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Arbre

Le Temps des Rêves

J'aime cette idée du poète qui existe à travers le lecteur plutôt qu'à travers l'auteur !
... Mais j'aime aussi l'idée d'être, quelque part, un poète. J'aime bien penser qu'on a tous une partie poète en nous, et que le "poète" est simplement celui qui en fait un des aspects de lui-même auquel il accorde de l'importance, qui le cultive et tente de le faire grandir. "Poète" au sens créatif du terme, que ce soit à travers la poésie, n'importe quel art, artisanat, ou même simplement à travers sa manière de vivre. L'envie de créer quelque chose dans lequel on se reconnaîtra et d'autres, peut-être, nous ou se reconnaîtront.

Ainsi, "poète" serait un état de priorité de la part créative sur la majorité des autres aspects de notre personnalité, et une dynamique cherchant développer cet aspect. Donc on peut être poète un jour et finir par ne plus être poète, et le redevenir. On peut avoir été poète une année dans sa vie. On peut être un poète "dormant", qui n'a plus cette activité de développement, d'approfondissement de sa part créative, mais qui a une belle parcelle laissée en friche.

Du coup, si être poète est un état intérieur plus ou moins transitoire, le seul à pouvoir l'affirmer est celui qui vit cet état intérieur. Et si quelqu'un se dit poète parce qu'il a aligné deux vers vus et revus, je pense qu'on a pas le droit de lui dire "tu n'es pas poète". C'est peut-être un un poète maladroit.
Les lecteurs ou les receveurs des œuvres du poète, si œuvre il y a et si receveur il y a, vont seulement détecter les poètes habiles à les toucher.

Même si je suis donc convaincu que tout le monde a le droit de s'affirmer poète quelle que soit son oeuvre (ou même sans oeuvre), il y a une différence entre le jardinier qui passe sa vie dans son potager à s'acharner dessus et qui n'en tire jamais rien (parce qu'il ne sait pas comment s'y prendre, qu'on ne lui a pas dit, ou qu'il vit sur une terre aride), et le type à la main verte qui vous sort de partout des fleurs hallucinantes et des légumes délicieux. Je reconnaîtrais plus facilement au second son titre de jardinier, et c'est là que les lecteurs interviennent (désolé si c'est fouillis).

Au final : être un poète c'est un état intérieur plus ou moins transitoire, dont on en est seul juge (même si on peut se tromper, et ne pas se rendre compte qu'on est dans cet état, ou croire qu'on y est tellement on a envie d'y être). Mais être un poète "réalisé", qui produit des œuvres (ou des actes) qui paraissent poétiques à d'autres, c'est plus difficile (j'imagine un continuum entre ces deux catégories, bien sûr, pas deux factions opposées)...

Et ce "un poète" est bien différent de "le poète", cette espèce d'être supérieur fantasmé qui ne serait que pure créativité et clairvoyance, et que les lecteurs (et les auteurs) peuvent imaginer entrapercevoir entre deux vers. "Le" poète, c'est aussi cet aspect fantasmé de l'auteur d'un poème, cette sensibilité imaginaire qu'on reconstitue comme on le peut/veut à partir d'une oeuvre, que l'auteur n'incarne pas mais qui n'aurait pu exister sans l'auteur.

Et je vais m'arrêter là parce qu'il est tard et que je ne sais plus trop où j'en suis^^. Merci Dahij pour ce sujet !