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Arbre

Le Temps des Rêves

Des pas dans une nuit lumineuse, entourés d’arbres aux ombres changeantes. Les branches tentent d’obstruer la douche argentée que me procure l’Astre nocturne.

Un nuage de lait se lève par-dessus les champs et m’accueille à la sortie du bois. J’en avale des petites gorgées. Il y a comme un goût de vie, une saveur de respiration terrienne.
Je distingue à peine mes doigts lorsque je tends les bras.
Le nuage entoure mes phalanges de volutes écrémées.

Une vache meugle au loin, jalouse de ne pouvoir égaler un tel spectacle avec ses pis.
J’entre plus profondément dans ce dessert aérien et m’en rempli les orbites, les narines et les poches, du pantalon et celles sous les yeux.

La Lune a arrêté sa course.

Plus j’engloutis cette masse soyeuse, plus je m’allège.
Je donne un petit coup de talon et mon corps décide de ne plus retoucher le sol froid.
Je grimpe petit à petit, au même rythme que des plumes couvrent mon visage, mes bras et surement le reste mais mes habits m’empêchent de les voir. Je ressens juste le bruissement qu’elles produisent en s’entrechoquant contre le tissu. Un édredon humain au milieu de la brume envahissante.
J’arrive au dessus du nuage de lait et m’allonge dessus, observant la Lune, sourire aux lèvres, elle comme moi. J’allonge mes jambes, m’étire et m’enfonce doucement dans ce matelas incongru qui épouse mon corps sans le brusquer.
De temps en temps, inconsciemment je plonge ma main dans le nuage et en ressort une petite boule semblable à une mini pelote de laine que j’avale goulument.

Un léger vent commence à me chatouiller pour m’inciter à un décollage.
J’approuve et appréhende.

Je retourne dans le nuage et me secoue tel un moineau dans une mare pour bloquer des petits morceaux délicieux sous mes appendices duveteux, comme des petits carrés de sucre glace.
Je laisse juste dépasser ma tête.
La Lune m’encourage de son regard bienveillant.
Je bats mes ailes, doucement au départ pour apprécier l’air de la nuit se faufilant entre mes plumes puis de plus en plus vite.

Je me sépare du nuage et sens la métamorphose continuer son œuvre : mes lèvres se durcissent et s’allongent pour former un bec, mes cheveux s’envolent encouragés par un duvet naissant et grandissant, mes pupilles s’agrandissent.
Je suis dans les cieux ; je suis bien.
Mes os se rétractent, je m’allège et rapetisse. Je me faufile par une des mes manches.
Sous l’ombre bienveillante de la Blonde je pirouette et saltote, enchaine les tonneaux et autres vrilles, je m’élève pour mieux plonger et raser le nuage du lait, qui semble tout prêt à me rattraper si je tombe. Je coule, glisse sur le vent. Je me projette, m’enivre et mélange mon duvet à la nuit et à la lumière de Sélène.


Je ne vois pas le temps s’effiler et déjà les premiers rayons du soleil percent timidement l’horizon.

Le nuage s’éclipse petit à petit en une brume s'évanouissant dans l'aube.
Je poursuis mon vol jusqu’au village.
Je me pose sur le bord de ta fenêtre.
Tu t’étires.
Tu es belle.
Je te regarde te réveiller avec des morceaux de songes encore dans les yeux.

Pour toi je suis parti ; pour moi je serais là tout les matins, sur ce rebord de fenêtre.
Je jouerai mon chant rien que pour toi.
Ton chant.

Landès Mickaël
Le 29 novembre 2011
Avec l'oreille et le coup de patte d'unautrelapin

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