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Arbre

Le Temps des Rêves

Vous avez cru grandir,
Vous qui avez tué tant de dieux.
Vous avez pu vous nourrir, du sang de tous leurs anges.
Pourtant, même si vous avez scellé mon corps morcelé dans de multiples cercueils, Je ne suis pas mort.
Et je vous survivrai.

Je l’espère de toutes mes âmes.
Car si ce n’est pas le cas,
Si vous m’arrachez une à une toutes mes ailes,
Je vous plains car vous vivrez dans un monde bien triste.
Je me refuse de vivre dans un monde sans pensées sauvages ni arums inconnus.
Pourquoi avoir volé au dessus de vos ancêtres,
Des milliers de vies durant,
Si c’est pour voir cette nature que je protège s’éparpiller comme pétales au vent ?
Laissez mon corps doré apporter aux éclats fugaces des images électriques un peu du goût du pollen.

Il suffira d’y penser, d’ouvrir un instant la fenêtre et me laisser entrer.
Je serai à vos côtés
Et chez vos voisins aussi.
Et là où vous avez passé vos enfances.
Et cherchant un peu de vie près des pierres où vous reposerez un jour.
Partout à la fois,
Je vous apporterai un peu d’espoir,
Évitant vos oreilles en un murmure à peine audible.

J’ai arrêté d’essayer de vous comprendre,
Vous qui torturez les anges.
Mais si vous le souhaitez,
Vous pouvez écouter un de mes multiples chants.
Car j’aime chanter en travaillant !
C’est un peu le chant du vent.
Ou celui du soleil.
Et la nature chante avec chaque parcelle de mon corps,
Lorsque j’étends mes ailes diaphanes.

Tout en chantant, je volète.
Jamais aucun Don Juan ne butinera comme je le fais,
Ni avec autant de joie innocente.
Je possède plus de corps féminin qu’un seul de vous ne le pourra jamais.
Elles sont moi, et je suis en chacune d’elles.
Je suis certain que lorsque Marie,
Bénie entre toutes les femmes,
Posa ses lèvres pour la première fois sur le fruit de mes entrailles,
Elle sut ce qu’était la douceur,
Le goût des anges…

Mon corps vous est offert,
Mais vous le profanez à chaque fois qu’il vous plaît de lui arracher son sang.
Je vous vois enfiler vos armures et vos casques.
Vous brandissez le feu destructeur et sa fumée maudite.
Vous enfoncez cette arme en mes corps endormis,
Arrachez mes viscères
Et en retirez mes enfants.
Vous vous amusez alors de voir mes larves se mouvoir en légers soubresauts,
Étudiez mes gargouillis douloureusement esquissés entre deux battements d’ailes.
Puis vous replacez mes restes dans des sarcophages éparpillés,
Réduit à mes dépends à ma place d’ascète,
Loin de vos vies adoucies.
Puis vous allumez quelques bougies aux volutes aromatisées aux iris,
Brillantes témoins de vos actes séraphicides.

Je ne peux même pas vous haïr.

Laissez-moi, cet hiver pour quelques jours encore,
Dormir du sommeil de Perséphone.
Après je jouerai de mes élytres pour oublier l’enfer.
Puis entre deux battements d’ailes,
Je travaillerai sans relâche à vous offrir à nouveau
Un peu du goût des anges.


Image
(photo par http://petitprince87.deviantart.com/)