Retour à la conversation
Arbre

Le Temps des Rêves

Bon, ma détermination légendaire n'a pas tenu bien longtemps, mais j'ai quand même fait quatre textes en cinq jours, avec un maximum de 2100 mots par heure pour le dernier. Je vous en fait partager deux (pas retravaillés), un étrange et un western (probablement le seul que j'écrirai jamais^^) :



Ahanant et suant, il se dirige péniblement vers le prochain obstacle. La transpiration lui pique les yeux et trempe son T-shirt. Il souffle comme un bœuf courant après une ferrari. Il prend son élan et parvient à se soulever assez pour s’accrocher à la barre. Freddy Mercury hurle dans ses oreilles : « Show must go ooooon ! ». Il ordonne à ses biceps de se mettre au travail. Péniblement, il se hisse de quelques centimètres. Son visage rond rouge et chaud est encore loin de dépasser ses poignets. Il tend le menton vers le haut pour se donner l’illusion de monter encore un peu puis, n’en pouvant plus, il ordonne une pause à ses biceps. Il reste comme un imbécile, les jambes pendouillant au-dessus du vide comme un cochon chez le boucher. « Show must go ooooon ! » Gémissant de plus belle, il se hisse à nouveau. Ses muscles lui font horriblement mal et il a l’impression que toutes les veines de son corps vont exploser sous la pression. En tirant encore son menton vers le ciel, il parvient dans un effort ultime à toucher son poignet, et retomb mollement sur le sable en poussant un soupir de soulagement et de douleur. De petites mouches noires dansaient devant ses yeux et son pouls fait autant de boucan qu’un tambour de guerre. Allez mon gars, c’est pas fini !
Il contemple quelques secondes son gros ventre mou qui lui cache ses grosses cuisses molles, il redresse son gros cou gras et se remet sur pattes. Le mp3 envoie un morceau de métal à se décoller les tympans. Il pousse un hurlement guerrier et repart en soufflant. Mal aux pieds. Mal au dos. Mal au cul. Mal aux jambes, mal au bide, mal aux bras, mal au coeur. Rien à foutre ! Il ne s’était jamais senti aussi bien. Il trottinait avec la rage d’une guitare électrique, sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, et le parc était pour lui un stadium olympique.
Les gonzesses bien roulées, les mecs baraques et musclés, les agent d’entretien, les amoureux romantiques, les promeneurs placides, les gosses qui se marraient lui jetaient des regards étonnés de dégoût qui glissaient sur sa couche protectrice de crasse de sueur et de graisse. Rien à foutre, il se jurait qu’un jour, bientôt, ils lui jetteraient des regards d’envie. Marre de moisir affalé dans ce corps même pas assez gros pour y vider tout son mal-être, ras-le cul des jolis yeux qui se détournent et des yeux cruels qui s’attardent, de tous ces attardés, de tous ces abrutis qui pavanent avec leur jolie vie et leur joli corps, de toutes ces filles qui lui montrent leurs jambes qu’il n’aura jamais le droit de toucher. La batterie se déchaînait tandis qu’une piste de saut en longueur se profile sur sa gauche. Sans hésiter il accélère l’allure, fait trois pas lourds et puissants, et se projette en avant. Il s’étale de tout son long dans le sable et le solo de guitare est coupé net. Rien à foutre. Rien à foutre des pies qui se moquent et des gosses qui se mettent des coups de coudes en le montrant du doigt. Rien à foutre de bouffer le sable de l’arène. Il se relève, courbé par la fatigue. Il crache le sable qu’il a dans la bouche, s’essuie la bouche avec sa manche, remet ses écouteurs qui l’accueillent avec la 5eme symphonie de Beethoven. Se sentant investi d’une grâce et d’une majesté incontestable, il se remet en marche, accélérant petit à petit. Il a envie de vomir. ça ne change pas de d’habitude. Il se laisse enivrer par les coups d’archets et les pétarades des cuivres pour oublier que tout son corps menace de lâcher en même temps, pour oublier qu’il ne sait pas où il va et qu’il n’a personne dans sa vie, même pas un chien pour courir à côté de lui, un chien qui se ficherait de savoir si son maître est une bimbo de magazine ou un vieux porc dégoulinant, un chien sur qui il pourrait hurler hurler hurler encore et qui l’aimerait quand même et qu’il pourrait frapper : il a envie de frapper tout le monde, il court en grognant et la bave suinte de sa bouche trop sèche où restent quelques grains de sable. « La trentenaire à la poussette, bam ! Mon gros poing dans ton pif. Le prof de gym, je t’attrape la tête et je l’explose contre mon genou. Et ce gosse sur le chemin, je le chope et je me laisse tomber sur lui, façon prise de catch, et ça fera un drôle de bruit quand je l’écrabouillerai, et ça giclera de partout » Marre d’être sympa, marre de faire le gros marrant, le bon gros con sur qui on tape… On verra ce qu’on verra. Il fondra. Il ne restera plus que le noyau, le dur, le sec, le propre, le truc qui sent plus rien , solide comme un roc, musclé comme un lion. Putain de point de côté ! Rien à foutre du point de côté. Il court de plus belle, crachotant, trébuchant, les traits crispés de douleur, il bouscule en boîtant tous ceux qui se mettent en travers de son chemin. « Connard », il entend derrière lui… Une crampe monstrueuse lui arrache un cri et il s’écroule. Se relève. S’écroule. Il a la bouche sèche. La tête qui tourne. Se relève. S’écroule. Les mouches devant les yeux. Un vol d’orchestre symphonique dans le cerveau. Il est fatigué. Fatigué…

----

« Monsieur, vous m’entendez ? Si vous m’entendez, ouvrez les yeux. Serrez-moi la main ! Monsieur ? » Il serra la main. « Vous allez bien » ? Il ouvre les yeux. La fille retire brusquement sa main, et l’essuie d’un air gêné sur son jean. Une vieille et quelques badauds contemplent la scène, à une distance respectable. Ils chuchotent. ça résonne. «Faut le mettre en PLS ». « Faut appeler le SAMU ». « Les pompiers ». « Il est trop gros, il arrivera jamais à se relever ». « Ouais, les pompiers ». L’envie de vomir revient. Il veut bouger. ça résonne…

----

Monsieur, vous m’entendez ? Si vous m’entendez, serrez moi la main. Serrez moi la main ! Ouvrez les yeux. Une grosse voix de prof de gym. Il serre la main, aussi fort qu’il peut. Il veut en faire de la bouillie. Mais il remue à peine. « C’est bon les gars, il est conscient . Bon, on va le charger. Je prends la tête, vous êtes prêts. ? Il voit le beau visage carré et poivre et sel se pencher au-dessus de son visage. Il veut lui cracher dessus, mais il ne réussit qu’à faire couler un mince filet de bave au coin de ses lèvres. Il sent qu’on lui glisse quelque chose sous le dos. Il grogne. Il se débat. « Calmez-vous, monsieur. Tout va bien, calmez-vous ». Il réussit à redresser la tête. Il sent une main sur ses épaules. Il prend appui sur ses coudes. La main sur son épaule veut le recoucher. Lui, il veut se relever. « Connard », il parvient à hurler, et la main le lâche. Il se redresse encore. Ses oreilles sifflent. Il a envie de vomir. Il se met à quatre pattes. Plante les pieds dans le sol. Pousse sur ses jambes. Tremblotant, il s’escalade doucement. Quand il est entièrement debout, il se tourne vers le visage poivre et sel, et plante ses yeux dans les siens, affolés. Lui, il est calme. Lui, il ira au bout. Il appuie lourdement son regard, écrasant le beau visage carré de toute sa masse. Puis il se détourne et, lentement, il se met à marcher.