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Arbre

Le Temps des Rêves

Début d'une nouvelle récemment écrite (premier jet). J'ai aérer un maximum pour faciliter la lecture. Pour ceux qui connaissent, c'est pas mal inspiré du film Fight Club, adapté au cinéma par David Fincher (je n'ai pas lu le livre)



Je vivais la journée. Le soir venu, j'existais.

J'avais un boulot pourri dans un bureau. Il n'y a que ma fiche de paye qui en connaissait le nom exact. Mon patron se faisait appeler Bono. Il voulait faire jeune. Je crois qu'il était juste fan de U2.

Je ne sais pas pour vous mais quand je regarde une personne, je cherche à savoir qui il est. Je sonde son âme et je regarde au delà de son paraître pour trouve l'être qu'il m'inspire.

Bono m'inspirait un personnage de manga devant un miroir déformant. Dites vous bien que j'ai du faire des efforts surhumain pour voir au delà de son paraître.

Il avait quarante sept ans, devait faire un mètre soixante deux pour soixante dix kilos. Je pense que Bono a perdu sa virginité dans une soirée de lycéen dans laquelle il n'était pas invitée avec la première fille torchée à mort. Il redouble quelques classes et a son BAC de justesse. Il entame un BTS en commerce grâce aux contacts de papa et quand il décroche son diplôme papa lui ouvre une boite de pub qui fait son petit succès. Depuis il fait avec. Sa bague m'oblige à croire qu'il est marié (ce qui m'étonne quelque part mais laissons lui le bénéfice du doute). Sa femme est l'opposé de lui. Indépendante, fière, implacable. D'après elle, les hommes n'ont jamais su voir qui elle était réellement. Alors elle a fini avec Bono mais pourquoi divorcer après deux enfants ? En réalité, s'ils divorcent ils vont devoir se départager la garde et au fond ni l'un ni l'autre n'en veut. Du coup ils font avec.

Problème numéro un: sans me rendre compte, j'avais dit tout ça à haute voix. J'avais du le penser si fort en le voyant s'approcher avec une pile de dossier prête à s'écraser sur mon bureau que mon inconscient, affolé par cette vision avait sans doute voulu évacuer son affection pour mon patron. Problème numéro deux: j'allais perdre mon boulot

Pour une fois, ses lunettes épaisses comme trois culs de bouteilles lui allait à merveille. Tout était rond. Sa bouche, ses yeux, son visage. Je suppose que c'était sa manière d'être abasourdi.
_ Oh Bono ! Comment allez vous ? lançais-je sur un ton fort joyeux et peu naturel.

Il ne bougeait pas. Peut être qu'il n'avait pas compris en fait. Oui ! Peut être qu'il n'avait rien pigé et qu'il me trouvait simplement fou.
Soudain, il s'évanouit. Merde.

Le lendemain je passais récupérer mes quelques affaires personnelles au bureau. Tout le monde me regardait avec la même expression que Bono la veille. Et je pavanais fièrement.

Bande de moutons. Vous êtes tous des cons, des larbins incapables de sortir de vos conditions de merde. On vous colle la carotte sur le nez et vous lui courez après. C'est ça qui vous fait kiffer. La dépendance. La cigarette, l'alcool, la coke c'est pour les petits joueurs. Vous aimez ça la soumission ! Faut vous conditionner, vous aimez la pression, ça vous fait chialer, ça vous stresse mais y'a cette petite étincelle... L'existence hein ! Mais vous existez par obligation, vous existez en vous pliant aux putains de règles à la con ! Ça s'appelle pas vivre, ça s'appelle pas exister, c'est mourir à petit feu !Vous pensez être utile. Vous êtes utile à un ordre qui sert à rien. Béééééh.
Écris comme ça c'est un peu mou. Mais quand je leur ai dit en hurlant, ça passait bien. J'ai cru qu'ils pisseraient dans leur froc.

Je n'avais plus de boulot mais je gagnais en indépendance. Les gens croient que l'indépendance c'est pouvoir s'acheter tout ce qu'ils veulent, avoir une piaule à soi, une bagnole, une machine à laver, une télé... Putain non ! Etre indépendant c'est n'avoir aucune attache, aucun besoin, aucun lien avec le monde. L'indépendance c'est la liberté. Etre libre c'est marcher seul.
J'avais une quête. J'avais un plan. La liberté était ma quête, l'indépendance, mon plan. Petit à petit j'avançais vers l'émancipation totale de mon être face au monde. J'apprenais à exister.

La nuit tombait et mon règne sur moi même commençait.
Je marchais dans les rues en portant mon carton. Je n'étais pas rentrer depuis que j'avais quitté le boulot. Je marchais sans cesse. A force de vouloir acquérir l'indépendance et m'émanciper du monde, j'appris à écouter cette voix qui résonne en moi. Là, je ne savais pas ou aller, mon esprit, mon inconscient guidait mes pas et il finirait par m'arriver quelque chose de génial.
Ne croyez pas que j'avançais au hasard. J'écoutais un instinct. Le monde défilait devant mes yeux, -des visages, des couleurs, une fumée de cigarette, une montre en or, un oiseau survolant la foule, des gens tristes, des sourires. Le monde s'engouffrait dans mes oreilles. Une musique étouffée dans un casque, un éclat de rire, un battement d'ailes, des bribes de conversation.
Je fais parti du monde mais je ne lui appartiens pas.

Mes pas me guidèrent dans un sous sol. Je m'arrêtais. C'était là. Il fallait que je reste là.
En face de moi, un peu plus loin, un couple s'embrassait longuement. Mais plus pour longtemps. Un groupe de cinq mecs les aborda. Ils poussent la fille et se jettent sur le mec à quatre alors qu'un autre tient la fille. Elle hurlait, se débattait.
_ Ta gueule salope !
_ Prend ça connard ! Fils de pute de chienne !
Pendant qu'ils lynchaient le mec, j'eus le temps de massacrer la tête de leur pote vite fait bien fait. Ils s'arrêtent, se mettent à quatre sur moi, je ne me défend pas, je ris. Je ris longuement. Ils frappent, ils frappent.
Lorsqu'ils stoppèrent, fatigués, j'avais la gueule en sang. Je ne sentais plus rien. Mais j'étais heureux. Je riais encore.
_ Putain c'est quoi ce mec ? hurla l'un d'entre eux en logeant sa botte en cuir entre mes cotes. Pourquoi tu ris connard ?
_ Je vous prend tous quand je veux ! hurlais je. Branleurs !

L'un d'entre eux leva un poing au dessus de ma tête mais cette fois ci, il regretterait. Sans le savoir, ils avaient fait la pire connerie de leur vie. Je donne une chance, pas deux. Je saisis son poing, l’entraînais vers moi en le déséquilibrant d'un coup de pied dans la cheville. En prenant sa tête de ma main libre, je l'accompagnais jusqu'au sol sur lequel son nez vint doucement s'écraser dans un craquement sonore peu mélodieux.
Je me levais d'un bond. Je me sentais vivant et en pleine forme. Les trois autres avait la même gueule que Bono ce matin. Ils étaient tout rond.
_ Alors ? Je me mettais en position de combat en faisant craquer mon coup. A qui le tour les copains
?
Si j'avais su qu'ils me courseraient pendant trois quarts d'heures, couteaux en mains, j'aurais moins fait le malin. Je les semais finalement et je rentrais chez moi.