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Arbre

Le Temps des Rêves

Typhoon

L’aigle de fer survole la campagne normande, passant au ras des verts pâturages que baigne le chaud soleil d’août 1944.
Son ombre menaçante strie à grande vitesse les haies du bocage ornais alors que les rugissements de son moteur éparpillent les quelques troupeaux survivants dont la quiétude béate n’est plus qu’un lointain souvenir depuis que l’avance du front est venue troubler la sérénité bucolique de ces décors champêtres.
Les 3 bandes noires de ses ailes déclenchent la terreur de la marée Feldgrau en reflux, car il est bien rare qu’un rapace teuton vienne lui contester la domination des cieux dont le bleu trompeur n’annonce pas la douceur élégiaque des Champs Elysées, mais bien la Géhenne qui se déchaîne sur la Wehrmacht.
Caen, St Lô, Falaise ou Argentan, villes martyres libérées au prix du sang et des larmes, ont défilé sous la carlingue de cet avion. Pour la Normandie, les sanglots longs des violons de l’été annonce un automne de liberté, mais blessent les cœurs des réfugiés d’une langueur monotone. Le tonnerre des canons fut le prélude au requiem des nazis déconfis mais les orages d’acier n’ont pas épargné nos terres sacrifiées.
L’ouragan du Seigneur Tout Puissant a soufflé le vent de la destruction, triste corollaire d’une nécessaire invasion : aujourd’hui, l’Overlord envoie son ange exterminateur poursuivre de son ultime fureur les lambeaux d’une armée en déroute.
Encerclés, cernés par la meute alliée qui attend que sonne l'hallali, les restes des fières divisions d’hier brûlent leurs chiches réserves d’essence pour sortir de la nasse. Chambois est la dernière échappatoire pour les forces d’un Reich aux abois.
Mais les sentinelles du Montormel sont aux aguets, une voix à l’accent polonais donne l’alerte : un déluge de feu s’abat aussitôt sur les fuyards qui tente de percer à Coudehard. Le staccato des mitrailleuses, les balles qui sifflent, les obus qui explosent, les camions en feu, l’hécatombe parmi les hommes, les chevaux et machines.
Mais les panzers continuent d’avancer, louvoyant entre les cratères et les pommiers. Ils rendent coups pour coups, crachent la mort, écrasent sous leurs chenilles les cadavres, quels que soient leurs uniformes. Les Tigres et les Panthers semblent invulnérables, tenant tête aux Shermans d’où émanent les fumées des réservoirs incendiés.
La route vers Vimoutiers semble désormais ouverte pour les quelques fauves qui ont échappé au massacre en forçant le passage du barrage américain. Des branchages en guise de dérisoires camouflages leur servent de pelage. Pourtant, les feulements des boîtes de vitesse que l’on malmène pour fuir au plus vite du chaudron dantesque de la Poche n’arrivent pas à masquer le bruit menaçant d’hélices qui se rapprochent.
Le chasseur qui a repéré ses proies se déchaîne sur la colonne blindée, ses 4 bouches de 20 mm crachent une pluie de plomb qui ravage tous les véhicules légers alors que les fantassins cherchent leur salut en plongeant dans les fossés. En un ballet terriblement gracieux, le chasseur esquive les tirs de la FLAK et virevolte avant d’amorcer un piquet. Ses 8 roquettes percent enfin la carapace des cercueils chenillés, mettant fin à la course folle des chars de l’armée d’assassins. Les tankistes de l’Ordre noir à la double rune ont rencontré leur destin : un à un, ils sortent des tourelles et des écoutilles en flammes et vont finir de se consumer dans la poussière d’un chemin français.
Ils voulaient entrer au Walhalla, mais c’est l’enfer qui les accueillera : nul valkyrie pour les y transporter, c’est le Typhon qui les a emportés.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Hawker_Typhoon

PS: j'ai été sollicité par Matthieu "UnAutreLapin" Ripoche, j'espère qu'il n'est pas trop tard pour ce "coup de vent" historique. Avec votre indulgence, je n'ai eu que 2h pour le travailler.