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Arbre

Le Temps des Rêves

J’essaye de mesurer mes bonnes actions
Je sonde le lointain, la main en pare-soleil
les sourcils froncés, le cerveau à plein régime
et finis par conclure :
On ne peut pas conclure.

J’essaye de mesurer mes mauvaises conséquences
Aussitôt il pleut des chiffres
aussitôt il pleut des tonnes
de carbone
Il pleut des euros et des réfugiés
des esclaves et des kilowattheures.

Je le dis : il me semble
que ce n’est pas très équitable
et je m’en trouve un peu perdu
et assez contrarié.

Où est-il donc, l’expert-comptable, quand on a besoin de lui ?

Je le rêve en costard, l’air sûr et la mine efficace :
« Monsieur, vous avez demandé un rendez-vous.
Asseyez-vous, je vous en prie.
Ainsi, vous voulez connaître votre bilan actuel ?
-- Oui monsieur, je le souhaite ».

Quelle est ma part du réchauffement climatique, ces temps-ci ?
Combien ai-je convaincu ? Combien ai-je écouté ?
Cette personne qui dort par terre
dans l’ensemble,
je l’aide ou je l’enfonce ?
Où se trouve le meilleur retour sur investissement
au profit du bien mondial ?
Combien de temps ai-je perdu ?
Combien de bons coups ai-je joués ?
A l’heure actuelle, que pouvez-vous me dire
du pourcentage de mes idées qui sont justes
et de celles qui sont fausses ?

Il me répondrait tout de go, avec son air sûr
et sincère
d’expert comptable
avec son air de « revenez quand vous voulez »
et rien que de savoir, je serai plus léger.

Pour finir l’évaluation
J’aimerais frapper mentalement
Dans un gros punchingball de foire
La jauge monterait, monterait
Et dans un claquement sec, dirait
« Vous en êtes-là ».
Alors j’aurais peut-être
cette humble et mégalomaniaque jouissance
de celui qui vient de battre son meilleur score
ou de celui qui vient de le manquer de peu
et qui sent monter l’envie furieuse
de faire mieux.