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Arbre

Le Temps des Rêves

Alors, moi, j'ai A DO Ré me prendre une baffe au bout du 6e vers.
Les 5 premiers vers sont très beau, mignons, jolis (et réussis) et tout à coup, paf, l'angoisse, les anguilles, le désespoir, le trou noir obèse (très puissant celui-là). Pour moi, ce contraste, c'est un coup de maître.

Avant de lire le titre que tu avais prévu, je n'avais pas vu le double sens. Moi, je t'imaginais, à ta propre fenêtre, regardant la fenêtre des voisins et te rendant compte que la vie n'est pas facile pour tout le monde (je schématise allègrement). Après avoir vu que tu voulais l'appeler "derrière la fenêtre du regard". j'ai compris que tu parlais en fait des yeux (le trou noir, c'est la pupille ?), de ce qu'on voit dans un regard qui a oublié de se cacher. C'est ça ?

En relisant, je me dis que c'est probablement au moment où tu dis "le regard", que le lecteur est censé comprendre que la fenêtre, c'est les yeux, mais je ne l'avais pas compris.

Dans cette strophe :
Le regard se rétracte il ne voudrait pas voir
La lourde porte en fer dont les battants rouillés
Tremblent sous les assauts d’une bête blessée
Les orgies qui se jouent entre désirs coupables
L’armoire à pharmacie pleine de boîtes vides
Les éclats de verre sale couchés dans la cuisine

... je pensais qu'il s'agissait de ton regard, non de celui de l'autre

Mais il est vrai que dans cette strophe, en étant attentif, on comprend que là, c'est le regard de l'autre :
Le regard s’écarquille il a mal il a peur
Qu’on le surprenne ici qu’on ne le surprenne pas
Il veut fuir mais il sent autour de sa cheville
Le doigt humide et froid de l’obèse trou noir
Il frappe il hurle il court en sentant la brûlure
Il est dehors, il pleure, il se recroqueville


Voilà, ça c'était pour le côté "compréhension" de la double image.

Sinon, j'en reviens au poème tel que je l'avais compris.
Je l'ai beaucoup beaucoup aimé, sans le comprendre pleinement, parce que je trouve que le rythme coule tout seul et que les images sont fortes sans être grandiloquentes et inhabituelles tout en visant juste.

coups de coeur particuliers pour :

Des espoirs fatigués qu’on a cloués au mur
Pour ne pas qu’ils s’abîment dans l’obèse trou noir
Qui mange l’atmosphère avec un sourire vide


Le doigt humide et froid de l’obèse trou noir
Il frappe il hurle il court en sentant la brûlure
Il est dehors, il pleure, il se recroqueville


Après, il y a quelques petits bémols :


Des enfances lovées genoux contre poitrine
Qui sanglotent au milieu de ce qu’elles ont brisé

j'aime l'image et le premier vers est parfait mais je n'ai pas bien compris pourquoi c'étaient les enfances qui avaient brisé quelque chose. Ne sont-ce pas plutôt elles, qui ont été brisées ?

Tremblent sous les assauts d’une bête blessée
Les orgies qui se jouent entre désirs coupables

--> j'ai trouvé qu'on allait un peu trop dans le registre "dark" avec les mots "orgie", "bête blessée", "désirs coupables". Ces mots, pour moi, sont issus d'un champ lexical étranger au reste du poème où, à l'inverse, tu arrives à dire la noirceur et la douleur sans sortir d'unvocabulaire quotidien, presque neutre (la boîte à pharmacie, classique, mais qui fonctionne très bien, par exemple). Tu vois ce que je veux dire ?


Quand tu parles de la cheville, ça m'a un peu perdue, par rapport au fait qu'on parle des yeux... ok, c'est une image, et qui marche plutôt bien... mais elle brouille un peu les repères, peut-être.

Enfin, j'aime beaucoup le fait qu'on retourne à la fenêtre après cette plongée dans les profondeurs. Pour moi, ça n'a pas rendu la scène plus glauque, ça m'a ramenée un rayon de soleil. Par contre, je ne suis pas tout à fait convaincue par la toute fin. Ce "Qui ne sont pas moins vrais" m'a donné le sentiment que tu voulais souligner, justement, le fait que tout n'est pas noir. Je trouve que ça vient en trop, ou pas de la bonne manière. A la limite, je m'arrêterais bien, juste, sur une image :

Au bord de la fenêtre le potager est plein
D’un bouquet de fleurs jaunes que l’autre a fait pousser

Avec, pourquoi pas, un retour aux rideaux du début qui pourraient assurer la transition dans les deux sens.
Ou bien jouer sur le côté que ça peut déborder de larmes, d'eau, quand il pleut trop (ça, c'est juste que j'ai eu cette image qui a fait flash dans mon esprit : je ne sais pas si c'est à prendre ou à laisser)

La "menthe poivrée" et son odeur, pour moi, fait un peu trop "les ptits oiseaux / les bonnes odeurs / la menthe de tes yeux...". (j'en use parfois moi-même, oui, je plaide coupable et accusatrice :-b) et viens rabaisser le niveau d'insolite des images précédentes.

Voilà voilà. J'espère que ce commentaire tartine pourra te donner quelques indications et te permettra de voir ce que tu peux faire. je viendrai lire la nouvelle version si nouvelle version il y a car j'aime vraiment bien ce poème !