Retour à la conversation
Arbre

Le Temps des Rêves

J’adore faire partie du décor. Etre un élément de l’arrière-plan, naturellement planté là. Un peu comme un lampadaire. Je m’assois sur un banc ou je m’adosse à un mur, je prends la pose et j’imagine…

Qu’est-ce que je changerais à une photographie prise depuis l’autre bout de la place ? Qu’est-ce que j’ajouterais à un tableau de maître qui représenterait la scène ? Je me décale à droite ou à gauche, je sors un livre ou une cigarette, pour voir. J’étudie la composition de l’image. Je regarde passer les gens, les couples, les vieux, les clochards, les chiens. Je les regarde ne pas me regarder. Et je me dis, en tant qu’élément du décor, qu’est-ce que serait intéressant ? Un accessoire un peu coloré peut-être, pour rappeler le manteau de cette fille. Je mettrais l’appareil là, sur la fontaine, et moi je serais un peu flou.

J’aime bien jouer avec les gens comme ça, en faire des images avec moi en arrière-plan qui change tout. Ils ne savent même pas qu’ils font partie de ma composition. C’est moi qui contrôle l’image... Là je suis le mec assis, tranquille, mais je pourrais aussi être le mec endormi, le mec qui prie en regardant le ciel, ou alors le mec bourré, qui crie des insultes en brandissant une bouteille vide… Imaginez, je pourrais même être le mec exhibitionniste, ou le mec pendu ! Ah, ça vous change une ambiance, un mec pendu au lampadaire dans un coin du chef-d’œuvre ! Mais c’est ça, messieurs, c’est ça la dictature du décor ! La tyrannie du fond de scène ! Un seul être se pend, et tout est bouleversé…


Spoiler - Afficher

C'est plus un inclassable qu'un vrai poème, mais bon...