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Arbre

Le Temps des Rêves

Crois-tu qu’il soit possible
D'accueillir en soi toutes les peines du monde ?
De prendre chaque douleur, chaque chagrin
Puis de m’ouvrir la poitrine
Et de les y renfermer ?
Je coudrai bien, sois-en sûr,
Les lèvres de la plaie.
Je ferai de mon corps une prison solide.
En moi le sang, la sanie et les larmes
Toutes ces humeurs qui ne seraient plus versées
Puisque plus jamais personne ne serait triste
Ni n’aurait peur ni n’aurait mal
En moi ces millions traversant la mer
Entassés dans l’odeur les uns des autres
En moi les cris du bétail
Se débattant sous le couteau
Et ces poissons crevant le ventre en l’air
L’oeil déjà vide
En moi les famines les canicules
Les chairs déchiquetées
Les mains meurtrières
- Tous les fléaux du monde
Bien enchaînés
Bien sages
Dans le temple secret de mes côtes.
Je te promets
Que je saurai les maîtriser.
Que je les materai si bien
Qu’ils n’oseront jamais s’échapper.
Tu oublieras jusqu’à leur existence.
Tu ne les verras jamais au fond des mes yeux.
Ils ne chercheront pas
À transpercer ma peau.
Ils ne me forceront jamais
À rouvrir la cicatrice
Pour les laisser sortir
- Crois-moi, je les trouverai
Pour les sceller
À tout jamais en moi

Alors le monde
Sera de nouveau neuf
Et jeune

Et moi
Je pourrai peut-être à nouveau
Ressentir quelque chose.