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Arbre

Le Temps des Rêves

Dans la plaine ensoleillée, un homme passe. Il va d’un paysage à l’autre. Il sait où il va. Il sait d’où il vient.

Là-bas, de l’autre côté, il y avait une tempête, des toits tombés à terre, des murs jetés au ciel et l’homme, éparpillé.
Ces derniers mois, son corps s’était lentement dédoublé. Une ombre de chair, à peine distante de sa première enveloppe, calquait ses pas et ses gestes. Quand il marchait, son double tombait de fatigue, s’effondrant au sol. L’homme devait, à chaque fois, rebrousser chemin, le prendre dans ses bras et repartir de plus belle. Ainsi pour chaque parcours. La moindre course prenait des heures. De plus en plus souvent, ses éclats de rires se chargeaient de silences, des silences tellement sombres que personne ne les voyait. Porte-parole d’un groupe de révoltés, sa parole était loin de toutes les voix qu’on lui faisait porter. Ses deux corps sonnaient creux. L’un avançait, comme par habitude, l’autre observait, se demandant pourquoi l’autre avançait sans cesse. De cette lutte invisible, l’homme ressortait sans force à la fin du jour comme au début du lendemain.
Dans la plaine ensoleillée, un homme passe. Il est seul.
Le double est mort de soif à l’orée de la plaine. Il l’a laissé mourir pour franchir la frontière.

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