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Arbre

Le Temps des Rêves

Les villes ont des passages pour ceux qui savent les trouver. Il suffit d'emprunter les ruelles toujours désertes, de suivre les sentes au flanc des remparts. Il suffit d'être attentif au odeurs qui passent par les portes entrouvertes. Et il ne faut jamais perdre de vue les nuages.

Dans le gris des murs se cache une chanson. Il faudra l'écouter très fort, pour qu'elle te possède. Il faudra qu'elle te fasse danser sur le trottoir, même si les passants te regardent. Il faudra que tes épaules se tendent, que tes semelles rebondissent. Tu souriras, tu regarderas le ciel. Les feuillages apparaîtront le long des pierres.

Il faudra que tu te frottes le long des troncs des platanes, que tu humes le parfum de la terre dès que tu la verras nue. Il faudra que tu ailles là où personne ne va, que tu te glisses dans le calme des cours, dans les orties des terrains vagues. La musique se faufilera dans ton dos, s'accrochera dans l'ombre de tes cils. À la fin, si tu sais repérer chaque signe, elle te fera peut-être pousser des griffes de renard ou des dents de loup.

Tu graviras la pente, tu marcheras le long de la ligne de crête. À tes pieds les veines de la ville, dans ton cœur l'appel des montagnes. Tu resteras debout, longtemps.
Et puis tu reviendras.

Tes mains seront rugueuses de l'air des rues, ton manteau sali du contact des écorces. Tes cheveux sentiront l'humus et la fumée. Dans l'épaisseur des mèches se seront blotties des akènes ; alors, une à une, je viendrai les cueillir. Puis j'irai les semer.