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Arbre

Le Temps des Rêves

OUVRIR : apercevoir ce que l’on sait.


Encore une fois on fait glisser nos doigts sur les profils coupants, blessants, des pages. Puis le geste fatidique. Une main à droite, l’autre à gauche. Pouces centrés, pour agripper le papier. On tire. On ouvre. L’odeur. C’est ce qui frappe notre nez pendant que nos yeux, rapides à la tâche, scannent la page. Si l’odeur plaît, comme souvent lorsque le papier est jauni, on approche le livre de nos narines. On vérifie que personne ne nous épie et on écrase le papier contre notre visage. On le respire. Et ses aspérités chatouillent la peau sensible de nos joues. Satisfait de sentir enfin ce que l’on attendait tant, on referme les pages les unes contre les autres. Puis un pouce délicat relève la couverture. Avant, avant ce qui nous attend, avant de partir, on doit faire nos bagages. On emporte d’abord l’illustration et la quatrième de couverture. Puis un titre, un nom d’auteur. Parfois, pour les curieux, un nombre de pages, ou des titres de chapitres. On tasse le tout dans un incipit, ou une dédicace, des remerciements, une préface. Quand c’est prêt, le cœur battant, on tourne la page inévitable. Quel plaisir plus grand que celui de voir écrit, sur une page blanche, un titre ? Quelques lettres noires, seules, mais nécessairement à leur place. Quoique, le plaisir est peut être encore plus intense devant une première page, un corps de texte justifié et dense. Que l’on a du mal à retenir nos yeux de partir à l’aventure alors que notre esprit n’est pas prêt ! Cependant, il faut céder au supplice, et plonger. On ouvre un livre.