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Arbre

Le Temps des Rêves

Merci pour ton avis, Faël !
Je suis mitigé moi-même sur ma proposition : prendre Hugo donne une dimension patrimoniale et historique aux nouvelles paroles, mais c'est un peu déformer et amoindrir son poème que d'en utiliser seulement le début pour introduire un message qui n'est pas le sien (le poème est plutôt centré sur la figure du banni et la virulence de son verbe qui hante les ennemis).
Cela dit, elle a le mérite d'être de bonne facture littéraire et beaucoup moins niaise que toutes les versions "pacifistes" de la marseillaise qui circulent sur le net : je n'aurais pas honte de la chanter.

Je partage une série de citations contre le changement de paroles (attention, je n'ai pas vérifié les sources^^), qui m'ont fait un peu réfléchir :

Jacques CHABAN-DELMAS, « Ayant été élevé dans la vénération de la France, la Marseillaise est pour moi un chant émouvant, entraînant et infiniment précieux.
Heureusement qu'il n'est pas question de changer la musique ; et je ne pense pas qu'il soit absolument nécessaire d'adapter les paroles à notre époque : le présent s'explique par le passé, et c'est le présent qui doit éclairer l'avenir »

Marcel GAUCHET, « On ne réécrit pas l'histoire. On peut juger déphasé par rapport à nos sensibilités actuelles ce vers mais notre effort intellectuel doit être de le replacer dans son contexte, de comprendre le sens qu'il pouvait avoir pour nos devanciers vis-à-vis duquel nous pouvons nous retrouver avec respect sans du tout partager les idées qui sont derrière ce vers malheureux. »

François LEOTARD, « Je ne souhaite pas que l'on change la moindre formule, fusse une virgule, à notre hymne. Pour moi, la Marseillaise est une sorte de monument historique.
Il ne me déplaît pas, par ailleurs, que ce chant, dans ses vers abrupts, nous rappelle combien la frontière est fragile entre la recherche de la liberté et le basculement dans la violence. La révolution est un bloc ; elle a été violence et elle a été liberté. »

Bernard PONS, « (le changement de paroles) ne saurait être envisagée concernant l'hymne national de la France. Ce chant, que nous avons hérité d'une grande période de notre histoire, constitue en effet à mes yeux un témoignage inaltérable de l'attachement de nos compatriotes à leur patrie et de l'adhésion de tous à une haute idée de l'identité nationale. »

Philippe SEGUIN, « C'est sur ces paroles que nos ancêtres ont exalté et défendu la liberté. Elles gardent donc à mes oreilles une signification qui vaut par le rappel implicite de leur contexte.
En chantant et en disant : " Aux armes, citoyens ", je n'appelle évidemment personne à prendre les armes. Je célèbre plutôt un culte à des principes et à leurs défenseurs en prononçant des paroles qui ont une valeur quasi sacramentelle. »


Je suis d'accord pour voir en la Marseillaise un "monument historique", et pour ne pas nier la partie violente de la révolution française. "On ne détruit pas Versailles sous prétexte que c'est un symbole de l'absolutisme", ai-je lu ailleurs.
D'autres soulignent également le caractère international de notre Marseillaise, qui a été reprise dans plusieurs pays en des heures mouvementées.

Je ne prétends pas nier à la Marseillaise sa qualité de témoignage, de patrimoine, de chant de liberté. Mais j'aimerais aujourd'hui avoir un chant à clamer fièrement sans avoir l'impression de passer pour un barbare fanatique.
Alors d'accord, on peut chanter la Marseillaise en étant fier du symbole et sans adhérer aux idées de ses paroles. Mais on l'apprend aussi à nos enfants, et ils n'ont pas forcément les ressources pour prendre cette distance, et je voudrais pouvoir leur faire chanter un hymne en adhérant à son message.

Pour moi, la mélodie suffit à conserver cet aspect patrimonial, elle est chargée d'une longue histoire qui dépasse nos frontières et mérite de retentir encore.
Les paroles originelles sont intéressantes à visiter comme un musée.
Les paroles nouvelles devraient garder cette exhortation à se lever pour la France, à avoir le courage de se battre quand il le faut : c'est ça qui fait vibrer les tripes et qui rassemble un peuple vers un même but. Un pacifisme généraliste et mielleux ne me semble pas du tout approprié, et c'est un peu ce que je reproche aux versions comme celles de Graeme Allwright, même si leur message est louable.
Essayer de lisser les paroles ("sang ennemi" au lieu de "sang impur" par exemple, je crois que l'abbé Pierre l'avait proposé) en se calquant dessus me semble vain également, justement parce que ces paroles sont un témoignage historique et que les maquiller ainsi leur fait perdre leur athenticité, qui est la seule qualité que je leur trouve vraiment. Ce serait comme restaurer un château fort en repeignant les tourelles et en ajoutant des arabesques pour faire plus élégant.
Donc je pense qu'il faut réécrire des paroles qui prônent le courage, l'engagement, le sentiment d'appartenir à la patrie, mais sans cette folie sanguinaire qui transpire par tous les pores de la version actuelle.

A ce stade, on peut penser cela :

Bernard Clavel
"Il est certain que si l'on se donne la peine de lire le texte complet de la Marseillaise, on a peine à en croire ses yeux. Mais je ne pense pas :
1) que qui que ce soit puisse en proposer un que nous trouvions acceptable. Tout ce que j'ai vu dans ce domaine ne vaut pas trois sous ;
2) que, même si un poète pacifiste de génie se présentait, son oeuvre puisse être acceptée par un peuple qui ne rêve que de cocardes et par des hommes politiques qui ne pense qu'à vendre des armes.
Je crois très sincèrement que ce combat qui vous honore est perdu d'avance."


Et pourtant j'ai bien l'impression que, vu les événements actuels, beaucoup de gens grincent des dents en chantant notre hymne. Je pense que si on leur propose un texte qui ne viendrait pas remplacer la version historique, mais donner une alternative à chanter sincèrement tous ensemble dans les moments difficiles, beaucoup seraient prêts à le reprendre en cœur.
Le reste est une histoire de communication et de politique : utiliser les réseaux sociaux, convaincre des personnalités influentes, etc., pour que cette fameuse version non encore écrite arrive aux oreilles de ceux qui l'attendent peut-être.