que c'est à cause d'elles, de ces monstres piquants, que les camions meurent dans l'Est. Qu'ils crient comme des pachydermes et s'écroulent en tas d'ordures. On les retrouve sur les routes, un essaim de mouches mortes dans le ventre, dans les roues et dans la lunette arrière. Et on fait un écart, sur le côté gauche, on tourne le volant. Et on meurt. C'est rapide.
Je les vois bien, moi, les bestioles. Regarde cette voiture, elle en grouille. Ca fait du bruit, ça ronfle et ça grince. Et ça gueule quand les voitures s'entassent.

Et y'a des guêpes dans ma tête ! Maman, viens, viens m'aider et m'enrouler dans ta moustiquaire de gestes.

J'ai envie de courir jusqu'au bout du chemin, jusqu'au bout de mes doutes pour tomber, oui, tomber, toujours tomber. Et comprendre. Oser. Partir. Mais là j'peux pas ! Trop de mouches. Ma tête en est lourde, elle ne peut que rouler, à bouffer la poussière. Rouler, rouler, dévaler les pentes, se salir de tous les mots, de toutes les charognes qu'elle rencontrera sur son passage. Rouler et puis... tomber. Tomber, tomber, oui, tomber, toujours tomber. Il y a bien quelque part où le monde s'arrête de bourdonner, où l'essaim prend une pause ou un changement d'air.
Moi j'ai essayé de changer d'air. Insecticide ils disaient dessus. Ben on tombe, mais pour se relever en vomissant. Expérience peu concluante. Pire, les guêpes ont attaqué. Il y en avait partout. Autant dedans qu'en dehors. Courir pour viser un trou dans le ciel et s'y cacher.

- Dis, on joue à cache-cache ?
- Oui.

Tu ne crois pas qu'on passe sa vie à jouer à cache-cache, à se chercher et se camoufler ? Histoire de croire qu'on n'est pas transparent comme l'air ou l'eau, qu'un seul regard ne suffit pas à nous percer et qu'il faudra attendre des heures, des jours, des mois, des cris dans le jardin avant que la vie ne nous surprenne, qu'une guêpe, soudain, nous interpelle. Rejoins-moi. Rejoins nous. Viens bourdonner aux oreilles des gens, vivre libre et leur faire peur. Vivre libre... on y croit tous. Viens les assourdir de notre chant dissonant. Ils te haïront, mais qu'en as-tu à foutre, hein !

La violence ne résout rien. Je te l'ai pourtant déjà dit. Et effacer tes pensées ne t'aidera pas à avancer.

Peut être, mais je te hais. Tu me casses les pieds, les neurones et le cou. Je voudrais bien te casser les pattes, la cervelle ou la nuque... Mais t'es trop petite. Ou trop nombreuse. Et ça sert à rien. T'es une hydre, une espèce de chimère vaporeuse et putride. C'est gênant du coup. Ca pue dans ma tête. C'est sûrement les guêpes. Ou autre chose que je n'ose m'avouer.
Y'a comme un truc dans ma tête, qui pue et qui m'explose. Ca, je le sais. Il faudra qu'il sorte un jour, qu'elle sorte peut-être. Faire un trou. À la perceuse. Ou au foret à main, si c'est pas trop épais. Juste dans le creux de la tempe. Ca fait mal, je le sais, j'ai essayé hier. Se faire des trous et tenter d'essuyer le sang avec des mots. Combler le vide de ce petit bout de crâne avec des clous ou autre chose. Les mots, ça fait moins mal.
Il faudrait que j'arrête. Il faudrait qu'on arrête. De se tuer mutuellement. Il faudrait être libre. À coups de marteaux et de scie à métaux. Certains alliages se brisent facilement. Ne réfléchis pas. Crée. Ne réfléchis pas. Ou les guêpes resteront. Ne fléchis pas, et croîs. Quand tu seras plus grand, les guêpes se sentiront seules dans ton corps déformé. Je suis sûr qu'elles n'aiment pas les espaces vides. Elles aiment la foule, les êtres qui s'agitent à l'infini dans le bruit clinquant de tes habits fripés.
Elles aiment ceux qui leur ressemblent. Faut arrêter de jouer à la mouche, de te nourrir de charognes, aussi ! Faut arrêter de jouer dans les décharges, faut aller voir les blés et leur chevelure bleue les soirs d'hiver qui n'existent pas (ou pas encore). Plonger dans des mers d'encres. Tu en sortiras noir (ou peut être bleu Klein).
Les couleurs sont des illusions. Ca, on te le dira plus tard. Quand on te mentira un peu plus. Un peu plus chaque jour. À coup d'injections homéopathiques. Le mensonge ne s'apprend pas. Il se subit. En intra-veineuse, comme on injecte les guêpes. Par dards entiers. Dans le biberon vital. Par les yeux ou par le sein.

Ne pleure pas.
Ne mets pas de pluriel.
Tu es seul.
Ce n'est pas un problème.
Moi aussi.

Comme on injecte les guêpes...
On peut aussi injecter le soleil. Un rayon du moins. Du miel, en moins collant.
De l'optimisme à la petite cuillère avec un regard en fleur.
Je m'en suis injecté. Je suis seul, moi aussi, et alors. Et alors ? "Vivre libre, c'est aussi vivre seul" disait l'homme à la barbe grise et pleine de fleurs (ou de boue?). Ou disait-il l'inverse ?
Le soleil pourra te le dire, si tu lui cours après, je te jure. Je te jure que, je te jure que, j'ai les poches trop pleines. C'est pour ça que je t'envoie parler au soleil. Mais vas-y, vas-y. Cours donc derrière lui.
Ok, il est un peu distant. Mais c'est pas un type froid ! Il brille, brille, brille...
Jusqu'à l'apocalypse.
Mais il sait, lui, ce que c'est d'être seul. C'est pas un tas de guêpes bruyantes.
Sauf les jours d'éclipse.