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Arbre

Le Temps des Rêves

Sur le mur qui faisait face à son bureau, Tom avait accroché une immense affiche, de deux mètres de largeur sur environ un mètre quatre-vingts de hauteur, où s'étalait ce qui ressemblait à un immense arbre généalogique, où tout était écrit en tout petit. En plus gros, tout en haut à gauche, on pouvait lire "Commands Tree 1.9.89", et par endroits, le jeune homme l'avait annoté.

S'il fallait une illustration de la complexité hallucinante de Real Space Opera, de ce qui en faisait un jeu qu'il était impossible de maîtriser seul, c'était cette immense affiche, éditée par l'équipe de développement et donc parfaitement officielle et exhaustive, qui reprenait une à une chacune des fonctions et des paramètres disponibles via l'interface en ligne de commandes intégrée au jeu. Les connaître tous par coeur était illusoire, et chaque membre de l'équipage se limitait donc à la connaissance des branches de cet arbre qui le concernait, le reste n'étant que simple curiosité.

A son poste de navigateur, Tom avait la charge de près de six-cent cinquante de ces commandes et paramètres, dont la gestion très pointue des douze propulseurs dont disposaient les vaisseaux du jeu. Evidemment, RSO mettait à disposition des équipages un pilote automatique, mais il n'était vraiment utile que durant les phases de croisière, en général en début de partie, le temps que les deux adversaires soient à portée de tir l'un de l'autre ; et s'il déchargeait le navigateur de la gestion séparée des propulseurs et des vecteurs, il fallait tout de même savoir le programmer correctement. Il avait fallu à Tom plusieurs semaines, et des dizaines de combat perdus pour réussir à se servir pleinement du pilote automatique. Et quelques mois de plus pour utiliser le plus efficacement possible les propulseurs de manoeuvre du Lone Star.

Au-dessus du bureau et des trois écrans qui y étaient disposés, Tom avait affiché une image au format A3, une capture d'écran du Lone Star prise par un fan lors d'une retransmission, alors que le croiseur passait devant la lune d'une planète tellurique à l'atmosphère jaune. Tous les vaisseaux du jeu étaient identiques, et étaient officiellement décrits comme des "croiseurs de classe Pantheon". A l'avant cependant, au niveau des ponts intermédiaires de ces colosses qui en comptaient dix, les équipages pouvaient faire apparaître un écusson en plus du nom de leur bâtiment : le Lone Star Seventh arborait un écusson circulaire, au centre duquel une ligne fine séparait une étoile à gauche et le chiffre 7 à droite. On distinguait clairement, sur l'image, cet écusson couleur d'or sur le côté bâbord du Lone Star : c'était la "photo officielle" du vaisseau.

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