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Arbre

Le Temps des Rêves

Allez, je me lance.

L'ironie de l'histoire veut que j'écrive ces lignes en ayant à ma gauche une fenêtre, d'où l'on voit en contre-plongée la tour Total, siège social international de la compagnie pétrolière, et derrière elle, très partiellement... la tour Areva, siège social international d'un des plus grands exploitants de centrales nucléaires du monde. Bienvenue à la Défense, où trois cents mètres séparent la tour Areva de la tour... EDF. J'arrète là ma visite.

J'ai lu tout ce qu'il y a au-dessus, et j'ai pioché les citations qui vont jalloner mon argumentaire : je ne sors rien de son contexte, je m'appuie sur ce qui a été dit, et dans l'ensemble, je dois reconnaître que je m'y retrouve quand même plus ou moins. Mais pas totalement.

J'ai une admiration sans bornes pour la technologie. Je regarde avec des yeux d'enfants les trains, les avions, les viaducs qui font traverser le ciel au milieu de cette belle France, les immeubles qui montent sans s'arrêter vers les nuages, et tous les jours en allant bosser, je me dis que l'espèce humaine, aussi égoïste soit-elle devenue, est une espèce absolument fantastique par l'énergie et l'intelligence qu'elle peut mobiliser, quel que soit son but, noble ou pas.

Ne reniez pas Einstein mes amis, parce que sans lui et sans les hommes du projet Manhattan qui ont exploité ses travaux, la Seconde Guerre Mondiale aurait duré dix ans de plus. Parce que sans lui nous n'aurions déjà plus de pétrole. Parce que cet homme a repoussé une échéance inévitable en permettant jusqu'ici à l'énergie atomique de se substituer au pétrole et de nous éviter de crever d'asphyxie. Je commencerais donc par citer Jibouille :

[...]je n'accepte pas ces faux arguments consistant a dire que le nucléaire est propre ou acceptable[...]

Non, moi non plus. Parce que le nucléaire n'est pas une énergie propre, et parce qu'elle n'est pas une énergie acceptable. Mais merde, heureusement qu'on a pu la substituer au pétrole.

Au-delà de ça, j'ai un avis très arrêté sur ce à quoi va ressembler notre avenir : deux points.
Les centrales construites aujourd'hui, notamment l'EPR de Flamanville, puisse-t-il un jour être terminé, ce dont on finirait presque par douter, est conçu pour utiliser comme "combustible nucléaire" les déchets produits jusque là par les centrales nucléaires les plus anciennes. Ca ne justifie rien, mais ça donne une utilité à des déchets qu'on s'imagine comme étant parfaitement inutiles. Ils ne le sont pas. Ces déchets sont réutilisables. Et le Lapin a déjà sous-entendu cette possibilité. Je le rejoins sur le fait qu'il ne faut "pas que cette recherche soit faite uniquement pour la tune et la spéculation comme actuellement". Effectivement, c'est pour ça qu'à termes, la tour Areva, je la verrais bien dynamitée, pour que l'énergie nucléaire devienne de la seule responsabilité des Etats qui l'utilisent encore.

C'est mon scénario de sortie du nucléaire. Progressif, et se laissant le droit de réutiliser les déchets produits jusque là pour les exploiter au maximum, les "utiliser" au maximum, au sens premier du terme. Seulement je n'y crois qu'à moitié; et c'est là que j'aborde mon deuxième point, en citant le Lapin :

Pour l’anecdote, dans le cadre de mes études, j'ai eut un cours appelé "gestion des ressources énergétiques". Le prof, un professionnel, nous a dressé un bilan super sympathique : dans 50 ans, la population mondiale sera divisée par deux. Et ça, c'est dans le meilleur des cas, et sans intervention des mayas en 2012.

J'ose espérer que ce sera le cas, et que ton prof avait raison. Mais là où je suis plus pessimiste, c'est que contrairement à une hypothèse largement répandue, je pense que cette diminution de la population n'aura rien de progressive : elle sera le fruit d'un fantastique effet domino à très court terme, catastrophes industrielles, krachs boursiers, famines, pénuries, révoltes, et guerres, dans 50 ans peut-être. La nature rappellera aux hommes ce qu'ils lui doivent. La planète reprendra ses droits, mais elle resistera, quitte à faire disparaître à sa surface l'espèce dominante, parce qu'elle l'a déjà fait.

Jibouille a dit :

Mais nous sommes aujourd'hui face à une écrasante réalité : nous vivons dans un monde fini !!!

Non, ce monde-là n'est pas fini. Il continuera d'avancer. Mais l'espèce humaine, par bêtise ou par instinct, régulera d'elle-même son effectif, parce que cet effectif est et sera le principal obstacle à son avancée. Il suffit juste qu'elle se rende à l'évidence.

En attendant ? Il faut réfléchir à une autre manière de vivre, plus raisonnable, plus intelligente, et espérer une prise de conscience globale. Proposez !
L'idée de Lune me plaît beaucoup :

La solution de produire localement est donc beaucoup plus logique financièrement car les sommes énormes mises en jeux dans la construction, l'entretien et le démantèlement futur des centrales permettrait à la recherche et au développement des énergies alternatives d’aboutir à des solutions diversifiées adaptées à chaque lieu.

La production locale est une bonne solution je trouve. Imaginez, juste un instant, que tous les immeubles, toutes les maisons autour de vous, soient équipés de panneaux solaires, d'éoliennes verticales qui viendraient remplacer les évacuations des chaudières et rejoindre les conduits de cheminées. Imaginez que chaque bâtiment soit autonome, que ses usagers soient impliqués directement dans la consommation électrique de l'immeuble, avec un postulat très simple : si vous ne faites pas le nécessaire pour limiter votre consommation au minimum, l'immeuble sera plongé dans le noir, et personne n'y pourra rien. Dans les villes, le câblage disparaîtrait. EDF et les autres ne fourniraient de l'électricité qu'aux bâtiments qui, d'une manière ou d'une autre, ne sauraient pas être autonomes : laboratoires, hôpitaux, centres de recherches, datacenters, réseaux cellulaires.

On va m'objecter que les panneaux solaires sont plus polluants à fabriquer que les centrales nucléaires (c'est dire...) : certes, mais nous n'avons pas fait le tour de cette technologie. Parce qu'il est bien connu qu'une brique au soleil chauffe, qu'une tuile au soleil chauffe, qu'un morceau d'aluminium au soleil chauffe. J'ai confiance.

L'idée des eco-villages est également une excellente idée, et elle rejoint dans un sens mon idée de bâtiments rendus autonomes en énergie. Parce qu'un éco-village est une communauté de ressources qui vit sur l'équilibre entre ses membres et les ressources qu'elle produit. Et c'est d'ailleurs là que je me trouve un point de divergence avec beaucoup d'entre vous : pour moi, le principe de l'éco-village n'a pas de limite de taille, tant que l'équation exacte production - consommation subsiste. Le piège, c'est l'inter-connexion de ressources.

Je concluerais sur une déclaration tout simple : le nucléaire, je veux en sortir. Mais quitte à le faire mourir, je voudrais que ce soit en le laissant s'affamer. Faire remanger aux centrales ce qu'elles vomissent, jusqu'à ce que cette nourriture ne leur suffise plus, et qu'elles s'éteignent d'elles-même. Jusqu'à ce jour-là, nous avons à trouver une autre manière de vivre, dans un monde qui n'aura rien à voir avec celui que nous connaissons aujourd'hui. Je n'abandonnerais jamais mon envie d'être père, pour que mes enfants perpétuent l'effort que j'ai envie de faire pour que l'avenir soit le moins sombre possible. Mais d'ici-là, comme le dit si bien Zinzolin, ne comptez pas sur moi pour ne pas profiter de chaque minute de ma vie sous prétexte qu'à 120 bornes de là où je me trouve à cet instant, il y a une centrale nucléaire qui a 23 ans. Quitte à faire ça, autant se flinguer tout de suite. Et j'ai pas envie.