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Arbre

Le Temps des Rêves

Au début il n’y avait
Rien…
Il n’y avait même pas Ça
Et Ça dura longtemps
C’était froid, vide, et noir.

Puis il y eu un craquement,
mouvement et déchirement
Et le ciel naquit du bout de son bec
L’azur est né en éclats nacrés :
nuages.
D’immobilité à mouvement,
La terre pris consistance.
Un pas en avant, et le sol exista.
Il perdurera longtemps.

Après quelques étirements, la tortue décida de créer le monde.

Elle marcha
Et marche encore

Tout d’abord vint la soif.
Le désert, désespérément plat,
s’était fait pierre.
Et avec lui la poussière.
qui n’abreuve pas.
La douleur se fit omniprésente,
les minutes apparurent, puis les heures.
Et au détour d’un premier monticule, l’eau naquit du désert.
Avec elle la fraîcheur suave et les vives impressions
murmure de l’eau sur la pierre, humidité de l’eau sur les écailles

Ensuite vint la peur
Les heures s’écoulaient
Avec elles le mystère de ce qui n’est pas visible
d’un rêve vint la nuit, primitive et vitale
Les ombres prenaient vie
Elles s’obscurcirent, s’allongèrent pour caresser sa carapace fragile
De peur elle se réfugia en son corps
Mais par force de volonté, la lumière fut
ses yeux s’éveillèrent aux couleurs des dunes.

Ensuite vint la faim
et avec elle l’envie.
La vie éclatait du désert sous ses pattes
Et d’un espoir de renouveau jaillirent des palmiers
opulence verte dans cette overdose ocre
Au creux des plantes apparurent des insectes.

Et alors vint le sang
Un autre qu’elle,
les yeux étant les reflets des siens, la pris pour cible.
La moire rouge, l’hypnotisante douleur d’une blessure béante
ouverte par la mâchoire d’un cauchemar éveillé
les dents du chacal sur la patte refermées et l’odeur suave
du lourd liquide vermeil opaque et lent en ses méandres,
qui nourrissait la terre.

Fuyant son immuable destin, elle marcha
Et marche encore.

Elle voit à nouveau, à chaque pas,
à chaque regard,
chacun des miracles qu’elle avait créé.
Fermant les yeux, elle s’incarna pour mieux régner :
elle se voyait aigle et maitre du ciel ;
elle se rêva taureau, piétinant les rocs ;
elle prit l’âme du dauphin, libre prince des flots.
Elle oublia quelques instants sa peur,
et alors vint l’arrogance.

Être supérieur, elle évitait les lieux de vie
Préférant marcher sur la roche des siècles durant
Préférant Ne pas voir ces autres qui terrorisent et font saigner
Préférant sa sainte procession dans les ors du désert
A la vie simple de ce qu’elle a créé
Et alors vint la solitude

Chacun de ses pas s’enfonce dans la poussière
Et la tortue, trop loin du monde
Ne sait même plus ce qu’est la joie
Elle avance, et marche encore,
Elle ferme les yeux et s’enfonce en elle
Carapace et cœur de pierre
Oui, alors vint la solitude, et avec elle le désir

Elle marche
Mais le monde n’est pas plat
Ainsi l’avait elle créé.
Elle glissa d’un rocher et se trouva sur le dos.
Elle marche encore,
prenant appui sur le ciel et déplaçant le monde

Elle n’a qu’à baisser son bec pour voir l’infini
D’un azur trop épais
Décoré d’oiseaux tournoyants
Qui bientôt disparaitront de son regard.

Et alors viendra le vide